Ces six moments où François Bayrou s'est révélé imprévisible
Le ministre de la Justice, qui a annoncé mardi son départ du gouvernement, sera-t-il une épine de moins dans le pied d'Emmanuel Macron ? Pas sûr, car François Bayrou a parfois eu un comportement déroutant au cours de sa longue carrière politique.
"En dehors de lui, il n'y a rien." Cet ancien du MoDem ne fait pas dans la langue de bois. La phrase vise directement François Bayrou. Le patron du parti centriste, qui a annoncé quitter son poste de ministre de la Justice, mardi 21 juin, cinq semaines après son arrivée, est un personnage à part de la vie politique française.
Cet électron libre, ancien candidat à l'Elysée, à l'image ternie par l'affaire des assistants parlementaires européens du MoDem, revendique haut et fort sa liberté de ton. Au risque de surprendre, de déplaire ou de fâcher même ses plus proches soutiens. Franceinfo revient sur six moments où François Bayrou s'est révélé imprévisible, voire ingérable.
1Quand il l'a joué en solo au gouvernement
Le 7 juin, François Bayrou appelle Jacques Monin, le directeur de la cellule investigations de Radio France. L'appel survient quelques heures avant que n'éclate le scandale des assistants parlementaires. Le garde des Sceaux "s'est plaint (...) des méthodes inquisitrices" des journalistes, qui interrogeraient les salariés du MoDem "de manière abusive", relate le journaliste. Deux jours plus tard, Mediapart révèle l'existence de ce coup de fil et donne la parole au ministre. François Bayrou reconnaît les faits, mais récuse les accusations de "pression". Il assure avoir agi en simple "citoyen".
Sur Cnews, le 13 juin, François Bayrou maintient ses propos et insiste : "Lorsqu'il y a des pratiques qui sortent de ce que je considère être le respect des individus, eh bien j'ai le droit de le dire. Parce qu'en devenant garde des Sceaux, je ne suis pas devenu le muet du sérail." Le même jour, sur le plateau de franceinfo, le Premier ministre le recadre sévèrement. "Quand on est ministre, on ne peut plus réagir comme quand on est un simple citoyen", tacle Edouard Philippe.
Problème : François Bayrou n'a pas l'intention de se taire, ni de renier ses propos. Se posant en faiseur de roi, il fait mine de s'affranchir de la hiérarchie gouvernementale. "Chaque fois qu'il y aura quelque chose à dire à des Français, des responsables, qu'ils soient politiques, qu'ils soient journalistiques, qu'ils soient médiatiques, chaque fois qu'il y aura quelque chose à dire, je le dirai", déclare-t-il, en déplacement à Lens (Pas-de-Calais).
2Quand il a remis en cause la liste les investitures aux législatives
C'est l'un des premiers accrocs entre François Bayrou et En marche ! Mi-mai, le maire de Pau met fin à l'idylle entre son parti et celui d'Emmanuel Macron. La raison : le patron du MoDem refuse de donner son "assentiment" à la liste des 428 candidats aux législatives annoncée par la commission d'investiture d'En marche ! François Bayrou convoque dans la foulée le bureau politique de son mouvement.
L'affaire, source de tensions entre François Bayrou et Richard Ferrand, alors secrétaire général d'En marche !, se dénoue finalement à Lyon entre le maire Gérard Collomb, soutien de la première heure d'Emmanuel Macron, et le sénateur du Rhône Michel Mercier, proche de François Bayrou. Tard dans la soirée, celui-ci annonce avoir trouvé un projet d'accord "solide et équilibré" avec En marche ! sur les investitures. "Aujourd'hui, les choses sont apaisées. Des solutions ont été trouvées. Il y avait quelques endroits où il y avait des difficultés mais c'était une tempête dans un verre d'eau", minimise de son côté le porte-parole d'En marche !, Benjamin Griveaux.
3Quand il a renoncé à se présenter et a soutenu Macron
Après la primaire à droite, les spéculations vont bon train. Ira-t-il ? Présentera-t-il sa candidature à la présidentielle après l'élimination d'Alain Juppé, candidat qu'il soutenait ? Le 22 février, François Bayrou met fin au suspense. "J'ai décidé de faire à Emmanuel Macron une offre d'alliance", explique-t-il lors d'une déclaration à la presse depuis le siège du MoDem, à Paris. Quelques jours plus tôt, le président du MoDem n'hésitait pourtant pas à taper sur l'ancien ministre de l'Economie.
"Sur la plupart des sujets, Emmanuel Macron a choisi de rester flou. On ne peut pas faire une présidentielle en restant flou", disait-il sur France 3, le 12 février. "Macron, c'est comme Bruno Le Maire. Le renouveau, mais idée zéro", confiait-il à franceinfo, le 29 novembre 2016. "Derrière cet hologramme, il y a une tentative (…) de très grands intérêts financiers [qui] veulent avoir le pouvoir politique", déclarait-il le 7 septembre 2016, sur BFMTV. Interrogé sur son revirement, François Bayrou évacue d'un rapide : "On a eu des divergences. On a même eu des mots un peu rugby, un peu mêlée ouverte. Mais il y a des moments où l'on est obligé de dépasser tout cela, parce que ce qui est en jeu est trop grave."
4Quand il a appelé à voter François Hollande
Un événement sans précédent. Pour la première fois, un candidat du centre se prononce pour le candidat de la gauche au second tour d'une élection présidentielle. Le 3 mai 2012, François Bayrou indique qu'il votera, à titre personnel, pour François Hollande. Le patron du MoDem justifie son choix par son opposition au candidat de la droite. "Nicolas Sarkozy s'est livré dans une course-poursuite à l'extrême droite dans laquelle nous ne reconnaissons pas nos valeurs", dénonce-t-il.
Ce choix heurte profondément les électeurs de droite et divise surtout les proches de François Bayrou. Car certains avaient plaidé pour un soutien à Nicolas Sarkozy. "S'il m'est arrivé de critiquer sa manière de gouverner, ses déclarations droitières, ses propos clivants et ses revirements, je le rejoins sur les priorités cruciales", avait, par exemple, souligné le sénateur de la Mayenne Jean Arthuis en appelant à voter pour l'ancien président.
5Quand il a ressorti de vieux dossiers
La séquence est restée dans les mémoires. En pleine campagne des européennes, en 2009, François Bayrou s'en prend à Daniel Cohn-Bendit. Sur le plateau de l'émission "A vous de juger", diffusée en mai 2009 sur France 2, les choses dégénèrent avec le leader des écologistes de l'époque. "C'est ignoble", commence François Bayrou. Immédiatement, l'ancien leader de Mai-68 réplique. "Tu es minable, tu ne seras jamais président", lance-t-il. Une phrase qui fait sortir le centriste de ses gonds.
"Je pourrais moi aussi parler des ignominies que vous avez défendues en justifiant des actes vis-à-vis des enfants", assène François Bayrou, qui évoque une polémique vieille de huit ans. En 2001, la presse britannique avait en effet accusé Daniel Cohn-Bendit d'avoir défendu des thèses pédophiles dans Le Grand Bazar, un ouvrage publié en 1975.
6Quand il a giflé un jeune garçon à Strasbourg
Cette scène reste profondément associée à François Bayrou. Nous sommes en 2002 et celui-ci est en campagne présidentielle pour la première fois. Il se rend avec la maire UDF de Strasbourg, Fabienne Keller, dans une annexe de la mairie située dans un quartier défavorisé. Mais la visite tourne mal. Les vitres du bâtiment sont caillassées par de jeunes habitants de la cité. Lorsque François Bayrou et Fabienne Keller sortent, les insultes fusent à l'encontre de la maire. Le candidat décide alors d'aller à la rencontre des jeunes.
La discussion est tendue. Tout à coup, François Bayrou sent qu'on lui fait les poches. C'est un jeune garçon d'une dizaine d'années. Le candidat le gifle, sous l'œil des caméras. Cette scène va relancer sa campagne, mais il échouera au premier tour avec 6,84% des voix.
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