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Raymond Barre, le meilleur économiste de France avait un compte en Suisse

Le Canard Enchaîné révèle aujourd’hui qu’une enquête a été ouverte au sujet d’un compte en Suisse ouvert au nom de Raymond Barre. A la mort de l’ancien Premier ministre, et ancien maire de Lyon, en 2007, le compte affichait un montant considérable : 11 millions de francs soit l'équivalent de 6,78 millions d'euros, non divulgués au fisc français.

Article rédigé par franceinfo
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Raymond Barre sur le plateau de 100 minutes pour convaincre, sur France 2, en 2004.  (JEAN-LOUP GAUTREAU / AFP)

Pour l’historien, cette annonce n'est pas une mince surprise. Et d’abord, tout simplement, pour celui qui connaît les différentes fonctions occupées par Raymond Barre au cours de sa longue carrière. On a du mal à voir comment il aurait pu mettre une telle somme de côté. Raymond Barre fut en effet professeur, il a travaillé à la Commission européenne, puis il a occupé différents postes ministériels, dont celui de Premier ministre (1976 et 1981) et celui de maire de Lyon (1995 et 2001).

Pas vraiment de quoi dégager une telle somme. Cette annonce est également une surprise davantage politique, compte tenu de son discours, notamment à Matignon car Raymond Barre, c’est l’homme de la lutte contre l’inflation, qui passe par une maîtrise des dépenses publiques avec un grand plan d’austérité dès le mois d’austérité.

"Faire disparaître la fraude fiscale"

Et dans cette image de sérieux, et de rigueur, il y a aussi une dimension fiscale. La lutte contre les fraudeurs, Raymond Barre en hérite. C’était l’un des grands axes du gouvernement précédent, le gouvernement Chirac, avec le ministre de l’économie Fourcade qui en avait fait une priorité en 1975. Mais Barre la poursuit.

Dans son discours de politique générale d’octobre 1976, il déclare notamment : "La justice sociale ne repose pas seulement sur un effort de solidarité nationale, mais aussi sur une réduction des illégalités. La première démarche en ce domaine est de faire disparaître la fraude fiscale. Celle-ci crée des privilèges iniques auxquels les Français sont de plus en plus sensibles."  

Outre la lutte contre la fraude fiscale, Raymond Barre s’engage plus largement en faveur de la transparence fiscale. C’est toujours à l’Assemblée nationale, mais quelques jours plus tard qu'il déclare : "Le gouvernement comprend le souci exprimé par beaucoup de Français de faire disparaître certaines zones d'ombre qui existent dans la fiscalité française. Il est prêt à renforcer la transparence fiscale."

La lutte contre la fraude fiscale touchera quelques célébrités, comme Charles Aznavour ou Michel Polnareff, et on assistera à une multiplication de contrôles fiscaux de commerçants dont certains s’achèveront dramatiquement par des suicides, des cas très médiatisés à l’époque.

"Un système fiscale baroque"

Mais dans le même temps on accusera le gouvernement Barre de ne pas en faire assez pour les fraudeurs en col blanc, et notamment de protéger quelques fraudeurs grâce à une disposition de 1977. A partir de cette date, la poursuite pénale des fraudeurs ne peut être déclenchée qu’à l’initiative de l’administration fiscale, qui dépend du ministère du budget, uniquement sur avis favorable de la Commission des infractions fiscales (CIF), créée en 1977.

C’est ce qu’on appelle le fameux "verrou de Bercy". Evidemment, rien ne permet d’affirmer, malgré les révélations du jour, qu’il s’agissait alors d’éviter à l’avenir des poursuites pénales pour tel ou tel fraudeur fiscal qui aurait un compte dans une banque helvétique.

Pour finir, écoutons Raymond Barre à l’Heure de Vérité, présentée par François-Henri de Virieu, en 1984 et en 1987. Et à la lumière des révélations du jour par le Canard enchaîné, on ne peut que souscrire à ces propos : "Nous avons un système fiscal dont le moins que l'on puisse dire est qu'il est baroque et ce n'est pas un joli baroque. Je vous réponds honnêtement parce que nous sommes à L'Heure de Vérité. Nous avons un système fiscal qui marche sur la tête."

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