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UMP : les cinq enseignements de l'affrontement Fillon-Copé

Les 260 000 adhérents de l'UMP sont invités à élire leur président, dimanche.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
François Fillon et Jean-François Copé, lors des journées parlementaires de l'UMP, le 27 septembre 2012 à Marcq-en-Barœul (Nord). (ALAIN ROBERT / SIPA)

POLITIQUE – Dans quelques heures, la France va savoir qui incarnera l'opposition dans les prochaines années. Après plusieurs semaines de campagne interne, quelque 260 000 adhérents de l'UMP sont appelés aux urnes, dimanche 18 novembre, pour choisir leur président. A l'approche du vote, francetv info revient sur les cinq enseignements du duel qui a opposé l'ancien Premier ministre, François Fillon, et l'actuel secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé.

1Un parti (de plus en plus) orphelin de Nicolas Sarkozy

Premier de ces enseignements : six mois après sa défaite à l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy manque cruellement à la droite. Les principaux sondages effectués durant la campagne pour la présidence de l'UMP ont tous révélé une très forte "sarko-nostalgie". Du coup, Jean-François Copé et François Fillon ont rivalisé d'imagination pour, chacun plus que l'autre, s'approprier l'héritage de l'ancien chef de l'Etat, et ainsi recueillir le soutien des adhérents. 

Une stratégie finalement contre-productive : plutôt que de faire émerger un nouveau leader, la campagne a en effet renforcé ce sentiment de sarko-nostalgie. Selon un sondage Ifop (PDF) publié le 11 novembre, 64% des sympathisants UMP souhaitent que Nicolas Sarkozy se représente en 2017. Soit onze points de plus que trois mois plus tôt !

2Un parti qui n'a pas analysé les raisons de sa défaite

Le deuxième enseignement majeur de cette campagne est une conséquence directe du premier. Mesurant la "sarko-nostalgie" des militants, ni Jean-François Copé ni François Fillon ne se sont risqués à faire l'inventaire de la défaite du 6 mai. Point de remise en question, donc. Point d'autocritique.

Nicolas Sarkozy à la sortie d'un déjeuner avec François Fillon dans un restaurant parisien, le 24 octobre 2012. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Les rares qui ont voulu faire une autopsie de la défaite en ont pris pour leur grade. L'ancienne ministre Roselyne Bachelot en a fait la douloureuse expérience. Lorsqu'au lendemain des élections législatives, elle pointe "des choix stratégiques ou tactiques contestables" et remet en question "la droitisation" de Nicolas Sarkozy, tout le monde lui tombe dessus. Y compris François Fillon, dont elle est pourtant une proche : "Toute critique visant Nicolas Sarkozy me vise en même temps." Circulez, y a rien à voir.

3Deux candidats d'accord sur (presque) tout

Sur le fond, la campagne aurait aussi pu servir à révéler des personnalités et des sensibilités différentes. Lors de la primaire socialiste, par exemple, François Hollande incarnait plutôt l'aile réformiste et sociale-démocrate du PS, Manuel Valls était présenté comme le candidat de l'aile droite, Martine Aubry était soutenue par l'aile gauche…

A l'UMP, le combat a parfois été résumé à l'opposition du candidat de la frange droitière, Jean-François Copé, et du candidat de l'aile plus modérée du parti, tendance centriste-humaniste, François Fillon. Les choses sont en fait bien moins manichéennes.

Si le premier a effectivement revendiqué une parole et un style plus "décomplexés" que le second, tous les deux se sont en réalité rejoints sur la plupart des sujets de fond. D'accord pour dire qu'il faut abroger une bonne fois pour toutes les 35 heures. D'accord pour dénoncer l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples homosexuels. D'accord pour dénoncer le souhait de la gauche d'ouvrir le droit de vote aux étrangers aux élections locales. D'accord pour revenir sur l'obtention automatique de la nationalité française à la majorité pour les jeunes nés en France de parents étrangers…

Pas franchement de quoi passionner les foules. Selon un sondage Ifop, seuls 10% des sympathisants de droite ont été "très intéressés" par le duel Copé-Fillon :

4Un parti mal à l'aise face au Front national

L'une des rares lignes de fracture se situe en fait autour de la position à adopter face au Front national. Pour Jean-François Copé, l'UMP n'a pas à passer d'alliance électorale avec le Front national. Mais en cas de duel PS-FN, le parti n'a pas non plus à appeler à voter PS pour faire barrage au FN. François Fillon, lui, défend une position sensiblement différente : pas d'alliance électorale avec le FN, mais en cas de duel PS-FN, l'ancien Premier ministre pencherait plutôt pour le candidat socialiste. "Je n'aime pas le ni-ni parce que c'est une absence de position. (…) Je suis contre le FN, je vote contre le FN, point."

Marine Le Pen et Jean-François Copé se saluent lors d'un débat télévisé, le 20 février 2004. (FRANCOIS GUILLOT / AFP)

Mais sur cette question, les enquêtes d'opinion révèlent une certaine divergence entre les responsables du parti et la base. Selon un sondage Ifop publié le 11 novembre (PDF), alors que 88% des sympathisants UMP pensent que "l'islam progresse trop en France" et que 84% considèrent qu'il y a "trop d'immigrés en France", un électeur de droite sur deux plaide en faveur d'accords électoraux entre l'UMP et le FN.

Alors que fera concrètement le président de l'UMP – qu'il s'appelle Jean-François Copé ou François Fillon – si, lors des prochaines élections locales, des responsables ou des élus UMP appellent à voter pour des candidats FN ? La direction du parti les sanctionnera-t-elle ? Ira-t-elle jusqu'à prononcer leur exclusion ? Autant de questions restées sans réponse durant la campagne.

5Un parti qui s'essaie (difficilement) à la démocratie

Dernier enseignement à retenir de ce duel : la difficulté de l'UMP à organiser sa campagne. D'abord, la direction du parti s'est rendu compte, trop tard, que les critères fixés pour postuler était bien trop drastiques. Résultat : faute d'avoir réuni les parrainages requis, Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire et Henri Guaino ont dû abandonner, dénonçant "un échec démocratique"

Difficulté d'avoir accès au fichier des adhérents, utilisation déséquilibrée des moyens de communication du parti… La campagne a également été marquée par de multiples accusations du camp Fillon à l'égard du camp Copé, le premier reprochant au second d'avoir profité de ses fonctions de secrétaire général pour "verrouiller" l'élection. 

Des accusations qui ont atteint leur paroxysme en fin de campagne, les fillonistes accusant les copéistes d'avoir installé moins de bureaux de vote dans les fédérations qui pencheraient pour l'ancien Premier ministre, et les deux camps faisant part dans la presse de leurs craintes de fraudes lors du scrutin, dimanche. Autant de sujets de discorde que le camp défait devra s'efforcer de surmonter et d'oublier, une fois les résultats proclamés, au nom de la sacro-sainte union du parti.

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