Guerre entre Israël et le Hamas : la peur d'une guerre régionale

Alors que le Hamas continue de tirer des roquettes vers Israël et que les bombes israéliennes tombent toujours sur Gaza, les craintes d'un conflit régional sont de plus en plus grandes. La situation se dégrade en mer rouge, en Syrie et au Liban, trois secteurs sous influence iranienne.
Article rédigé par Frédéric Métézeau
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Un garde-côte gouvernemental yéménite en patrouille sur la mer rouge, le 12 décembre 2022, dans le détroit stratégique de Bab El Mandab entre le Yémen et Djibouti. (KHALED ZIAD / AFP)

La soirée du vendredi 15 décembre a été l'une des plus pénibles pour les Israéliens depuis le début de cette guerre entre Israël et le Hamas. Shabbat est le jour du repos chez les Juifs et les plus pratiquants cessent complètement de travailler. Ce soir-là est aussi le dernier jour de Hanoukkah, une fête joyeuse où l'on allume des bougies, déguste des beignets et offre des cadeaux aux enfants. Mais à Jérusalem ce soir-là, les sirènes retentissent ; des roquettes parties de Gaza sont interceptées au-dessus du centre-ville. L'odeur de poudre envahit les maisons de Jérusalem-Ouest et les Israéliens sont aux abris. Le dôme de fer entre en action au-dessus de Jérusalem-Est, à la verticale de l'esplanade des mosquées, le troisième lieu saint de l'Islam, en vieille ville de Jérusalem. Une roquette du Hamas tombe même près d'un hôpital à Ramallah, en Cisjordanie sans faire de victime.

Un peu plus tard dans cette soirée agitée, l'armée israélienne confesse une terrible méprise : elle a tué par erreur trois otages israéliens à Gaza. Pour l’armée israélienne, il s'agit d’une "erreur tragique". L'armée exprime ses profonds regrets aux familles des trois otages qui ont été abattus par des soldats. Ils avaient été identifiés de manière erronée comme une menace, a expliqué le porte-parole de l’armée. Une enquête est en cours pour déterminer les circonstances exactes de cette tragédie. "Avec tout le pays, je pleure la chute de trois de nos chers fils", déclare le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.

Le samedi soir, des milliers d'Israéliens manifestent à Tel Aviv, en colère contre la conduite de la guerre et cette équation insoluble : détruire le Hamas et simultanément ramener les otages. Pour Itay, 25 ans "La libération des captifs est la première priorité nationale, et c’est entre les mains du gouvernement. C'est une question de priorités. Il faut payer le prix qui va avec, mais aujourd’hui, rien n'est plus important". Présente ce soir-là, Raz Ben Ami, une otage libérée dans le cadre de l’accord entre le Hamas et Israël, critique la stratégie militaire d'Israël à Gaza : "Je suis rentrée de captivité il y a deux semaines. Après 54 jours à Gaza. Ohad mon mari, l’amour de ma vie, est encore entre les mains du Hamas. Les opérations militaires ne sauveront pas la vie des otages. Il faut un accord pour qu’ils rentrent à la maison."

Dangers en mer rouge

Ce conflit qui a débuté avec les massacres commis par le Hamas le 7 octobre se déroule sur une toute petite superficie puisque Gaza n'est qu'à 50 kilomètres de Tel Aviv et 80 de Jérusalem. Mais le Proche-Orient est un ensemble de dominos qui peuvent tomber les uns après les autres quand une guerre a éclaté. En mer rouge au sud d'Israël, les attaques de bateaux se multiplient. Ainsi, BP renonce à emprunter cette voie tout comme les grands groupes d’armateurs MSC, Maersk ou le Français CMA-CGM qui renoncent à passer par le canal de Suez et la Mer rouge jusqu’à nouvel ordre... Les houtis, implantés au Yemen et soutenus par l'Iran, sont à la manœuvre dans une zone très sensible.

Dimanche soir, Israël bombarde des sites autour de Damas, la capitale de la Syrie, tête de pont de l'Iran collée à Israël. Lundi matin, la radio de l'Armée israélienne révèle que des hackers pro israéliens ont attaqué des stations-service en Iran pour perturber la distribution de l'essence. Le conseil national israélien du cyber affirme, lui, que trois semaines plus tôt, l'Iran et le Hezbollah libanais ont lancé une attaque numérique contre un hôpital du nord d'Israël.

"On est dans une sorte de guerre mondialisée"

Est-il possible d'éviter un embrasement régional ? La ministre française des Affaires étrangères est de retour au Proche-Orient. Après Israël et la Palestine dimanche 17 décembre, Catherine Colonna s'est rendue au Liban le lendemain suivie par notre envoyé spécial Franck Mathevon. Elle souligne sur franceinfo la divergence de point de vue entre la France et Israël : "Nous avons une divergence de point de vue avec Israël dans la façon dont le pays exerce son droit à se défendre."

Pour Pierre Haski, journaliste spécialiste de géopolitique à France Inter et à l'Obs, "ce qu'il se passe en mer rouge a un impact déstabilisant sur l'économie mondiale. Les Américains viennent d'annoncer la création d'une force maritime internationale, il y a déjà une dizaine de pays qui y participent, avec l'intention de calmer le jeu, d'essayer de garder le contrôle de la situation sans entrer en guerre avec l'Iran."

"On est dans un cas de figure légèrement différent de celui qui pouvait être envisagé si le Hezbollah a déclenché la guerre. Là, on a des puissances qui ont des intérêts peut-être convergents sur certains dossiers et qui ne le sont pas sur d'autres."

Pierre Haski, journaliste

"Je pense que, par exemple, un pays comme la Chine, aujourd'hui, qui est assez proche de l'Iran, qui a pris une position disons de neutralité bienveillante vis-à-vis du Hamas dans le conflit à Gaza, n'a pas intérêt à une escalade qui perturberait l'économie mondiale, poursuit Pierre Haski, parce que la Chine est un pays qui est totalement immergé dans la mondialisation économique, qui a besoin de routes maritimes qui fonctionnent, notamment la mer Rouge. Alors qu'un pays comme la Russie, qui vend ses hydrocarbures n'est pas du tout dans cette même logique et au contraire est très contente d'avoir un foyer au Moyen-Orient qui détourne l'attention de ce qu'elle fait en Ukraine. Donc on n'a pas la configuration d'une troisième guerre mondiale aussi tranchée que l'ont été les deux premières. En revanche, on est dans une sorte de guerre mondialisée parce qu'on a la multiplication des lieux de conflit, Gaza et l'Ukraine (...) On est dans cette "extension du domaine de la guerre" et qui n'est pas nécessairement annonciatrice d'une guerre généralisée à l'échelle du monde."

Dans cet épisode : Michel Paul, Sharon Aronowciz, Omar Ouahmane, Franck Mathevon, Pierre Haski
Technique : Guirec Corbin
Production : Frédéric Métézeau

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