Histoires d'info. L'Église au défi de la justice de la République
Depuis 2000, l'Église catholique française a beaucoup fait pour permettre aux crimes pédophiles d'être jugés. Mais la route est encore longue et semée d'embuches juridiques.
Dans les années 1990, les affaires de pédophilies commencent à bousculer l’Église. Mais un procès en particulier va changer beaucoup de choses.
Nous sommes le 9 octobre 2000 et s’ouvre à Caen le procès de l’abbé Bissey. Un curé accusé de viols et d’agressions sexuelles sur une douzaine de garçons mineurs entre 1985 et 1996. Mais si ce procès est exceptionnel, c’est parce qu’il vise également un évêque, monseigneur Pican, évêque de Bayeux et de Lisieux. Ses avocats ont une ligne de défense claire : "La jurisprudence est sur ce terrain constante. Les confidences reçues dans le cadre du ministère relèvent du secret professionnel". Sous-entendu, l'évêque ne peut être accusé de ne pas avoir dénoncé des crimes qu'il ne pouvait dénoncer.
L’abbé Bissey sera condamné à 18 ans de prison et en correctionnelle l’évêque sera également condamné, plus légèrement à trois mois avec sursis.
Un électrochoc dans l'Église
La condamnation d’un évêque est rarissime. Une première depuis la Révolution française et un électrochoc au sein de l’Église catholique française.
Un mois après le procès de l’abbé Bissey, s’ouvre la conférence épiscopale, à Lourdes et la question de la pédophilie est au cœur des débats. L'évêque des armées, monseigneur Dubost est en faveur une libération de la parole.
C'est le devoir de celui qui sait de se mettre en rapport avec la justice. Moi je pense qu'il faut parler
Monseigneur Pierre DubostFrance Inter, le 9 novembre 2000
C’est la position officielle de l’Église depuis cette conférence épiscopale de 2000. Une décision finale, fortement appuyée par le Vatican qui parlait à l’époque de "crime contre l’humanité" pour caractériser la pédophilie. Cela marque un vrai changement d’attitude de l’Église : les prêtres doivent en répondre à la justice et leurs évêques ne doivent être ni être silencieux, ni couvrir des crimes pédophiles.
La question de la confession
Dans le cas de Monseigneur Pican condamné à trois mois de prison, on avait entendu ses avocats évoquer le secret professionnel, en l’occurrence la confession. Le tribunal avait considéré que ça ne tenait pas si une victime ou la famille dénonçait des faits, ce qui était le cas ici.
La question de la confession est une question ultra-sensible qui ne concerne pas l’affaire qui touche le cardinal Barbarin, les dénonciations qu’il avait reçues en 2007 et 2008 ne l’avaient pas été dans le cadre de la confession. Mais cela reste un enjeu majeur pour éradiquer la pédophilie dans l’Église. La question de la confession pose un double problème.
D’abord un problème pénal : si depuis 1994 en cas de sévices sur mineurs, le secret professionnel peut-être brisé, le secret professionnel préserve de l’obligation de dénoncer les sévices. Et puis il y a un problème peut-être plus profond, c’est la concurrence entre le droit pénal et le droit canonique, celui de l’Église, qui fait du secret de la confession un absolu selon le code de droit canonique (canon 983) qui ne souffre d’aucune d’exception, sous peine d'excommunication pour celui qui l'enfreint. Sur ce point, malgré les ouvertures qu’on a vues depuis 2000, rien n’a bougé.
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