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"Nous sommes les maîtres des horloges" : après le coup du RN sur la motion de censure, LR veut se placer au centre du jeu parlementaire

Article rédigé par Margaux Duguet, Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le président du groupe LR à l'Assemblée nationale, Olivier Marleix, le 26 juillet 2022.  (XOSE BOUZAS / HANS LUCAS / AFP)

En votant à la surprise générale le texte de la Nupes, lundi, l'extrême droite a mis Les Républicains dans l'embarras. Pour ne pas apparaître comme la roue de secours de la majorité, le parti de la droite tente de déjouer le piège politique de Marine Le Pen.

"Avec cette motion de censure, on voit bien la macronisation de la droite." Devant les journalistes, ce lundi 24 octobre, le sourire de Marine Le Pen en dit long. La présidente du groupe RN à l'Assemblée pense avoir réussi un coup de maître en annonçant le soutien de ses troupes à la motion de censure sur le budget déposée par la Nupes. "Cela a le mérite de démontrer que le groupe LR est plus proche de la majorité que de l'opposition", a ainsi affirmé devant la presse la finaliste de la dernière présidentielle. "C'est un super coup de Marine Le Pen, elle a piégé tout le monde, on ne s'y attendait pas", reconnaît un conseiller ministériel.

Sur son banc de velours rouge au sein de l'hémicycle, le chef des 62 députés Les Républicains, Olivier Marleix, tente de se montrer serein face aux inquiétudes des députés de son camp. Comment ne pas apparaître comme le groupe d'opposition qui aura permis au gouvernement de se maintenir au pouvoir ? Selon son entourage, Olivier Marleix n'a pas paniqué et a vite imaginé la riposte. Car la droite compte bien retourner la situation à son avantage.

"On est les seuls à être responsables"

Pour contrer l'offensive du RN et ne pas apparaître comme l'allié de la majorité et l'assurance-vie du gouvernement, la droite parlementaire a rapidement mis en place un argumentaire à plusieurs étages. Il s'agit d'abord de fustiger une alliance contre-nature entre la gauche et le RN. "On voit finalement que les extrêmes se rejoignent", tacle le député LR Alexandre Vincendet. "Un temps, ils dénonçaient l'UMPS, et là ils mettent en place le RNupes", pique aussi le député Pierre Cordier. "Je pense que c'est une erreur et que ça va déstabiliser l'électorat de droite du RN. En tout cas, ça nous donnera des arguments", espère l'ancien ministre Brice Hortefeux.

"Marine Le Pen a juste clarifié que le RN et la Nupes mangeaient dans la même gamelle."

Julien Dive, député LR

à franceinfo

Si certaines voix réclament un pacte de gouvernement, la majorité des députés LR souhaitent rester dans une opposition ferme et rappellent qu'ils auraient voté contre le budget si le 49.3 n'avait pas été utilisé. Mais ils veulent aussi apparaître comme le seul groupe constructif de l'opposition parlementaire. "Marleix a dit aux députés du groupe : 'C'est justement le moment de montrer qu'on est les seuls à être responsables'", explique son entourage. "A la veille d'une récession économique, je ne suis pas certain que rajouter de l'instabilité institutionnelle soit de bon augure", appuie Julien Dive.

"Nous ne sommes pas prêts"

Le fait de n'avoir pas voté les motions de censure déposées par le RN et la Nupes ne signifie pas que LR renonce à en déposer une à l'avenir. "On doit maîtriser le temps, mais j'estime aujourd'hui que nous ne sommes pas prêts", a estimé sur franceinfo le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, avant de réaffirmer que sa formation politique fait partie de l'opposition et devra, "au cours de ce quinquennat, déposer une motion de censure".

"Nous sommes dans un moment, après l'échec de la présidentielle, qui est un moment de faiblesse. Pourquoi est-ce qu'on choisirait ce moment de faiblesse pour se faire hara-kiri ?"

Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat

à franceinfo

Lors de sa conférence de presse hebdomadaire, Olivier Marleix a confirmé mardi qu'il n'excluait pas de déposer une motion de censure en fonction des scénarios, notamment en cas d'utilisation du 49.3 sur la réforme des retraites. "C'est sûr que si on continue à nous présenter des budgets avec 45% de déficit, oui, il finira par y avoir une motion de censure", ajoute le député LR Philippe Juvin. Et dans ce cas de figure, les oppositions auraient toutes les chances de se coaliser pour faire tomber le gouvernement. "Nous sommes libres et quand il s'agit de la France, on n'hésite pas. A partir du moment où on a été capables de voter le texte de la Nupes, je pense qu'on peut le faire avec les LR", prévient d'ailleurs le député RN Sébastien Chenu. Alexis Corbière, comme Eric Coquerel, disent également "oui" à une éventuelle motion de censure déposée par LR.

Le relatif détachement de la majorité

De quoi préoccuper le camp présidentiel ? Officiellement, non, même si certains ne se font pas d'illusions. "Je ne suis pas inquiet mais je pense que ce mandat ne durera pas cinq ans", glisse un poids lourd de la majorité. Alors, en attendant une éventuelle démission contrainte et forcée du gouvernement et une possible dissolution, tous relativisent la portée de l'épisode de lundi soir, dépeint comme une simple confirmation de ce que l'on sait déjà. "Franchement, je ne suis pas sûr que ça [le vote des députés RN en faveur de la motion de censure de la Nupes] change quoi ce soit, assure un député Renaissance. Les LR ont ce bouton [le pouvoir de faire adopter une motion de censure] depuis le début."

Or, la majorité mise sur le fait qu'il n'y a pas d'alternative crédible, puisqu'une coalition des oppositions serait, de leur point de vue, inopérante sur le plan idéologique. Les soutiens d'Emmanuel Macron ressortent des arguments déjà répétés depuis l'installation de cette législature sans majorité absolue. "Dire que les LR détiennent la clé pour une motion de censure ? Oui et non, nuance Charles Rodwell, députée Renaissance des Yvelines. Car s'ils votent une motion de censure avec la Nupes et le RN, c'est la disparition intégrale de LR."

"S'ils finissent par voter une motion avec un groupe qui dit que 'la police tue' [une référence à des propos tenus en juin par Jean-Luc Mélenchon], il faudra qu'ils s'expliquent devant leurs électeurs. C'est leur responsabilité."

Charles Rodwell, député Renaissance

 à franceinfo

"L'avenir nous dira quel sera le comportement des uns et des autres. Mais nous, on ne change pas le nôtre", soutient-on dans l'entourage de Franck Riester, ministre des Relations avec le Parlement. En affichant une forme de sérénité pour rappeler que la majorité travaille dans la concertation : "On a démontré que l'on était capables de construire des accords, le canal est en permanence ouvert avec les présidents de groupe." Et en particulier avec LR.

"Un rôle essentiel qu'on ne devrait pas avoir"

La séquence de lundi confirme que la droite possède un argument de poids dans les négociations à venir sur les projets de loi. "On en a conscience depuis le début. Je n'ai pas cessé de dire au sein de mon groupe qu'on avait un rôle pivot et qu'on devait s'en servir", assure Pierre Cordier. "Ça donne un rôle essentiel qu'on ne devrait pas avoir à 62 députés, honnêtement", sourit un poids lourd du parti.

A en croire Philippe Juvin, les arbitrages du gouvernement ont d'ailleurs déjà penché en faveur du parti de droite. "Quand nous avons des amendements raisonnables, on arrive à les faire passer", assure-t-il, avant de fanfaronner : "On a l'impression d'être plus entendu qu'Horizons [le parti d'Edouard Philippe, qui fait partie de la majorité] !" Rappelons néanmoins que sur les 117 amendements retenus par l'exécutif dans le cadre du budget, seuls trois provenaient du groupe LR. Mais les parlementaires de l'ex-UMP n'en ont cure.

"Si le gouvernement commence à nous mettre des 49.3 et à se braquer, évidemment on dégaine la motion de censure. Nous sommes les maîtres des horloges."

Un cadre LR

à franceinfo

Des paroles qui laissent l'exécutif de marbre. "De toute façon, on ne va pas accepter du chantage parce qu'il y a un risque de dissolution, tranche un conseiller ministériel. Il est compliqué de faire une politique à l'opposé de ce que l'on pense parce qu'il y a ce couperet." Ce dernier ne croit pas du tout à cette menace. "C'est du bluff. Tant que LR n'aura pas de ligne politique et n'aura pas désigné son président, ils n'auront pas le courage de déposer une motion de censure." La majorité va donc surveiller attentivement les résultats du congrès de LR, prévu début décembre.

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