Ce que l'on sait des perquisitions qui ont visé Jean-Luc Mélenchon et La France insoumise
Le domicile du député des Bouches-du-Rhône et les sièges du Parti de gauche et de La France insoumise ont été perquisitionnés, mardi matin.
Une opération de grande ampleur. Une dizaine de locaux et d'appartements de personnalités liés à La France insoumise (LFI) et au Parti de gauche ont été perquisitionnés dans la matinée du mardi 16 octobre. Parmi les sites visés, l'appartement du député et chef de file du mouvement, Jean-Luc Mélenchon, qui a dénoncé en direct sur Facebook une atteinte à la démocratie. Franceinfo revient sur cet événement politico-judiciaire.
Que s'est-il passé mardi matin ?
Les sièges de La France insoumise, du Parti de gauche, le domicile de Jean-Luc Mélenchon ont été visés par des perquisitions, mardi 16 octobre. Selon le député, plusieurs proches, dont la secrétaire générale du groupe LFI à l'Assemblée nationale, Clémence Guetté, et des assistants parlementaires, ont également été visés par des perquisitions. Le député des Bouches-du-Rhône affirme que, au total, huit ou neuf personnes ont été concernées.
C'est l'ancien candidat à l'élection présidentielle en personne qui a rendu publique la perquisition menée chez lui mardi matin, dans une vidéo postée sur sa page Facebook. Le chef de file de LFI s'y filme dans son salon, entouré de huit policiers procédant à des fouilles. "En ce moment, tous ceux qui ont travaillé avec moi ou qui ont été proches de moi ces dernières années subissent une perquisition. On leur prend leurs téléphones, on leur prend leurs ordinateurs. Voici les débuts du nouveau ministre de l'Intérieur et de la ministre de la Justice. Voilà ce qu'ils sont en train de faire pour intimider et faire peur", explique-t-il notamment.
Qu'est-il reproché à Jean-Luc Mélenchon ?
Ces perquisitions ont été menées par l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions, a appris franceinfo de source proche du dossier. Elles s'inscrivent dans le cadre de deux enquêtes préliminaires ouvertes par le parquet de Paris.
Une première enquête pour des soupçons d'emploi fictif. Les enquêteurs tentent de savoir si des fonds européens ont été détournés en employant des assistants parlementaires européens tout en leur confiant des tâches au sein de leur formation politique. Dans cette affaire, une enquête pour "abus de confiance" a été ouverte en mars 2017 à la suite d'une lettre de Sophie Montel, alors eurodéputée frontiste, dénonçant des emplois fictifs parmi les collaborateurs de plusieurs de ses collègues français, dont certains de La France insoumise.
Le 27 juin, Sophie Montel a déposé un second signalement visant spécifiquement Jean-Luc Mélenchon, ainsi que quatre de ses ex-assistants parlementaires, dont l'un est mort, qui a amené à l'élargissement de l'enquête. Le chef de file "insoumis" avait alors annoncé qu'il porterait plainte pour "dénonciation calomnieuse". En tout, une vingtaine d'assistants européens LFI, mais aussi MoDem, Europe Ecologie-Les Verts, socialistes, républicains ou Union des démocrates et indépendant sont visés par cette procédure. Plusieurs responsables du Rassemblement national (ex-FN), dont Marine Le Pen, ont déjà été mis en examen dans ce dossier. En octobre 2017, le siège du MoDem, à Paris, avait lui aussi fait l'objet d'une perquisition dans le cadre de cette enquête.
Une deuxième enquête sur les comptes de campagne. La seconde enquête préliminaire ayant entraîné cette série de perquisitions porte sur de potentielles irrégularités dans les comptes de campagne de Jean-Luc Mélenchon durant la présidentielle de 2017. L'enquête, ouverte en mai, fait suite au signalement en mars de "surfacturations" par le président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Un second signalement a été effectué par la cellule anti-blanchiement Tracfin.
Dans le viseur de la justice, la société de la communicante Sophia Chikirou, Mediascop, prestataire incontournable de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon. Sur les factures, que franceinfo a consultées, plusieurs montants interrogent. Exemple parmi d'autres : le "sous-titrage de vidéos publiées sur le compte Facebook du candidat" a été facturé... 200 euros la minute sous-titrée. Un tarif très supérieur à celui pratiqué généralement par les sociétés spécialisées (15 euros la minute en général) et qui correspond à environ une demi-heure de travail.
Comment se défend Jean-Luc Mélenchon ?
Le leader de La France insoumise qualifie l'opération d'"agression politique". Pour preuve, il met en avant que les policiers "ne vont pas aller au siège d'une autre personne qui a une enquête préliminaire". Une allusion à l'enquête ouverte par le parquet de Lyon sur le rôle de la ville et de la métropole lyonnaise dans l'organisation et le financement de la campagne présidentielle d'Emmanuel Macron.
"Non, ils viennent chez moi pour une enquête préliminaire sur mes assistants de députés européens, sur la base de la dénonciation d'une femme d'extrême droite", a-t-il poursuivi, en référence à la dénonciation de Sophie Montel concernant des emplois présumés fictifs au Parlement européen. Et ce alors que "ma personne est sacrée, je suis parlementaire", a également justifié Jean-Luc Mélenchon. Son immunité parlementaire lui permet en effet de ne pas être poursuivi par la justice sans l'autorisation de l'Assemblée nationale.
Le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon réagit vivement, dénonçant "un coup de force", après une série de perquisitions à son domicile, au siège de son parti, du Parti de gauche et chez d'anciens assistants #AFP pic.twitter.com/naqorUlFZx
— Agence France-Presse (@afpfr) 16 octobre 2018
Après la perquisition à son domicile, Jean-Luc Mélenchon est entré en force au siège de La France Insoumise, situé dans le 10e arrondissement de Paris, devant lequel il avait invité ses partisans à se rassembler pour protester contre la perquisition. Dénonçant "un coup de force destiné à m'intimider", le député a interpellé le représentant du parquet et les policiers sur place. "Je suis le président d'un groupe d'opposition. Vous n'avez pas à me traiter de cette manière. Je n'ai pas volé de cigarettes !"
Une fois les policiers partis, il a aussi annoncé que LFI allait "publier l'intégralité des factures" de la campagne présidentielle. "Nous sommes des honnêtes gens, nous ne participons à aucun trafic, nous n'avons rien à cacher !" "Afin de prouver publiquement son honnêteté, Jean-Luc Mélenchon a demandé le 8 juin 2018 le réexamen de tous les comptes de campagne", souligne aussi LFI, dans un communiqué publié mardi.
Que répond le gouvernement ?
Outre Jean-Luc Mélenchon, plusieurs députés LFI ont dénoncé les perquisitions intervenues mardi matin. François Ruffin exprime dans un communiqué son "profond sentiment d’injustice", tandis qu'Alexis Corbière, porte-parole du parti, a dénoncé devant les locaux de LFI une "agression politique intolérable". La députée frontiste Marine Le Pen a elle aussi exprimé son soutien à ses collègues "insoumis". "Les droits politiques de l’opposition sont lourdement bafoués. La démocratie se meurt", a-t-elle commenté mardi matin sur Twitter.
De son côté, le Premier ministre a balayé d'un revers de main les accusations de "police politique" formulées par Jean-Luc Mélenchon. "Le procureur de Paris a été nommé bien avant que je sois moi-même nommé Premier ministre", a rappelé Edouard Philippe lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, mardi après-midi. "Il n'y a aucune instruction individuelle donnée au procureur (...). Il n'appartient à aucun d'entre nous de remettre en cause le principe fondamental de l'indépendance de la justice."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.