Présidentielle : "Il est probable qu'il y ait une mort du PS" après la claque reçue par Hamon
Avec seulement 6,35% des voix pour Benoît Hamon lors du premier tour, le PS a essuyé un échec cuisant. Pour savoir si le Parti socialiste pourra se remettre d'un tel revers, franceinfo a interrogé Renaud Payre, professeur de sciences politiques et directeur de Sciences Po Lyon.
Au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle, le Parti socialiste se réveille avec la gueule de bois. La claque est immense. Son candidat, Benoît Hamon, n'a obtenu que 6,35% des voix, un score historiquement bas. Si l'aventure du député des Yvelines se conclut dans la douleur après une primaire triomphante, le calvaire du PS, lui, ne fait que commencer.
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Le Parti socialiste, héritier de la SFIO de Jean Jaurès et Léon Blum, peut-il mourir ? Franceinfo a posé la question à Renaud Payre, professeur de sciences politiques et directeur de Sciences Po Lyon.
Franceinfo : Le PS traverse-t-il une crise d'une gravité inédite ?
Renaud Payre : C'est inédit, tout en ne l'étant pas. La situation que l'on connaît actuellement n'est pas sans rapports, sans clin d'œil, avec la présidentielle de 1969 [le candidat de la SFIO, Gaston Defferre, avait récolté 5% des voix]. La famille socialiste s'était alors recomposée en 1971 lors du Congrès d'Epinay. Les socialistes ont déjà connu des situations catastrophiques. Mais cette fois, le PS se trouve dans un état de délabrement difficilement dépassable. Par le passé, il y a eu des accidents bienvenus pour la famille socialiste, mais là, on sent bien que les 6% décrochés par Benoît Hamon au premier tour laisseront des traces. Il y a surtout une recomposition qui est en train de s'opérer à gauche.
Le PS peut-il disparaître dans les prochaines semaines ?
Il me semble que ce n'est pas du tout à exclure. Il est même problable qu'il y ait une mort du PS, en tout cas une restructuration qui fera que le PS ne ressemblera plus du tout à celui qui a été construit, soit en 1971 par François Mitterrand, soit dans les restructurations qu'a connues le parti, notamment avec Lionel Jospin. Et cela pour des raisons multiples : les résultats du premier tour sont un séisme et il y a aussi la "victoire" de la France insoumise [19,62% des voix], malgré le discours de déception de Jean-Luc Mélenchon, qui ne parvient pas à accéder au second tour. Ils font un score inédit, ce qui montre la possibilité de faire émerger une grande force de gauche. Sans oublier, bien sûr, En marche ! qui va se pérenniser, se structurer pour devenir le parti du probable futur président, Emmanuel Macron.
On pourrait donc imaginer l'aile gauche du PS avec Jean-Luc Mélenchon et l'aile droite avec Emmanuel Macron ?
Je n'y crois pas vraiment. Nous sommes, en cette fin du mois d'avril, face à un électorat de gauche qui se divise en trois forces : la force France insoumise, la force PS, très fragilisée, et En marche !, qui repose sur un éléctorat de gauche. De ces trois forces, je suis presque convaincu qu'il n'en restera que deux à l'issue des législatives. Les investitures pour ce scrutin vont contribuer à une forme de clarification. Et l'élément faible actuellement, c'est forcément le Parti socialiste avec ses 6%.
A vous écouter, la fin du PS est inéluctable. Comment ses dirigeants peuvent-ils l'empêcher ?
Je ne vois pas comment. Il est trop tôt pour analyser exactement le vote pour Benoît Hamon, mais on ne peut pas exclure qu'il y ait eu un côté légitimiste. Un vote de socialistes qui ne se retrouvaient pas tout à fait dans le programme ou la campagne du vainqueur de la primaire mais qui ont quand même voté pour lui. Ils auraient pu se retrouver chez Emmanuel Macron ou rejoindre Jean-Luc Mélenchon. Je le répète, au moment des législatives, on aura droit à un moment de vérité. C'est là que toutes ces forces vont connaître un tournant, En marche ! en premier lieu. Il y aura plusieurs candidats et on verra bien comment les forces en présence se récomposeront. Mais je ne crois pas que le PS puisse perdurer à l'issue de ces législatives.
Quelle est la part de la responsabilité de François Hollande dans cette défaite du PS ?
Elle est entière, et pourtant il est celui dont on ne parle pas depuis la proclamation des résultats. L'homme de la synthèse, celui qui, en 2012, s'adressait à l'ensemble de la gauche, n'a pas fait comme l'un de ses modèles en politique, Lionel Jospin : il n'a pas ouvert le pouvoir à l'ensemble des forces de gauche. De fait, on a eu un président qui a choisi des chefs de gouvernement incarnant un courant très marqué : son second Premier ministre, Manuel Valls, parlait même des "deux gauches irréconciliables". Le chef de l'Etat a eu une responsabilité entière, il a déboussolé ses électeurs. Benoît Hamon aurait pu faire une magnifique campagne mais il partait avec un handicap considérable.
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