Ils sont jeunes et ils voteront Marine Le Pen au premier tour de l'élection présidentielle : qui sont-ils ?
Le Front national serait le premier parti des 18-25 ans, selon l’Ifop et le Cevipof. Ils s'appellent Marc-Antoine, Guillaume, Amélie : Franceinfo a rencontré ces jeunes qui choisiront Marine Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle.
Marine Le Pen pourrait bien être au second tour de la présidentielle, et elle séduit indéniablement, notamment les jeunes. Le Front national serait même le premier parti des 18-25 ans d'après l'Ifop et le Cevipof : près d'un tiers de ceux qui déclarent aller voter dimanche 23 avril affirment que leur choix se portera sur Marine Le Pen. Une vague, si elle se confirme, inédite en France. Qui sont ces jeunes ? Qu’est-ce qui les attire dans le discours frontiste ?
Ils sont jeunes, ils voteront FN au premier tour de l'élection présidentielle : qui sont-ils ?
Nous retrouvons un petit groupe de militants et sympathisants dans une brasserie près du Zénith à Paris, à quelques heures de l'un des plus grands meetings de Marine Le Pen avant l'élection présidentielle. Il y a là Marc-Antoine, 21 ans, étudiant en droit à Assas, Guillaume, 21 ans, qui termine des études en communication et Amélie, 19 ans, vendeuse dans un centre commercial. Le premier est militant au FN depuis septembre, le deuxième depuis mai 2016, la troisième depuis ses 18 ans, il y a un an.
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Le Front national est leur premier engagement politique. Sauf pour Marc-Antoine : le jeune homme au sourire doux, chemise bleue rentrée dans un pantalon rouge, est un déçu de l'UMP. "Ils ne se présentent plus aux élections que pour avoir le pouvoir et non pour réfléchir à une idéologie et avoir une vision de la France", déplore Marc-Antoine.
L'Union européenne, un "problème de fond"
Qu'est-ce qui attire donc ces jeunes vers le Front national ? "C’est le seul réel vote antisystème qui aura un réel impact, répond du tac au tac Amélie. Dans les autres partis, on entend davantage le mot ‘Europe’ que le mot ‘France’, et c’est très regrettable. Le problème de fond, c’est l’Union européenne : il faudrait réussir à s’en défaire ou trouver un compromis."
L'Union européenne, responsable de tous les maux et surtout de la dissolution de l'identité française…"L’identité est un moyen de résister au mondialisme. Je la revendique et j’en suis fier. Et cela énerve à un point que vous n’imaginez pas le Medef, les mondialistes, la gouvernance internationale", assure Guillaume.
Les mots de l'extrême-gauche
La lutte contre le libéralisme, "le grand capital", comme le nomme Guillaume, des mots empruntés à l’extrême gauche : c’est bien cette nouvelle dimension sociale du programme de Marine Le Pen qui séduit ces jeunes. "Il y a eu des avancées sociales que nous ne voulons pas lâcher, poursuit le jeune homme. Par exemple la retraite à soixante ans. Pouvoir partir après quarante années de cotisation est extrêmement important. Marine Le Pen a su associer à la fois cette gauche économique et cette droite des valeurs."
Avec sa promesse de référendum, Marine Le Pen sait aussi que la démocratie directe plaît aux jeunes, une frange de la population que la leader frontiste veut attirer avec des mesures comme la revalorisation des APL pour les moins de 27 ans.
L'impression que la "culture française s'éteint"
Quelle est leur position sur l'immigration, le fonds de commerce du Front national ? Amélie, fille d’immigrés vietnamiens, a la réponse : "L’immigration a toujours été quelque chose de bénéfique dans l’histoire du monde entier puisque c’est important que les cultures puissent se confronter. Mais dès lors que la culture française s’éteint et que derrière nous n’arrivons plus à contrôler nos frontières, il y a un réel problème."
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Ces jeunes assument pleinement leur appartenance au Front national et disent même ne pas se sentir ostracisés par leurs amis ou leur famille, pas vraiment du sérail. L’un se dit d’une famille de classe moyenne supérieure, "tendance Fillon". L’autre, "natif du 94", "pas du tout du même milieu social", dont les parents, après 2012, ont fait le choix de Marine Le Pen. La troisième, elle, rapporte que son père est "très engagé du côté de Mélenchon".
Cette adhésion décomplexée au FN est peut-être la nouveauté. D’ailleurs, les jeunes occupent une grande partie de la salle ce soir-là au Zénith. Exit les têtes blanche de Jean-Marie Le Pen : pour eux, le parti n’a d’ailleurs plus rien à voir avec cette époque-là.
"À Rome, on se conduit comme un Romain"
Loin de cette grand-messe, dans un café parisien, Jean-Michel se sent trahi par François Hollande, pour lequel il a voté il y a cinq ans. Ce travailleur social lui reproche d’avoir laissé s’installer le communautarisme : "Chez moi, je peux faire plus de trois ou quatre kilomètres à pied sans entendre parler français, soupire Jean-Michel. Et pourtant, cela fait 25 ans que je vis là-bas. Je ne m’en rendais même pas compte à cette époque, ou j’avais le logiciel du vivre-ensemble. Le problème, c’est qu’à Rome, on se conduit comme un Romain." Ce trentenaire dit même avoir hésité avec Jean-Luc Mélenchon. "Quelle est la différence entre lui et Marine Le Pen s’il n’a pas cette question identitaire ? Il n’y en a pas ! J’aurais pu voter Mélenchon. Mais sans cette question identitaire, ce sera Marine."
Marine Le Pen a donc réussi à dédiaboliser son parti, au moins auprès de ces jeunes. Qui ont, finalement, très peu connu le Front national du père.
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