"Race blanche" : Nadine Morano peut-elle être poursuivie ?
La candidate à la primaire des Républicains a présenté la France comme "un pays de race blanche", samedi sur France 2. Des propos qui l'exposent à une sanction pénale, selon un avocat.
"Est-ce que vous trouveriez normal que, d'un coup, en France, on se retrouve avec des musulmans plus nombreux que les chrétiens ?" L'eurodéputée Les Républicains Nadine Morano a déclenché une polémique, samedi 26 septembre, en qualifiant la France de "pays de race blanche", dont il faudrait préserver "l'équilibre". Elle a suggéré un "quota d'immigration (...) en fonction du continent de provenance".
Sur le plateau de l'émission de France 2 "On n'est pas couché", l'animateur Laurent Ruquier l'a alors accusée "d'encourager les gens qui sont racistes", ce qu'a nié la candidate aux régionales en Meurthe-et-Moselle. A gauche, le secrétaire national du PS Julien Dray a dit voir du "racisme" dans ces propos.
Francetv info a interrogé Nicolas Bénoit, avocat au sein du cabinet Lussan et secrétaire général de l'Association des praticiens du droit de la presse.
Francetv info : Nadine Morano s'expose-t-elle à des poursuites pour ses déclarations sur France 2 ?
Nicolas Bénoit : Quand elle parle de "race blanche", elle discrimine les autres catégories de la population qui ne sont pas blanches. Elle évoque des quotas géographiques, il s'agit donc bien de distinguer les gens en fonction de leur "race". Cela pourrait tomber sous le coup du délit de provocation à la discrimination raciale, défini à l'article 24 alinéa 8 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Des associations pourraient se porter partie civile, et elle risquerait d'être punie d'un an d'emprisonnement ou d'une amende de 45 000 euros.
Pourrait-elle être condamnée ?
Oui, il y a un risque de condamnation. Les juridictions françaises sont sensibles à ce genre de problématiques. Mais je pense qu'elle serait relaxée. Si je devais la défendre, je mettrais en avant sa qualité d'élue et de candidate, qui s'exprimait dans une période pré-électorale. Cela changerait l'appréciation que les juges pourraient avoir des propos en question. Nadine Morano a donné son opinion, or, normalement, on ne sanctionne pas les opinions des responsables politiques.
Objectivement, Nadine Morano a bien commis une provocation à la discrimination, mais elle peut invoquer sa libre parole politique comme excuse. De même, Guy Bedos a été relaxé après avoir traité Nadine Morano de "conne", car le tribunal a estimé qu'il était resté dans "la loi du genre" en tant qu'humoriste. Idem pour la relaxe de Nicolas Bedos face à Marine Le Pen qualifiée de "salope fascisante", car le chroniqueur était dans un exercice "pamphlétaire". Il faut tenir compte du contexte.
Dans son argumentaire, Nadine Morano s'appuie sur de prétendues citations du général de Gaulle. L'exercice de la citation pourrait-il constituer un axe de défense ?
Non, cela ne changerait pas grand-chose, d'autant que la paternité de ces citations n'est pas évidente à établir. On n'a commencé à réprimer les discriminations raciales qu'après le général de Gaulle. A l'époque, si ces textes avaient existé, il aurait donc pu lui aussi être poursuivi. En cas de procès, il appartiendra à la justice de déterminer où s'arrête le discours politique et où commence l'appel à la discrimination.
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