Nouveau Premier ministre : parti par parti, quelles sont les principales conditions posées pour ne pas censurer un futur gouvernement ?

Emmanuel Macron n'a toujours pas nommé de Premier ministre, près de deux mois après le second tour des élections législatives. Difficile de trouver un candidat qui ne serait pas rapidement renversé par les principales forces politiques représentées à l'Assemblée nationale.
Article rédigé par franceinfo
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Les différents chefs de partis ou de groupes politiques posent leurs conditions et tracent des lignes rouges sur l'identité du futur Premier ministre et sa feuille de route. (HELOÏSE KROB / FRANCEINFO / GETTY IMAGES / AFP / SIPA)

La petite annonce pourrait s'intituler "président de la République recherche Premier ministre". Candidature idéale : une femme ou un homme qui ne soit pas censuré au bout de deux jours, qui soit compatible avec le chef de l'Etat tout en dégageant "un parfum de cohabitation", comme le précise à franceinfo Prisca Thevenot, porte-parole du gouvernement démissionnaire. Le profil est rare, et cela explique en partie pourquoi Emmanuel Macron n'a toujours pas nommé de remplaçant à Gabriel Attal, près de deux mois après le second tour des élections législatives.

Emmanuel Macron, seul responsable de la dissolution, a choisi de se mettre au cœur des négociations. La quête du chef de l'Etat d'une solution pour Matignon est d'autant plus complexe que les différents partis multiplient les lignes rouges et les différentes conditions pour pouvoir participer (ou non) à une coalition gouvernementale.

Chacun s'accroche à son programme et peu de forces politiques semblent prêtes à trouver des compromis. L'hémicycle de l'Assemblée apparaît plus que jamais divisé en trois blocs irréconciliables. Franceinfo fait le tour des exigences de chaque camp.

Le NFP s'accroche à l'option Lucie Castets

La France insoumise (LFI) a refusé mardi de s'entretenir de nouveau avec le président de la République. La position des insoumis n'a pas bougé depuis plusieurs jours : ils continuent d'affirmer qu'ils censureront tout autre Premier ministre que Lucie Castets, candidate du NFP (Nouveau Front populaire). LFI ne paraît prête à aucune concession. Si Emmanuel Macron "pouvait se nommer lui-même et cohabiter avec lui-même, il l'aurait fait", a ainsi raillé la cheffe de file des députés LFI, Mathilde Panot.

Les Ecologistes ont pour leur part discuté avec Emmanuel Macron mardi. A l'issue de ce rendez-vous, Marine Tondelier, secrétaire nationale du mouvement, a exprimé son inquiétude : "Il veut s'appuyer sur la droite sous l'œil bienveillant du Rassemblement national." Les Ecologistes ont, eux aussi, répété à plusieurs reprises qu'ils censureraient tout chef de gouvernement autre que Lucie Castets. "Bernard Cazeneuve, je ne l'ai pas entendu soutenir le Nouveau Front populaire, ce n'est pas un Premier ministre du Nouveau Front populaire", a expliqué sur France 2 la dirigeante du parti.

Le Parti communiste se montre plus souple sur le casting, mais pas sur l'essentiel du programme. "Nous avons dit que nous sommes pour des compromis, pour dialoguer. Nous avons écrit à tous les groupes républicains", a assuré sur RTL le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, qui a également échangé mardi avec l'Elysée. "Qu'importe le nom [du Premier ministre], nous voulons une abrogation ou un moratoire de la réforme des retraites, la hausse des salaires et un budget en augmentation pour investir dans les services publics."

Le Parti socialiste, dont le soutien serait indispensable à une coalition, a fermé la porte à Xavier Bertrand et ne l'a pas ouverte entièrement à Bernard Cazeneuve. Le bureau national du parti a écarté mardi soir une proposition de non censure d'un gouvernement mené par l'ancien Premier ministre de François Hollande. "Nous continuons de réclamer au président de la République le respect des urnes et la désignation de Lucie Castets comme Première ministre", détaille le communiqué du PS. Ce serait "une forme d'anomalie" de choisir Bernard Cazeneuve, "le seul homme de gauche qui s'est battu contre le Front populaire", a ajouté sur TF1 Olivier Faure. Le premier secrétaire du PS a appelé de ses vœux une "négociation entre formations politiques (…) qui permette d'asseoir sur le fond un programme de gouvernement". Le PS demande ainsi au futur Premier ministre de s'engager sur dix points, dont une "revalorisation significative du smic", ou encore l'abrogation de la réforme des retraites et de la loi immigration.

Le camp présidentiel refuse le NFP

Renaissance, le parti d'Emmanuel Macron, a annoncé la censure de tout gouvernement issu du Nouveau Front populaire, même en cas de non-participation de ministres LFI. Gabriel Attal, Premier ministre démissionnaire et chef de file des députés Ensemble pour la République, dénonce le projet du NFP qui "mettrait la France à genoux". Pour le reste, le camp présidentiel se montre ouvert à un Premier ministre de gauche modérée ou de droite qui ne serait pas issu de ses rangs.

Le MoDem partage la ligne de Renaissance. Pour François Bayrou, l'opposition à un gouvernement NFP est justifiée "principalement en raison du programme", qui est "dangereux pour le pays", a-t-il expliqué sur LCI. "On n'a pas le temps de consulter, de trouver des accords, puisque le NFP dit : 'tout notre programme, rien que notre programme'", estime le patron du MoDem. Ce dernier plaide en outre pour la nomination d'un profil politique à Matignon et non pas pour un gouvernement technique.

Horizons ne fait pas exception dans la majorité. Le parti d'Edouard Philippe, qui vient de se déclarer candidat à la présidentielle, refuse le programme du NFP "qui, s'il était mis en œuvre, provoquerait une crise", estime dans un entretien au Figaro le chef des députés Horizons, Laurent Marcangeli. Par conséquent, "nous nous y opposerons avec tous les instruments que la Constitution nous offre", ce qui pourrait "passer par le vote d'une motion de censure", prévient-il.

A droite, LR accepte l'idée Xavier Bertrand

Les Républicains ont depuis plusieurs semaines annoncé leur intention de voter "immédiatement une motion de censure" contre un gouvernement comprenant des insoumis, selon une déclaration faite par Laurent Wauquiez, chef de file des députés LR, après avoir rencontré Emmanuel Macron.

Les dirigeants de LR ont également affirmé dans un premier temps refuser toute participation à un gouvernement. Mais les dirigeants de la droite républicaine ont finalement ouvert la porte à l'hypothèse d'un exécutif dirigé par Xavier Bertrand avec une participation deux LR. Les Républicains posent toutefois deux conditions : qu'Emmanuel Macron s'assure de la viabilité d'un tel gouvernement et que Xavier Bertrand ait la latitude nécessaire pour appliquer le pacte législatif proposé par Laurent Wauquiez.

Le RN plaide pour un gouvernement technique

Le Rassemblement national n'en fait pas mystère : il aura la censure facile. Le RN "censurera tout gouvernement où des LFI et des écologistes" seraient ministres, a très vite prévenu Marine Le Pen. Le parti d'extrême droite, tout comme son allié A droite (le groupe d'Eric Ciotti), a prévu par ailleurs de censurer tout gouvernement dirigé par Xavier Bertrand ou Bernard Cazeneuve. Le chef de l'État "se fourvoie en recevant des gens qui ont été en échec", affirme sur franceinfo le vice-président du RN Sébastien Chenu.

Le RN se dit en revanche favorable à un gouvernement technique qui expédierait les affaires courantes, mais qui se chargerait de mettre en place la proportionnelle aux élections législatives.

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