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Guerre en Israël et le Hamas : le mur diplomatique

Alors que l'offensive israélienne s’intensifie sur la ville de Khan Younes, la pression se renforce de toute part pour tenter d’obtenir un cessez-le-feu et des avancées sur l'après-guerre. Mais le gouvernement israélien reste hermétique et monte un mur diplomatique face à l'Europe et aux Etats-Unis.
Article rédigé par Etienne Monin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, le 24 décembre 2018, à Jérusalem. (MARC ISRAEL SELLEM / AFP)

"On monte sur la colline du mont Herzl à Jerusalem, c'est là que se trouve le plus grand cimetière d'Israël" : Faustine Calmel, grand reporter pour Radio France, sillonne Israël et les territoires occupés depuis une semaine avec Eric Audra. "C'est là que se déroulent depuis deux jours maintenant les enterrements des 21 réservistes morts dans l'effondrement d'un immeuble à Gaza." Ces soldats réservistes, c'est-à-dire issus de la société civile, sont morts dans l'explosion d'un immeuble, indirectement visés par une roquette du Hamas. Le bâtiment était rempli d'explosif. Les Israéliens préparaient sa destruction pour élargir la zone tampon avec Gaza à un kilomètre.

C'est la perte la plus lourde annoncée par l'emblématique porte-parole de l'armée Daniel Hagari depuis le début de la guerre. Elle arrive au moment où les services de renseignement américains estiment que le Hamas à encore les moyens de résister pendant des mois. "Ces 21 morts vont provoquer un choc dans la société israélienne aujourd'hui, explique Pierre Haski, éditorialiste sur France Inter, interrogé mardi 23 janvier. Et c'est une situation assez étrange, en général en temps de guerre, vous avez une sorte d'unité nationale, on met les divergences de côté et on mène de front le conflit. Là, tous les jours, vous avez hier des familles d'otages qui ont envahi le Parlement, vous avez des membres du comité du Conseil de guerre qui s'insultent à la télévision, les partisans de Benny Gantz contre ceux de Benjamin Netanyahou. C'est très étrange et tout d'un coup, cet électrochoc de ce bilan va exacerber tous ces débats sur la stratégie, sur la sortie de guerre, sur l'après-guerre qui sont au cœur de la société israélienne aujourd'hui et sur lesquelles il n'y a pas de consensus en Israël."

"On doit le faire tomber" 

Comme une mèche lente, les mouvements de contestation s'installent dans plusieurs lieux pour interpeller le Premier ministre israélien. Il y a des tentes devant la résidence personnelle de Benyamin Nétanyahou à Cesarée, des gens devant son bureau à Jérusalem, des manifestants sur des routes à Tel Aviv. D'un côté, les anti-Nétanyahou, de l'autre, les familles des otages. Chacun ses lieux d'action, chacun son message. Ce qu'ils partagent, c'est ce sentiment que cette guerre à tout prix les entraîne vers le fond. "Il ne partira pas, dit une manifestante à Jerusalem. On doit le faire tomber en faisant des manifestations en faisant n'importe quelle coalition contre lui. On ne sait pas ce qui va se passer. C'est très triste."

Prisonnier de sa coalition d'extrême droite, le Premier ministre israélien résiste à toutes les pressions. Au président américain, il affirme refuser d'envisager une souveraineté palestinienne contre une normalisation des relations d'Israël avec les grands pays arabes. Aux Israéliens, il assure qu'il n'y a qu'un seul chemin : la guerre de haute intensité. 

"En échange de la libération de nos otages le Hamas exige la fin de la guerre, le retrait de nos forces de Gaza. Si nous acceptons cela, alors nos soldats seront tombés en vain."

Benyamin Nétanyahou, Premier ministre israélien

Comme ressortie d'une vieille malle dans laquelle on l'avait oublié, la solution a deux états est au centre des discussions à Bruxelles. Mais Israël élude le sujet de l'après-guerre. Le blocage est total. Le gouvernement Israélien construit un mur diplomatique sans sembler craindre l'isolement qui grandi, regrette Joseph Borrel. "Les Israéliens doivent venir ici et discuter avec nous, estime le patron de la diplomatie européenne. Quelles sont les autres solutions ? Faire partir tous les Palestiniens ? Tous les tuer ? La façon dont ils essayent de détruire le Hamas n'est pas la bonne façon de faire."

Les États-Unis essayent aussi d'arracher des concessions. L'émissaire Bret McGurk est dans la région pour tenter d'avancer sur une trêve, qui permettrait la libération de nouveaux otages. Mais Benyamin Nétanyahou tend les relations avec le Qatar, pays pivot dans ces discussions, qu'il accuse maintenant de financer le terrorisme.

À Khan Younes, "ils tirent sur tout ce qui bouge"

Après la ville de Gaza, la guerre a rattrapé les civils dans Khan Younes. Les Israéliens ont encerclé la ville. Des centaines de milliers de personnes sont prisonnières des combats. Le principal centre de L'ONU qui sert de refuge aux déplacés a été touché par des tirs de tank d'après les Nations-Unies. Selon un dernier bilan provisoire, 13 personnes sont mortes. Une grande partie de la famille d'Amjed Tantech, déplacée plus au sud, se trouve dans cet établissement. "Tout autour c'est une zone de mort, affirme Amjed. Ils tirent sur tout ce qui bouge."

La question maintenant se pose de savoir où s'arrêtera l'armée israélienne. Plus au sud, à Rafah, la densité est extrême. Le désarroi touche toutes les familles. Léo Cans travaille pour MSF. Interrogé sur France Info, il vient de sortir de Gaza. "Dans tous les hôpitaux les scènes de familles foudroyées, d'enfants qui ont perdu leurs parents, se répètent", explique-t-il.

Lui aussi a quitté Gaza, et c'est une fenêtre sur cette guerre qui se referme. Le photographe Motaz Azaiza est au Qatar depuis quelques jours. Sa couverture des combats et du quotidien des Gazaouis était suivie par 18 millions d'abonnés sur les réseaux sociaux. Il avait réussi à incarner la souffrance des civils dans ce conflit qui reste interdit aux regards des journalistes internationaux.  

La nécessité d'avancer vers la création d'un État palestinien

Charles Enderlin correspondant pour France 2 à Jerusalem pendant trois décennies, estime que "pour le gouvernement de Benyamin Nétanyahou, il n'est absolument pas question d'avancer vers la création d'un État palestinien. C'est pourtant nécessaire, sans cela le conflit va se poursuivre, on pourrait presque dire éternellement. Mais le gouvernement en place est absolument opposé à toute concession territoriale aux Palestiniens. Et cette coalition, on peut presque dire, est bétonnée. Plus ses sondages sont mauvais, et moins cette coalition va prendre le risque d'organiser des élections. Il faudra certainement reformer l'autorité palestinienne, ses problèmes de gérontocratie. Puis il faudrait organiser des élections palestiniennes. Il est indispensable de revoir la manière dont fonctionne l'autorité palestinienne."    

Dans cet épisode : Faustine Calmel, Eric Audra
Réalisation : Étienne Monin, Pauline Pennanec'h, Chérif Bitelmaldji 

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