Soupçons d'emplois fictifs au MoDem : les huit cas qui posent question
Entre 2007 et 2017, une quinzaine de salariés du MoDem cumulaient leur emploi avec celui d'assistant parlementaire européen. Huit cas posent question et certains intéressent déjà les policiers.
Entre 2007 et 2017, une quinzaine de salariés du MoDem cumulaient leur emploi avec celui d'assistant parlementaire européen, ainsi que le révélait l'enquête de franceinfo. Le parquet de Paris a ouvert le 9 juin dernier une enquête préliminaire pour "abus de confiance" et "recel" dans l'affaire des emplois présumés fictifs au sein du MoDem. Huit cas posent question et risquent d'intéresser les policiers.
1Matthieu Lamarre
Ancien responsable web puis directeur de la communication du MoDem, c’est sur son premier poste que Matthieu Lamarre a cumulé ses fonctions avec celles d’assistant parlementaire de Jean-Luc Bennahmias. Au lendemain de son embauche à plein temps pour le parti, on lui fait signer un avenant prévoyant son détachement à temps partiel auprès de l’eurodéputé. De décembre 2010 à novembre 2011, il est censé consacrer jusqu’à 80% de son temps au parlementaire. Problème : il affirme ne jamais avoir travaillé directement pour l’ancien candidat à la primaire du Parti socialiste. Après avoir effectué de son propre chef un signalement au parquet, Matthieu Lamarre a été entendu jeudi 22 juin par les policiers de l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF).
2Stéphane Thérou
Responsable de la formation des élus au sein du MoDem, il est employé comme assistant parlementaire de Sylvie Goulard de novembre 2009 à février 2015. Sylvie Goulard justifie ce choix sur le site de son groupe parlementaire. Pourtant, d’après les fiches de paie que franceinfo a pu consulter, le Parlement européen prenait en charge près de 75% de son salaire. Cette répartition semble difficilement compatible avec les fonctions qu’il occupait au siège du parti. A l'époque, c'est un homme de confiance de François Bayrou, déjà membre de son cabinet lorsqu’il était ministre de l’Education nationale entre 1994 et 1997. Il est aujourd’hui son directeur de cabinet à la mairie de Pau.
3Alexandre Nardella
Salarié historique du parti centriste, il a été embauché du temps de l’UDF. Il est aujourd'hui le directeur financier du MoDem. Alors qu’il n’avait jamais occupé de fonctions auprès d’un député européen, Jean-Luc Bennahmias l’embauche à temps partiel en 2014, pour quelques mois. "J’avais besoin d’un comptable pour mettre de l’ordre dans mes factures", plaide-t-il. Une démarche a minima inhabituelle : tous les spécialistes que nous avons consultés n’ont jamais connu ce genre de profil d’assistant parlementaire. D’autant que Jean-Luc Bennahmias bénéficiait aussi des services d’un expert-comptable. Alexandre Nardella était par ailleurs le gestionnaire des contrats de travail au sein du MoDem.
4Pauline C.
Attachée de presse du parti et plus particulièrement de François Bayrou, elle est embauchée à temps plein en août 2008. En novembre 2009, après les élections européennes, elle est détachée auprès de Robert Rochefort avec un contrat de 87 heures mensuelles, alors qu'elle a un contrat de 70 heures au MoDem. L’eurodéputé du Sud-Ouest, que franceinfo a rencontré, plaide qu’il "ne comprenait rien aux médias" et qu’il avait "besoin d’aide", ce qui est pour le moins étonnant venant d’un habitué des plateaux de télévision.
De plus, Robert Rochefort n’arrive plus à se souvenir précisément de la raison pour laquelle il se sépare de Pauline C. en juillet 2012, quelques mois après l’élection présidentielle, et ne la remplace pas. "Elle a probablement tiré le constat qu’elle n’avait pas d’avenir dans le monde politique après la défaite de François Bayrou", hasarde-t-il.
5Mickaël C.
Réalisateur et cameraman, il était le responsable du pôle image du parti. À partir de février 2009, il est chargé de la réalisation de tous les clips du MoDem. Comme Pauline C., il est détaché auprès de Robert Rochefort après les élections européennes mais de manière plus large : il est censé devoir passer 70% de son temps auprès du parlementaire. Interrogé sur son cas, Robert Rochefort affirme qu’il le filmait de temps en temps et lui organisait des media trainings. Il n’explique pas non plus pourquoi il s’en sépare en même temps que Pauline C., sans le remplacer.
6Sophie B.
Embauchée du temps de l’UDF en 2001, Sophie B. est la standardiste du 133 bis, rue de l’Université, l'actuel siège du MoDem. Plusieurs anciens du Mouvement démocrate nous ont assuré qu’elle n’avait pas le profil habituel d’une assistante parlementaire. D’ailleurs, Nathalie Griesbeck, qui l’a employée à mi-temps pendant cinq ans entre 2009 et 2014, l’assure : "Elle ne s’occupait pas du fond." L’eurodéputée de l’Est de la France affirme qu’elle avait besoin de quelqu’un pour "gérer [ses] rendez-vous quand [elle] passai[t] à Paris et lui renvoyer le courrier qui arrivait au siège". Assez étrangement, le contrat de détachement de Sophie B. prévoit qu’elle reviendra à plein temps au MoDem lorsque sa mission d’assistante parlementaire sera terminée. La plupart des ex-cadres du parti que nous avons approchés nous ont dit ignorer ses fonctions auprès de Nathalie Griesbeck. Ils étaient persuadés qu’elle était uniquement chargée du standard.
7Karine A.
Elle est embauchée en 2007 à plein temps pour être l’assistante personnelle de François Bayrou au sein du parti. A partir de juin 2010, elle est rémunérée à mi-temps par le Parlement européen comme collaboratrice de Marielle de Sarnez. Son contrat auprès de l’ancienne ministre passe à deux tiers de temps en décembre 2012, jusqu’à très récemment. Le MoDem nous a envoyé des mails attestant qu’elle avait réservé des billets de train pour Marielle de Sarnez. Cela justifiait-il le temps de travail qu’elle était censée lui consacrer, quand de nombreux témoins nous la décrivent comme essentiellement affectée au président du parti ?
8Isabelle Sicart
Elle devient en 2008 la cheffe de cabinet de François Bayrou au MoDem. Elle cumule cet emploi avec des fonctions d’assistante parlementaire auprès de Marielle de Sarnez à partir d'octobre 2010. Son temps de travail pour la députée européenne évolue entre le mi-temps et les deux-tiers temps. S’il semble clair qu’elle a bien effectué certaines tâches pour le compte de l’ancienne ministre, puisqu'elle signe notamment parfois sa lettre d’information de députée, certains ex-cadres du parti doutent qu’elle ait vraiment pu lui consacrer beaucoup de temps. "Pour moi, elle était cheffe de cabinet à temps plein, nous a raconté un ancien conseiller national du MoDem. Elle ne quittait pas François Bayrou, elle était toujours avec lui, dans toutes les manifestations, tous ses déplacements." Cet ancien conseiller ignorait qu’elle avait une double casquette, alors qu’il la voyait très régulièrement.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.