Pourquoi Nicolas Sarkozy ne fait plus peur à ses adversaires de l'UMP
L'ancien chef de l'Etat va se déclarer en fin de semaine candidat à la présidence du parti, avec pour objectif la présidentielle de 2017. Mais la concurrence promet d'être rude.
C'est bientôt la fin du faux suspense. Nicolas Sarkozy va confirmer en fin de semaine, sans doute dimanche, son retour au premier plan de la vie politique. L'ancien président souhaite s'emparer de l'UMP au Congrès du 29 novembre pour préparer au mieux la primaire de 2016, qui doit désigner le candidat de l'UMP à la présidentielle 2017. Il peut compter pour cela sur le ralliement des poids lourds de l'UMP, de Laurent Wauquiez à Nathalie Kosciusko-Morizet en passant par Jean-François Copé. Mais en quittant le paysage politique depuis plus de deux ans, Nicolas Sarkozy a aussi laissé les ambitions personnelles se réveiller au sein de son camp.
Hervé Mariton et Bruno Le Maire se préparent depuis plus de deux mois à l'élection de novembre et ils affirment vouloir aller au bout, malgré l'entrée en course de l'épouvantail Sarkozy. "Je n'ai pas peur de l'affronter", confie Hervé Mariton à francetv info. Quant à Bruno Le Maire, il se dit persuadé de pouvoir remporter la bataille. Francetv info détaille les raisons pour lesquelles Nicolas Sarkozy ne fait plus l'unanimité à l'UMP.
Son départ a créé un vide... qui a aussitôt été rempli
En décidant de prendre du recul au lendemain de la défaite de 2012, Nicolas Sarkozy a laissé sa famille se débrouiller sans lui. "Il n'aurait pas dû partir, je pense qu'on aurait alors évité les problèmes de la guerre Copé-Fillon", estime le député du Nord Thierry Lazaro, qui soutient Xavier Bertrand pour la primaire 2016. "Maintenant il est trop tard", ajoute-t-il. Même constat pour Alexandre Brugère, un jeune élu UMP (il est adjoint au maire d'Asnières, dans les Hauts-de-Seine) qui, après avoir supporté Nicolas Sarkozy, a décidé de rejoindre Xavier Bertrand : "On ne va pas s’arrêter de vivre et de penser parce que Nicolas Sarkozy a décidé de se retirer de la vie politique."
En 2016, pour la première fois de son histoire, l'UMP devrait organiser des primaires ouvertes. Le vainqueur de cette compétition obtiendra l'investiture du parti pour se porter candidat à la prochaine élection présidentielle. Une nouvelle configuration qui a réveillé les ambitions des ténors de l'UMP. François Fillon, Alain Juppé et Xavier Bertrand ont tous trois annoncé leur volonté de se présenter, même en cas de candidature Sarkozy. D'autres personnalités, comme Bruno Le Maire, pourraient allonger la liste.
"Je serai candidat quoi qu'il arrive", répète François Fillon depuis de nombreux mois. Même détermination pour Alain Juppé, qui souhaite une "pluralité de candidatures" à la primaire. Quant à Xavier Bertrand, selon l'un de ses proches, il aurait prévenu Nicolas Sarkozy : "Je ne veux pas être ton ministre, je veux être président."
Il a laissé l'idée de la primaire s'installer
Même en cas de large victoire au Congrès de l'UMP en novembre, l'ancien pensionnaire de l'Elysée aura du mal à s'affranchir de la primaire de 2016 prévue par les nouveaux statuts de l'UMP. Les militants ont approuvé le principe à 92% et l'ensemble des ténors comptent bien faire respecter cette nouvelle règle du jeu. "Si Sarkozy gagne l'UMP, on se rangera derrière lui, mais le seul point non négociable, c’est le maintien de la primaire UMP", avertit le directeur de campagne de Bruno Le Maire.
Même s'il se murmure que Nicolas Sarkozy souhaite tout changer au parti, l'ancien président prendrait un risque en annulant le principe de la primaire. Il ne peut pas se permettre de diviser sa famille politique au risque de se retrouver avec de multiples candidatures au premier tour du scrutin national, en 2017. "Avec Marine Le Pen si haut, on ne peut pas se permettre une division au premier tour", insiste le député Thierry Solère, fidèle de Bruno Le Maire.
La primaire organisée en 2011 par les socialistes est devenue un exemple à suivre. "Cela a incontestablement donné une dynamique à François Hollande", estime un député UMP. "Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy sait que la primaire est indispensable", lâche le filloniste Jérôme Chartier pour se convaincre. Selon ses proches, l'ancien président se serait effectivement résigné à devoir passer par l'épreuve de la primaire, mais ses rivaux restent méfiants. "S'il décide de supprimer la primaire, on l'organisera de notre côté", prévient le député UMP et ancien ministre Hervé Gaymard.
C'est l'homme de la défaite de 2012
"En 2012, la défaite a mécaniquement redistribué les cartes, Nicolas Sarkozy n’est donc plus le patron naturel de la droite", lâche Jérôme Chartier, en campagne pour François Fillon. Les partisans de Nicolas Sarkozy ont une autre lecture. Ils considèrent que la défaite à la présidentielle de 2012 peut au contraire devenir un atout. "Il peut prendre conscience des erreurs qui ont été commises pour écrire une nouvelle page", estime la députée européenne Nadine Morano. Thierry Lazaro rejette l'argument selon lequel Nicolas Sarkozy serait le mieux placé pour l'emporter en 2017 : "J’entends beaucoup dire qu'il reste une bête politique, qu'il est incontestable, mais je rappelle qu'on a perdu sur fond d’anti-sarkozysme en 2012. (...) Pour moi, il n'est pas un président sortant, mais un président sorti."
Avec sa campagne pour le renouveau démocratique, Bruno Le Maire renvoie Nicolas Sarkozy à une image d'homme du passé : "On a le choix entre un ancien président de la République et un homme nouveau." Nicolas Sarkozy est attendu au tournant. Le député Thierry Solère, proche du député de l'Eure, prévient : "En général, quand on a été président de la République, on ne revient pas ou alors il faut vraiment présenter un projet neuf pour la France."
Beaucoup n'hésitent plus à critiquer le bilan de l'ancien chef. Dans Le journal du dimanche, Xavier Bertrand, ancien ministre du gouvernement Fillon, considère que la politique menée par Nicolas Sarkozy "n'a pas été à la hauteur de l'exigence de vérité et de résultat". De son côté, Bruno Le Maire critique vertement l'ouverture à gauche au début du quinquennat Sarkozy. Un jeune élu UMP regrette : "On s’est quand même rendu compte qu’un certain nombre de réformes n’ont pas été engagées, que des blocages n’ont pas été dépassés."
Il séduit moins les militants et les élus
Dans la mystique de l'homme providentiel, les sarkozystes croient au rassemblement spontané de leur mouvement derrière leur champion. "Nicolas Sarkozy a une telle légitimité chez les militants, qu'il va pouvoir rassembler le parti", note la responsable UMP Valérie Debord. Mais pour de nombreux responsables de l'opposition, ce ne sera pas si simple. "Beaucoup de militants et de sympathisants que je rencontre sur le terrain ne veulent pas de son retour", assure le député Hervé Gaymard, soutien d'Alain Juppé. "Il a perdu des soutiens parmi les élus locaux et les parlementaires qui lui restent fidèles se comptent sur les doigts des deux mains", assure-t-on dans l'entourage de Xavier Bertrand.
Reste que dans les sondages, l'ancien président reste devant. Selon un sondage Harris Interactive pour LCP, les sympathisants UMP sont 58% à souhaiter sa victoire à la primaire, loin devant Alain Juppé (28%). Mais plusieurs ténors doutent quand même de sa capacité à reproduire une dynamique autour de lui. "En 2007, il nous avait fait rêver, ce n’est plus le cas", gronde Thierry Lazaro. "Il garde l'énergie pour emporter les foules, mais Sarkozy, c'est un peu une éjaculation sans orgasme. Sur le moment, ça marche, mais deux heures après, on l'a déjà oubliée", juge, sévère, un autre député UMP.
"J'ai remarqué que sa personne provoque un rejet, les gens ne veulent plus du cirque, de la frénésie", confie un député UMP. Hervé Mariton juge que l'ancien président n'a pas le profil pour mener à bien le rassemblement de l'UMP : "Il faut établir la paix dans la maison et Nicolas Sarkozy garde une dimension clivante, je pense donc qu'il n'est pas le meilleur candidat pour l'UMP." Même avertissement dans le clan de Bruno Le Maire : "Bruno peut mettre tout le monde autour de la table, Sarkozy aura beaucoup plus de mal."
Il est affaibli par les affaires
Plusieurs dossiers judiciaires pourraient venir perturber le calendrier de Nicolas Sarkozy, à commencer par le trafic d'influence présumé, pour lequel l'ancien président a été mis en examen en juillet. Mais au sein de la famille UMP, c'est surtout l'affaire Bygmalion qui préoccupe les militants. "Je suis très troublé par ce système de double facturation, et je pense, comme beaucoup de gens, que tous ceux qui sont concernés devraient se tenir à l’écart", juge un militant UMP.
"Sur l'affaire Bygmalion, en tant que président de la République, soit il n'était pas au courant pour ses comptes de campagne et c'est de l'incompétence, soit il était au courant et ce n’est pas honnête, s'agace le député du Nord Thierry Lazaro. Quand on regarde le nombre d’affaires en route, on ne peut plus s’amuser à faire des choses comme ça."
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