Remaniement : l'heure du grand ménage dans les ministères
Avant la nomination des nouveaux ministres, c'est l'effervescence dans les cabinets ministériels. Les conseillers sont en sursis. Francetv info raconte ces changements vus de l'intérieur.
C'est fait : Manuel Valls est installé à Matignon. La passation de pouvoir avec Jean-Marc Ayrault a eu lieu, mardi 1er avril, peu après 15 heures. Le nouveau Premier ministre ne veut pas perdre de temps. "Les équipes vont s'installer tout de suite : (...) le cabinet va être très rapidement formé", a précisé un conseiller du désormais Premier ministre. Dans les autres ministères, à quelques heures de la nomination du nouveau gouvernement, beaucoup ont déjà fait leurs cartons, quelques-uns les feront au dernier moment.
Qui reste, qui part ?
Les directions générales, sous-directions et bureaux sont des structures permanentes des ministères. Elles sont composées de fonctionnaires, qui ne dépendent pas d'un ministre. En revanche, le cabinet est composé de collaborateurs personnels du ministre, chargés de le seconder dans sa tâche, rappelle le site institutionnel Vie Publique. Ce cabinet n'est pas une structure permanente. Il disparaît lorsque le ministre cesse ses fonctions.
Dès lors, les conseillers ministériels se savent en sursis. "Imaginez que l'on dise à un salarié : tu vas peut-être être viré, mais jusqu'à ce qu'on te le confirme, tu bosses... C'est pareil pour moi et c'est difficile", a confié lundi à Metronews un membre du cabinet de l'actuel ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll. "Qui reste, qui part, cela dépend surtout de la relation que nous avons avec notre ministre. Par exemple, lorsque la démission de Jérôme Cahuzac a été annoncée, Bernard Cazeneuve a décidé de conserver la majeure partie du cabinet", explique au quotidien un proche du ministre du Budget.
"Une fois que l'on est entré dans un cabinet ministériel, tout l'enjeu devient (...) d'arriver à en ressortir en beauté et au bon moment, qui n'est souvent pas le dernier moment", précise Jean-Michel Eymeri-Douzans, professeur de sciences politiques, sur Le Plus du Nouvel Obs. "C'est pourquoi on observe, par exemple depuis le début du gouvernement Ayrault, un ou deux départs hebdomadaires des cabinets ministériels dans leur ensemble." Mais tous ne parviennent pas à partir avant.
Comment apprend-on son départ ?
Un remaniement n'est jamais une surprise : avant d'être effectif, il est alimenté par des bruits de couloir et des spéculations dans les médias. Si chacun est sur la sellette, y compris les ministres, apprendre son départ n'en reste pas moins brutal, et ce quelle que soit la manière.
Option 1 : dans les médias. Parfois, les collaborateurs politiques ne sont pas plus informés que les journalistes qui les interviewent. Ainsi, un conseiller ministériel a confessé lundi à Metronews : "Je suis comme vous, j'attends." "On n'en sait pas plus que vous...", a avoué au Point un conseiller du président "dans un rire un peu nerveux". "Je suis stressé ! Je n'ai pas eu mon chef depuis une heure et quart, je n'ai pas d'info !", a lâché de son côté un conseiller ministériel. Pis, le ministre lui-même peut se trouver dans le flou total. C'est ainsi qu'en 2009, Christine Boutin a dû quitter le ministère du Logement à sa grande surprise. Elle explique à BFMTV n'avoir reçu d'appel ni de l'Elysée, ni de Matignon. "C'est d'une violence folle", commente-t-elle.
Option 2 : par téléphone. Débarquée du ministère de l'Ecologie en 2004, Roselyne Bachelot fait part de son expérience à BFMTV. "Il y a une chose dont il faut se méfier quand on est ministre, c'est si le téléphone sonne et qu'on vous passe le Premier ministre. Là, en général, c'est que vous êtes viré. Si on vous passe le président de la République, c'est que vous restez au gouvernement, explique-t-elle. Le président de la République annonce les bonnes nouvelles, le Premier ministre les mauvaises."
Option 3 : par mail. Au ministère de l'Economie et des finances, plusieurs conseillers de cabinet ont reçu un e-mail les invitant à préparer leur "prochain départ", mardi 25 mars, soit près d'une semaine avant l'annonce d'un changement de gouvernement. "C'est un courrier qui a jeté un certain effroi dans les couloirs de Bercy", indique L'Express, qui a révélé l'information. Le message provient de la sous-direction de l'informatique de Bercy, où sont regroupés plusieurs ministères.
Combien de temps pour faire ses cartons ?
Si la sous-direction de l'informatique de Bercy a préféré prendre les devants, c'est pour mieux rappeler les consignes d'archivage des documents de travail des conseillers ministériels, "obligatoire avant que chacun fasse ses cartons". "Seules les informations personnelles (messagerie, fichiers sur le poste de travail, fichiers sur l'espace serveur) peuvent être détruites" de la propre initiative des conseillers, le reste devant impérativement être transmis au service des archives, précise le courriel. Les voilà prévenus : ils n'ont plus qu'à rassembler leurs affaires, et se préparer à partir.
"Les conseillers de l'actuel ministre des Transports [Frédéric Cuvillier] ont fait leurs cartons dès la semaine dernière et sauvegardé leurs données sur des disques durs portables", raconte ainsi un journaliste sur RTL. Il faut aller vite : "Les contrats des conseillers du cabinet prennent fin immédiatement, dès que le gouvernement annonce sa démission. Les badges d'accès fonctionnent encore pendant 36 heures, mais pas davantage", ajoute-t-il.
Parfois, la transition se déroule à la vitesse de l'éclair. "Frédéric Cuvillier videra, lui, directement ses tiroirs dans des cartons", précise le journaliste de RTL. Le cabinet de Jean-Marc Ayrault a dû tout vider dans la soirée de lundi, relate Caroline Roux sur Europe 1. La journaliste raconte qu'un proche de Jean-Marc Ayrault a vu les conseillers du nouveau Premier ministre arriver sans crier gare. "Tiens voilà les amis de Manuel Valls", lui a dit son interlocuteur par téléphone. Ils sont venus repérer et prendre possession des lieux. "C'est violent, mais c'est la règle", commente Caroline Roux.
Mais certains tentent de rendre ce moment agréable, à l'instar de Stéphane Grauvogel. Selon Le Lab, ce conseiller à l'Outre-Mer auprès de Jean-Marc Ayrault, à Matignon, a passé une bonne partie de la journée de lundi à se prendre en photo avec ses collègues de bureau. Histoire, aussi de garder quelques souvenirs d'un moment de carrière unique.
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