Nicolas Hulot : ce que l'on sait des accusations d'agressions sexuelles visant l'ancien ministre
Dans un numéro d'"Envoyé spécial" diffusé jeudi soir, plusieurs femmes accusent l'ancien ministre d'agressions sexuelles. Dès mercredi, avant la sortie de ces révélations, Nicolas Hulot avait évoqué des "affirmations mensongères" et annoncé son retrait de "la vie publique".
"Je ne m'exprimerai plus." Nicolas Hulot a annoncé, mercredi 24 novembre, son intention de quitter "définitivement la vie publique". Une décision prise à la veille de la diffusion, jeudi soir, d'un numéro d'"Envoyé spécial" dans lequel plusieurs femmes l'accusent d'agressions sexuelles.
L'ancien ministre de la Transition écologique et ex-animateur de télévision a démenti ces accusations, qu'il estime "mensongères". Le parquet de Paris a de son côté annoncé, vendredi, l'ouverture d'une enquête des chefs de "viol" et d'"agression sexuelle". Voici ce que l'on sait de cette affaire.
Plusieurs femmes affirment que Nicolas Hulot a tenté de les embrasser
Le magazine de France 2 a notamment recueilli le témoignage de Sylvia, qui venait d'avoir 16 ans lorsqu'elle a rencontré Nicolas Hulot, en mai 1989. Elle raconte avoir été invitée à assister à une émission de radio qu'il animait alors sur France Inter.
Sylvia affirme qu'il l'a ensuite agressée sexuellement dans sa voiture. "Il voulait que je l'embrasse, que je lui embrasse le sexe. Il me force à lui faire une fellation, que je ne fais pas réellement parce que je crois que je suis tétanisée", relate-t-elle. A l'époque, Sylvia n'a pas porté plainte. Entre "une gamine de 16 ans (et) Nicolas Hulot, qui allait me croire ?", s'interroge-t-elle.
Une autre femme, Cécile, assure quant à elle avoir été agressée sexuellement en 1998, à Moscou, alors qu'elle travaillait à l'ambassade de France. Après avoir aidé l'équipe de l'émission "Ushuaïa" à débloquer du matériel de tournage retenu aux douanes, la jeune feme, alors âgée de 23 ans, a été invitée à dîner par Nicolas Hulot avec d'autres membres de l'équipe de l'émission. Elle affirme qu'à l'issue de cette soirée, dans un taxi, Nicolas Hulot s'est "jeté" sur elle, a tenté de l'embrasser et lui a touché "les seins" et "l'entrejambe".
"Je me débats. Je l'ai repoussé. Je l'ai frappé au visage. (...) J'ai frappé comme j'ai pu (...) Je crois que le 'Non' a été très clair", témoigne encore Cécile auprès d'"Envoyé spécial". "Je crois que j'ai clairement exprimé que je ne souhaitais pas avoir une relation sexuelle avec ce monsieur", ajoute Cécile.
Le magazine donne aussi la parole à la militante écologiste Claire Nouvian, qui a participé au tournage d'un épisode d'"Ushuaïa" en 2008. A l'époque, elle assure notamment que l'entourage de Nicolas Hulot l'avait mise en garde quant au comportement de l'animateur vis-à-vis des femmes. L'animateur n'a pas eu de gestes déplacés pendant le tournage de cet épisode, relate-t-elle. Toutefois, elle ajoute que quelques années plus tard, après une réunion de travail, "il a quand même essayé" de l'embrasser.
"ll y a clairement un dysfonctionnement dans ses rapports aux femmes."
Claire Nouvian, militante écologisteà "Envoyé spécial"
Les journalistes d'"Envoyé spécial" ont également recueilli le témoignage d'une ancienne collaboratrice qui affirme avoir été embrassée "de force" par Nicolas Hulot, après une réunion de travail, en 2001.
En outre, deux témoignages écrits ont été transmis à "Envoyé spécial", dont celui de Maureen Dor. L'animatrice et comédienne belge affirme qu'en 1989 Nicolas Hulot lui a "sauté dessus" et a "tenté de l'embrasser" contre son gré. Elle était alors âgée de 18 ans. Dans un autre courrier, une ancienne employée de TF1 raconte, sous couvert d'anonymat, avoir rencontré l'animateur "au début des années 1990", alors qu'elle avait 23 ans. Elle assure elle aussi avoir été agressée sexuellement par l'animateur de télévision. L'ensemble des faits décrits par ces femmes semblent prescrits.
Nicolas Hulot nie et évoque des accusations "mensongères"
Avant même la diffusion du numéro d'"Envoyé spécial", Nicolas Hulot s'est défendu mercredi matin sur BFMTV. L'ancien animateur a assuré qu'il n'avait pas eu connaissance des détails des accusations, évoquant les témoignages de "quatre ou cinq femmes". Sur le plateau de la chaîne, Nicolas Hulot n'a cessé de clamer son innocence. "Je n'ai jamais séduit par contrainte", a-t-il assuré.
"Ni de près ni de loin, je n'ai commis ces actes. Ces affirmations sont purement mensongères. Je le dis ici une fois pour toutes, fermement et définitivement."
Nicolas Hulot, le 24 novembre 2021sur BFMTV
"Au prétexte que ces affaires sont prescrites, je n'ai plus le droit à une enquête. On va m'accuser de crime et de délit", a-t-il encore fustigé.
Nicolas Hulot estime que les accusations d'agressions sexuelles dont il fait l'objet sont "purement mensongères" pic.twitter.com/EpT8VwQZK5
— BFMTV (@BFMTV) November 24, 2021
L'ancien ministre n'a pas souhaité répondre aux questions des journalistes de France 2 face caméra. "La justice et la vérité ne peuvent pas jaillir sur un plateau de télévision", a-t-il estimé sur BFMTV. Nicolas Hulot a toutefois eu un échange téléphonique avec la présentatrice d'"Envoyé spécial", Elise Lucet, le 9 novembre. Il lui a alors affirmé ne jamais avoir "contraint en quoi que ce soit, qui que ce soit". Il a ajouté être "innocent, (...) innocent d'une manière que vous ne pouvez même pas imaginer".
Outre son retrait de la vie publique, Nicolas Hulot a également annoncé mercredi qu'il renonçait à la présidence de sa fondation éponyme. "Je quitte mon engagement et je ne m'exprimerai plus, a-t-il insisté sur BFMTV. Je ne prendrai plus la parole car je ne me reconnais plus dans cette société, ni dans ses codes."
Une plainte pour "viol" déposée en 2008
Ce n'est pas la première fois que Nicolas Hulot est mis en cause dans une affaire de violences sexuelles. En février 2018, le magazine Ebdo, qui a depuis cessé de paraître, avait révélé l'existence d'une plainte pour "viol" déposée en 2008 contre l'ex-animateur télé. Celle-ci avait été classée sans suite, car les actes dénoncés, qui remonteraient à 1997, étaient "prescrits", avait ensuite confirmé le parquet de Saint-Malo.
Dans son dernier numéro, "Envoyé spécial" revient sur cette plainte. L'émission révèle que dans la lettre envoyée par le procureur à Nicolas Hulot pour lui faire part de ce classement sans suite, il est mentionné qu'en "tout état de cause, les faits n'apparaissent pas établis". Ce qui ne figure pas dans le courrier adressé à la plaignante.
A l'époque, celui qui était alors ministre de la Transition écologique avait également "pris les devants" en s'exprimant sur BFMTV, avant même la parution des révélations d'Ebdo. Nicolas Hulot s'était alors défendu de tout comportement inapproprié et avait dénoncé des rumeurs "ignominieuses".
L'enquête du magazine avait fait l'objet de critiques, qui pointaient des manques d'éléments sur la nature et les circonstances des faits reprochés à Nicolas Hulot. L'article ne mentionnait pas non plus le nom de la plaignante. Face aux révélations d'autres médias, Pascale Mitterrand, petite-fille de François Mitterrand, avait finalement confirmé être l'auteure de la plainte, mais "elle n'a jamais souhaité médiatiser" l'affaire.
Une enquête préliminaire ouverte pour "viol" et "agression sexuelle"
Au lendemain de la diffusion d'"Envoyé spécial", le parquet du tribunal judiciaire de Paris a annoncé, vendredi, l'ouverture d'une enquête préliminaire des chefs de "viol" et "agression sexuelle" pour "des faits susceptibles d'avoir été commis à Paris à l'égard d'une victime mineure", écrit le parquet dans un communiqué.
Les investigations ont été confiées à la brigade de protection des mineurs de la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ). "Elles s'attacheront à déterminer si les faits dénoncés peuvent caractériser une infraction pénale et si, au vu de leur ancienneté, la prescription de l’action publique est acquise", ajoute le parquet.
Des réactions politiques, notamment chez les écologistes
Ces révélations ont faire réagir plusieurs membres de la classe politique, notamment chez les écologistes. "Pour moi, il n'y a pas tellement de doute, il y a un mode opératoire qui se reproduit de femme en femme, a déclaré jeudi soir sur franceinfo Sandrine Rousseau. Ce reportage est atterrant, surtout quand on sait ce [que Nicolas Hulot] a dit la veille [sur BFMTV], qu'elles étaient toutes des menteuses et qu'il était suffisamment beau pour ne pas à avoir à contraindre", a continué l'ex-candidate à la primaire écologiste. "Je mesure le courage qu'il a fallu à ces [femmes] pour briser la loi du silence", a de son côté écrit sur Twitter Julien Bayou, secrétaire national d'EELV.
Au sein du gouvernement, la ministre chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Elisabeth Moreno, a condamné les propos "intolérables" de Nicolas Hulot sur BFMTV.
Ironiser sur un tel sujet ? Sérieusement ?
— Élisabeth Moreno (@1ElisaMoreno) November 24, 2021
Ces propos sont intolérables. https://t.co/4M09JWDbIy
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