Assemblée nationale : six questions sur la motion de censure de la gauche contre le gouvernement Borne mise au vote cet après-midi
Discutée dans l'Hémicycle lundi à partir de 16 heures, elle n'a quasiment aucune chance d'aboutir, faute de soutien des groupes RN et LR. Mais ce texte a d'autres objectifs.
L'Assemblée nationale entre dans le vif du sujet. Une semaine après la nomination du nouveau gouvernement d'Elisabeth Borne et trois semaines après le second tour des législatives, la journée s'annonce chargée dans l'Hémicycle : avant l'examen d'un premier texte de loi, sur la situation sanitaire, les députes vont devoir se prononcer, lundi 11 juillet, sur la motion de censure de la gauche contre l'exécutif.
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Le texte de l'intergroupe parlementaire de la Nupes est discuté à partir de 16 heures. Que contient-il ? Qui s'apprête à le soutenir ? Quel est l'intérêt de dégainer cette arme prévue par la Constitution? Franceinfo passe en revue six questions sur le sujet.
Pourquoi cette motion de censure a-t-elle été déposée ?
Le texte a été déposé le 6 juillet, après le discours de politique générale d'Elisabeth Borne. Porté par les élus Mathilde Panot, Boris Vallaud, Julien Bayou, Cyrielle Chatelain et André Chassaigne, il est signé par 150 députés de la Nupes (LFI, PS, écologistes, PCF). Déposée en vertu de l'article 49 de la Constitution, cette motion critique la décision d'Elisabeth Borne de ne pas avoir sollicité de vote de confiance mercredi dernier lors de sa déclaration de politique générale.
"Contrairement à la tradition républicaine appliquée depuis des décennies, et à la pratique ininterrompue depuis 30 ans, la Première ministre n’a pas souhaité, en application de l’article 49-1 de la Constitution, engager la responsabilité du Gouvernement sur cette déclaration", peut-on lire dans le texte de la motion.
"En l’absence de vote de confiance, le choix est fait de rompre l’équilibre institutionnel actuel du Premier ministre, évidemment choisi par le Président de la République mais dont la légitimité procède aussi du Parlement par ce vote de confiance", poursuivent ses auteurs, estimant "qu’il est primordial de maintenir chaque fois que possible la possibilité pour les parlementaires de s’exprimer par un vote".
Comment sa mise au vote va-t-elle se dérouler ?
Le texte va d'abord être débattu. L'orateur du groupe LFI-Nupes, Mathilde Panot, s'exprimera en premier, avant l'intervention de la Première ministre. La gauche pourrait, à cette occasion, se faire l'écho des révélations de Radio France et du Monde sur les liens privilégiés entre Emmanuel Macron lorsqu'il était ministre de l'Economie, et la société Uber. Pour la cheffe de file des députés LFI, c'est "un pillage du pays".
S'exprimeront ensuite tour à tour les orateurs des autres groupes, dont Michèle Tabarot pour Les Républicains et Aurore Bergé pour Renaissance. Le débat devrait durer 2h30 environ. Le scrutin, organisé dans les salles voisines de l'Hémicycle, sera ensuite ouvert à l'issue du débat pour 30 minutes. Seuls les députés favorables à la motion y participeront.
Qui s'apprête à voter pour ?
Difficile de savoir si les 150 députés signataires voteront en faveur de la motion. Il n'est pas sûr qu'ils soient tous présents et certains avaient fait part de leurs hésitations, comme la socialiste Valérie Rabault. "Une motion de censure n'a d'intérêt que si elle est votée et si elle ne l'est pas, ça veut dire qu'on donne raison, en quelque sorte, au gouvernement qui sortirait grandi de cette séquence", redoutait la députée du Tarn-et-Garonne sur franceinfo.
La Nupes rassemble 151 élus mais un député n'a pas signé le texte de la motion, le socialiste Dominique Potier. Les voix d'autres députés viendront peut-être s'ajouter à cette motion s'ils ne suivaient pas la consigne de leurs groupes respectifs.
Qui s'y oppose ?
Outre les 245 députés de la majorité Ensemble ! (l'alliance Modem, Horizons et Renaissance, ex-LREM), les groupes RN (89 députés) et LR (62) ont d'ores et déjà fait savoir qu'ils n'ont pas prévu de voter la motion. La majorité des 16 députés du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot) ne la voteront pas non plus. "Nous jugerons le gouvernement sur ses actes et tout cela n’a pour le moment pas de sens", fait savoir dans le Journal du dimanche Bertrand Pancher.
Quant à Marine Le Pen, elle a redit dimanche que son groupe RN, en pleine quête de respectabilité, ne soutenait pas la motion : "La Nupes ne défend pas l'intérêt des Français, ce qu'ils veulent c'est faire sauter la République."
A-t-elle des chances d'être adoptée ?
Pour faire tomber le gouvernement, il faut réunir une majorité absolue, soit 289 voix. Il manque donc plus de 130 voix à la Nupes pour atteindre le seuil nécessaire à l’approbation de leur motion. Ce qui paraît très peu probable faute d'un rassemblement des oppositions, d'autant que les abstentions sont comptées comme des refus de la motion, donc comme un soutien au gouvernement.
Depuis 1958, une seule motion de censure a été adoptée : le gouvernement de Georges Pompidou a été contraint de démissionner en 1962.
Quelle est la stratégie de la Nupes avec ce texte ?
Malgré la quasi-certitude de sa non adoption, Mathilde Panot espère faire de cette motion une démonstration de "défiance" à l'égard d'Elisabeth Borne, qui n'a pas de majorité absolue à l'Assemblée. Pour le député communiste Pierre Dharréville, il s'agit d'abord d'un symbole politique : "Le contraire de la confiance, c'est la défiance. Nous avons voulu déposer cette motion parce que nous pensons qu'il n'est pas possible que le gouvernement ne vienne pas demander la confiance", a-t-il expliqué sur franceinfo.
L'objectif est également, pour la Nupes, d'asseoir sa position de premier groupe d'opposition et de donner à voir les lignes de force au sein de l'Assemblée. "Toutes oppositions cumulées ont été majoritaires, donc ça aurait très bien pu se faire pour la motion de censure. Sauf que, et c'est une des leçons du moment, ni Les Républicains ni le Rassemblement national ne souhaitent s'opposer jusque-là au programme de madame Borne", observe sur franceinfo le député LDI et président de la commission des Finances, Eric Coquerel.
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