Le rapport de la commission Sauvé
La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Eglise (Ciase) a travaillé des mois pour mesurer l'ampleur des violences et agressions sexuelles commises par des religieux, des prêtres et des laïcs. Et elle a révélé des chiffres accablants. La pyschanalyste Claude Halmos évoque aujourd'hui les conséquences pour les victimes, dont certaines sont aujourd'hui très âgées.
Le rapport de la CIASE (la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’église) a révélé des chiffres terribles : 216 000 enfants victimes d’attouchements, d’agressions sexuelles ou de viols par des religieux, dans le cadre de l’institution, et ce chiffre passe à 330 000, si l’on compte ceux qui y ont été victimes de laÏcs.
franceinfo : Ce rapport ébranle évidemment l’Église et, au-delà, toute la société, mais nous aimerions revenir avec vous, Claude Halmos, sur ce qu’il peut représenter pour les victimes, dont certaines sont aujourd’hui, très âgées ?
Claude Halmos : Des victimes de 70 ans ont dit qu’elles attendaient, depuis 60 ans, que la vérité soit dite. Et cela montre les vraies dimensions de l’abus sexuel, et la gravité du traumatisme qu’il représente. Un abus sexuel sur un enfant c’est un assassinat. Tous ne meurent pas réellement (même si bien des suicides d’adolescents sont liés à des abus). Mais tous vivent bloqués au moment de l’agression qui a tué leur enfance.
Et l’abus par un prêtre est particulièrement destructeur. L’enfant a confiance dans le prêtre, comme dans un parent. Mais il construit avec lui une relation qui n’est pas seulement à deux, mais à trois, puisqu’elle inclue Dieu. Le prêtre lui enseigne le chemin vers Dieu, et ses règles, et particulièrement celles qui concernent la "pureté", très importante pour la religion catholique qui considère (Saint Augustin, par exemple l’écrit) que les plaisirs de la chair éloignent de Dieu. Cela amplifie le traumatisme.
De quelle façon ?
Un enfant découvre souvent la sexualité avec angoisse, à cause des interdits familiaux, sur la masturbation notamment. Et les interdits religieux les redoublent. L’agression vient les frapper, et elle est de plus le fait de celui supposé incarner le respect de ces interdits. Le choc et l’incompréhension sont donc particulièrement importants pour l’enfant, mais aussi sa culpabilité. Un enfant abusé se sentant toujours coupable de ce qui lui arrive, il se sent là, doublement coupable. Et plus incapable encore de parler.
Est-ce qu’un travail de prévention est possible ?
La prévention essentielle, pour les enfants, c’est l’information. Sur la sexualité, sur les règles qui la régissent (l’interdit des relations sexuelles entre membres de la même famille, et entre adultes et enfants). Et sur le fait que des adultes peuvent transgresser ces interdits, et qu’il faut, si l’on a à faire à eux, parler.
Et, s’agissant des prêtres, une réflexion serait nécessaire. Sur leur recrutement, mais aussi sur leur célibat. Il ne s’agit pas de dire que le célibat rendrait pédophile. Mais de réfléchir d’une part aux conséquences psychologiques d’un renoncement définitif à une dimension aussi essentielle que la sexualité. Et d’autre part, à la diabolisation du plaisir sexuel, qui peut avoir des effets paradoxaux.
Un pervers jouit toujours en effet de la transgression que représente l’acte qu’il accomplit, tout autant que de cet acte lui-même. Or la prêtrise lui offre la respectabilité, l’accès à des enfants, mais aussi la possibilité de transgresser outre l’interdit de la sexualité avec eux, celui lié à sa fonction. Cela mériterait réflexion.
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