Raid aérien en Syrie : que cherche Israël ?
Tsahal aurait mené, mercredi, une attaque à la frontière libano-syrienne. Une première depuis 2007, qui pose question sur les intentions de Tel-Aviv.
Pas de commentaire. Les autorités israéliennes n'ont ni confirmé ni démenti le bombardement mené dans la nuit du mardi 29 au mercredi 30 janvier à la frontière libano-syrienne. Un raid aérien dont la cible restait, jeudi, incertaine. Selon des sources officielles américaines, citées par le New York Times, c'est un convoi de missiles russes destinés au Hezbollah qui a été détruit. La Syrie, elle, avance que c'est un centre de recherche militaire situé entre Damas et la frontière libanaise qui a été visé par cette "agression", faisant deux morts et cinq blessés.
Il est habituel de voir Israël refuser de commenter ce genre d'opérations. Mais en revanche, cette attaque serait une première dans le conflit syrien, où l'Etat hébreu était jusque-là resté discret. Francetv info s'est interrogé sur le sens de cette opération et ses possibles conséquences.
Empêcher le Hezbollah de s'armer ?
Durant la récente campagne électorale israélienne, le sujet de la menace venue de Syrie a largement été brandie par le camp du Premier ministre, Benyamin Netanyahu. Ce dernier a ainsi annoncé, le 6 janvier, la construction d'une clôture sur le plateau du Golan, le long de la frontière syrienne. La volonté électoraliste est claire. Mais si les distributions de masques à gaz se multiplient, c'est aussi parce que le danger est bien réel. En décembre 2012, la crainte de l'utilisation d'armes chimiques par le régime de Bachar Al-Assad avait été rendue crédible par Barack Obama en personne.
Dimanche 27 janvier, trois jours avant le raid aérien, Benyamin Netanyahu a évoqué en Conseil des ministres "les graves menaces sécuritaires" que font peser sur son pays "les armes létales, dans une Syrie en train de se désintégrer". Le Premier ministre craint que des groupes hostiles à Israël ne s'emparent des stocks d'armes syriens, notamment les redoutés missiles russes SA-17.
On pense immédiatement à son ennemi juré, le Hezbollah libanais, largement soutenu par Damas. "Israël a toujours dit que si des armes sophistiquées (...) tombaient dans les mains du Hezbollah, une ligne rouge serait franchie", a rappelé Tzahi Hanegbi, ancien président de la commission de la Défense et des Affaires étrangères israélienne. Le général de réserve Dan Harel, ancien chef d'état-major adjoint, a lui aussi souligné qu'Israël "n'est pas prêt à accepter que le Hezbollah bouleverse l'équilibre des forces".
Profiter de l'affaiblissement de la Syrie ?
Comme l'explique Slate, le raid aérien israélien était prévisible. Non seulement parce que des signes, comme le récent déploiement de deux batteries antimissiles à la frontière syrienne, ne trompaient pas. Mais surtout parce que même la Russie, comme l'attestent les récentes déclarations pessimistes du Premier ministre, Dmitri Medvedev, doute désormais de la subsistance future de son ami syrien.
Tel Aviv aurait voulu "profiter de l'affaiblissement" d'un pays contre qui il est officiellement en guerre depuis 1967, explique Didier Billion, le directeur adjoint de l'Iris, à francetv info : "Jusque-là, Israël se tenait en retrait du conflit syrien, et se contentait de la déliquescence du régime de Bachar Al-Assad. Aujourd'hui, si les Israéliens peuvent l'affaiblir encore plus, ils n'hésiteront pas." Une opportunité d'autant plus profitable qu'il y a peu de chances que la Syrie ou le Hezbollah ne répliquent, selon Danny Yatom, ancien chef du renseignement israélien, cité par le New York Times (article en anglais) : "Assad a déjà ses propres problèmes, et le Hezbollah donne beaucoup pour l'aider, donc aucun d'entre eux ne va vouloir élargir le cercle de la guerre."
Faire réagir la communauté internationale ?
Très marquée par le raid israélien, la presse libanaise y voit un tournant dans le conflit syrien, selon L'Orient-Le Jour. Pour le journal al-Akhbar (article en anglais), "Israël a voulu adresser plusieurs messages, au régime syrien lui-même (...) et aux pays occidentaux qui hésitent à utiliser la force contre Bachar Al-Assad." En gros, Tel Aviv aurait voulu forcer ses alliés à prendre position et à agir face à une menace syrienne grandissante. Notamment les Etats-Unis, en plein renouvellement de l'administration Obama. "Israël peut essayer mais il n'obtiendra rien, assure Didier Billion. Pour Washington, qui a choisi une position diplomatique de recul, une intervention dans ce dossier serait source de plus d'inconvénients que d'avantages."
En revanche, ce que Damas dénonce comme une "grave violation du droit international", tout comme ses alliés russes et iraniens, pourrait se retourner contre Israël. La Syrie a officiellement protesté jeudi auprès de l'ONU. Le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil Al-Arabi, a lui aussi condamné le raid israélien. De quoi remobiliser des soutiens de Bachar Al-Assad, notamment dans les pays arabes ? "Ça ne va pas faciliter les négociations sur la Syrie, concède Didier Billion, mais ça ne va pas fédérer autour d'Assad. En revanche, c'est surtout profitable pour la 'communication' du régime syrien, qui a toujours justifié la guerre contre les rebelles comme un combat contre des forces venues de l'extérieur."
On est encore loin de l'internationalisation du conflit. Mais en menant cette attaque, l'Etat hébreu a atteint au moins deux objectifs : affaiblir ses ennemis et rappeler au monde qu'il peut, à tout moment, faire entendre sa voix, parfois sans ménagement, au Proche-Orient.
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