Valls, Royal, Taubira... Qui pourrait remplacer Hollande ?
Le président de la République apparaît de plus en plus isolé. Les poids lourds de la majorité se préparent au cas où le chef de l'Etat ne serait pas candidat pour 2017.
"Le couteau est sur la table : qui va le prendre ?", se demande un proche de François Hollande dans Le Figaro magazine. A un mois de l'ouverture du dépôt des candidatures pour la primaire à gauche, les poids lourds du gouvernement se regardent en coin pour savoir qui assènera le coup de grâce à un président de la République à l'agonie. Au plus bas dans les sondages, coupé des Français, lâché par ses amis après la révélation de ses confidences dans le livre Un président ne devrait pas dire ça..., François Hollande pourrait bien être contraint de renoncer à une candidature au moment de l'annonce de sa décision début décembre.
Une fin de règne douloureuse, qui aiguise les appétits des présidentiables socialistes. Si le chef de l'Etat choisit de jeter l'éponge, il restera une place à prendre entre le frondeur Montebourg et l'émancipé Macron. Alors, en coulisses, les manœuvres se multiplient pour préparer un plan B. Franceinfo se penche sur les trois candidats les plus crédibles à la succession de François Hollande.
Manuel Valls ?
Ses points forts. Manuel Valls a l'expérience de la conduite de l'Etat. Deux années au ministère de l'Intérieur, puis deux autres années à Matignon lui ont apporté crédibilité, solidité, et stature d'homme d'Etat. Depuis plusieurs semaines, il "essaie de construire l'idée que si François Hollande n'y va pas, il est le candidat quasi-naturel", analyse pour franceinfo un député socialiste. Sa ligne économique empreinte de libéralisme et son image de fermeté sur les questions de sécurité lui donnent en outre la possibilité de convaincre une partie des électeurs du centre et de la droite.
Ses points faibles. Aucun Premier ministre sortant n'est parvenu à se faire élire président de la République dans l'histoire de la Ve République. Jacques Chirac en 1988, Edouard Balladur en 1995, Lionel Jospin en 2002… Tous ont échoué, notamment en raison de l'usure causée par l'exercice du pouvoir. La principale difficulté de Manuel Valls reste son positionnement clivant, qui brusque une partie du Parti socialiste (PS). "Valls est le plus mal placé" pour faire le rassemblement à gauche, estime le candidat déclaré à la primaire à gauche Benoît Hamon. Ses proches le savent, et le poussent à arrondir les angles : "Si on veut que Valls apparaisse comme une alternative, il doit monter une marche. Cela passe par une logique de rassemblement, de la main tendue."
Ce qu'il en dit. Manuel Valls reste officiellement loyal au président de la République, ce qui ne l'empêche pas de mettre la pression sur le chef de l'Etat. D'abord en lui demandant de "tenir compte de la situation" au moment de l'annonce de sa décision sur sa candidature, puis en confiant sa désapprobation, et même sa "colère" après le livre de confidences du chef de l'Etat, comme le raconte Le Monde. En attendant la décision du président, le Premier ministre devrait continuer à travailler sa stature dans les prochaines semaines en envoyant des signaux réguliers, estime Le Figaro.
Ségolène Royal ?
Ses points forts. Ségolène Royal a l'expérience des campagnes présidentielles. Capable d'encaisser les coups, elle a appris à éviter les pièges de la course à l'Elysée. Ses thèmes de prédilection sur le renouvellement de la vie politique et la démocratie participative pourraient rencontrer un écho dans l'opinion. Mais la ministre de l'Ecologie présente surtout l'avantage d'incarner une position centrale, plus rassembleuse, entre Valls et Montebourg.
Ses points faibles. L'ancienne candidate à la présidentielle aime bousculer les codes, comme le montre la liberté qu'elle prend en tant que ministre avec la solidarité gouvernementale. Cette attitude, qui provoque régulièrement l'agacement au sein de son propre camp, lui vaut de nombreux ennemis. Pour pouvoir se présenter, il faudrait aussi qu'elle se détache de son image d'ancienne compagne de François Hollande. "Vous vous rendez compte de ce que ça voudrait dire pour les Français ? Hollande empêché, c'est son ex-compagne qui le remplace !", aurait lâché Manuel Valls en petit comité cette semaine, selon le JDD.
Ce qu'elle en dit. Ségolène Royal a ironisé dans le JDD sur son improbable candidature : "On cherche quelqu’un pour se sacrifier ; il faut que la situation soit vraiment désespérée pour que ceux qui m’ont combattue me redécouvrent !" La ministre de l'Ecologie n'est pas dupe. Elle sait que son nom circule pour contrarier les partisans de Manuel Valls, dont elle est devenue une ennemie intime. La principale intéressée assure vouloir s'impliquer plutôt à l'international, mais pourrait changer d'avis pour barrer la route au Premier ministre.
Christiane Taubira ?
Ses points forts. Entre son combat en faveur du mariage pour tous et son désaccord sur la déchéance de la nationalité prônée par François Hollande, Christiane Taubira est devenue une sorte de figure morale de la gauche. Son départ du gouvernement en janvier lui a permis de rester à l'écart des polémiques et d'éviter l'usure du pouvoir, et elle serait sans doute davantage capable que Manuel Valls pour rassembler la base des militants socialistes. Selon Libération, elle aurait d'ailleurs reçu le soutien d'un certain nombre de personnalités issues de la gauche. Enfin, elle a l'expérience d'une campagne présidentielle, depuis sa participation en 2002.
Avec elle, on peut raconter une belle histoire sincère. Dans le climat actuel, une femme noire et de gauche face à la droite et au Front national, ça aurait de la gueule.
Ses points faibles. L'ex-garde des Sceaux se sait détestée par une grande partie de l'opinion de droite. "Elle se sait très clivante, et au second tour, face à elle, elle pense que Marine Le Pen pourrait gagner", explique à Libération un député. Elle pourrait également être attaquée sur son bilan au ministère de la Justice, plus que mitigé – notamment sur la surpopulation carcérale –, comme le détaille Le Monde. Enfin, des affaires en cours pourraient lui nuire, comme la plainte pour "prise illégale d’intérêts" déposée par Patrick Buisson en marge de l'affaire dite des "sondages de l’Elysée".
Ce qu'elle en dit. En attendant de prendre une décision, Christiane Taubira consulte les parlementaires dans les couloirs du palais Bourbon, et ne manque pas une occasion de tacler Manuel Valls. L'ancienne ministre confirme à Libération qu'elle est pressée par certains de ses proches, mais assure qu'elle ne s'imagine pas candidate pour le moment : "La situation est pour l’instant illisible."
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