Accusations de violences sexuelles contre Nicolas Hulot : "Il faut que la honte et la peur changent de camp", réagit une avocate
Maître Élodie Tuaillon-Hibon réagissait sur franceinfo vendredi après l'ouverture d'une enquête visant Nicolas Hulot pour "viol" et "agressions sexuelles". Elle estime qu'il "faut changer" la perception de la société à l'égard des victimes.
"Le fond du problème" dans les affaires de violences sexuelles est "la peur, la honte, le sentiment de culpabilité, la culture du viol et la domination masculine qui pèse sur toutes les femmes", a réagi sur franceinfo maître Élodie Tuaillon-Hibon, avocate pénaliste spécialisée dans les affaires de violences sexuelles, après que le parquet de Paris a annoncé vendredi 26 novembre l'ouverture d'une enquête préliminaire pour des faits de "viol" et d'"agression sexuelle" dont est accusé Nicolas Hulot. Cela fait suite à la diffusion d'une enquête jeudi soir au cours de l'émission Envoyé spécial, sur France 2. "Il faut que la honte et la peur changent de camp", affirme-t-elle.
franceinfo : Cette affaire pose-t-elle la question de la prescription ?
Élodie Tuaillon-Hibon : Oui et non. Oui, dans la mesure où, les faits étant assez anciens pour la plupart, la prescription était encore assez courte à l'époque, ce qui était un problème. Elle a beaucoup progressé depuis, ce qui est une très bonne chose, car, aujourd'hui, elle est de vingt à trente ans pour les crimes en fonction de l'âge de la victime. Mais on peut faire encore mieux, notamment pour tout ce qui est délictuel, c'est-à-dire le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles, car elle est actuellement de six ans. Cela étant dit, le sujet de la prescription est quand même un peu l'arbre qui cache la forêt puisque le fond du problème dans l'histoire, c'est quand même l'état de la société. Le fait que des jeunes femmes puissent se dire - et je les comprends totalement - "j'ai 16 ans, qui va me croire contre Nicolas Hulot étant donné que c'est l'ami intime de Jacques Chirac ?", ça m'a vraiment fendu le cœur. C'est cela qu'il faut changer. Il faut que la honte et la peur changent de camp. On pourra allonger toutes les prescriptions du monde, mais si cela reste dans le cœur des victimes, cela ne changera pas.
Voulez-vous dire que ce que vous avez entendu hier soir, c'est la peur de ne pas être crue, que la situation soit plus difficile en parlant qu'en gardant le silence ?
Bien sûr, et c'est ce que j'entends dans mon cabinet dix fois par jour. La justice peut aussi faire beaucoup de choses, à commencer par se réformer elle-même et se débarrasser des préjugés sexistes qui innervent encore trop fréquemment les raisonnements des magistrats ou des policiers chargés d'enquêter.
Existe-t-il une vraie difficulté pour la justice aujourd'hui à traiter ces affaires bien souvent anciennes, sans témoins, qui se résument régulièrement à un "parole contre parole" ?
Cela ne se résume pas souvent à du "parole contre parole". Mon expérience dans les dossiers me fait dire que ce n'est pas du tout le cas. Il y a toujours des éléments de preuve, directs ou indirects, des témoignages, tout un tas de choses. C'est vrai que plus le temps passe, plus il est difficile de les récolter. On entend d'ailleurs cette peur du "parole contre parole" de la part des victimes, mais il s'agit de fausses idées. C'est tout à fait normal [qu'elles pensent ainsi] puisque ce sont les idées que la société colporte à longueur de journée : "Il n'y avait pas de témoins donc ce sera parole contre parole". Ce n'est pas vrai, ce n'est pas comme cela que fonctionne le mécanisme judiciaire sur ces dossiers.
La presse s'empare, bien des années après, de faits qui pourraient être prescrits ou sont prescrits. Que pensez-vous de cela ?
C'est très sain. Nous avons des journalistes dans ce pays qui font très bien leur travail et il n'y a absolument aucune raison pour que le temps judiciaire et le temps journalistique coïncident strictement parce que ce sont deux choses totalement différentes. La Cour européenne des droits de l'homme a bien dit que le sujet des violences sexuelles était un sujet d'intérêt général dans notre société. C'est un sujet qui a des répercussions énormes sur la moitié de la population, au minimum, en termes de santé, d'emploi et de développement personnel. Que chacun fasse son travail à sa mesure.
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