Que devient Davy Rimane, après la crise sociale en Guyane ?
Le 28 mars 2017, c'était journée morte en Guyane. L'un des porte-paroles du collectif "Pour que la Guyane décolle", Davy Rimane, disait que la Guyane était l'enfant oublié de la nation française Il a depuis repris son poste de technicien à EDF Guyane.
28 mars 2017, d'après la préfecture de Guyane, il s'agit de "la plus grosse manifestation jamais organisée" sur le territoire. Ce 28 mars, c'est journée morte : plus de 10 000 manifestants sont dans les rues, à Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni. Ils alertent sur les retards accumulés en matière de santé, éducation, économie, sécurité ou logement... A l'origine du mouvement, le collectif "Pour que la Guyane décolle". L'un de ses porte-paroles, Davy Rimane, s'exprime dans les rues de Cayenne, ce 28 mars 2017. "Le but, c'est de rassembler les hommes et les femmes pour dire d'une seule voix au gouvernement, à l'Etat 'ça suffit !' On a un retard structurel depuis plusieurs décennies, la Guyane a toujours été la dernière roue du carrosse, l'enfant oublié de la nation française, donc il faut arrêter ça."
Situation quasi-inchangée
Pendant plusieurs semaines, la Guyane reste paralysée par les barrages routiers et la grève générale. Ce blocage contraint les compagnies aériennes à annuler plusieurs de leurs vols et sur la base de Kourou, le décollage de la fusée Ariane doit aussi être reporté. Finalement, après cinq semaines de conflit, un accord est signé entre l'Etat, les élus et le collectif. Le plan prévoit notamment le déblocage d'une aide d'urgence d'un milliard d'euros. Mais quatre mois après cet accord, Davy Rimane – l'un des porte-paroles du mouvement – estime que les problèmes sont loin d'être réglés en Guyane. "Ce qui nous a mené à cette crise majeure n’est pas encore réglé. Il faut revoir le volet sanitaire, le volet éducatif, le volet économique, le problème de l’emploi, l’énergie, le social, l’insécurité qui gangrène le territoire. Maintenant, il faut qu’on aille aussi s’atteler aux causes de cette montée de l’insécurité", fait remarquer Davy Rimane.
Décennies de retard
Davy Rimane le martèle : la Guyane accuse un retard de développement important par rapport à la métropole. "Certains disent qu’on a cinquante ans, d’autres quarante (de retard, ndlr). Depuis qu’on est passé département, en 1946 – il y a soixante-et-onze ans – le bilan est assez négatif dans l’absolu donc il y a quelque chose qui ne va pas", pointe Davy Rimane qui espère qu'Emmanuel Macron accordera une attention toute particulière à la Guyane. "Emmanuel Macron, en tant que candidat entre les deux tours, a très clairement stipulé qu’il accepterait les accords de Guyane, qu'il irait même plus loin encore. Maintenant, on attend de voir si le président Macron ne va pas se dédire lui-même à un moment donné. Les paroles font l’homme. S’il ne respecte pas ses propos, on saura à quoi s’en tenir en ce qui le concerne. De toutes les manières, nous avons un document signé et on le fera valoir en tant que tel jusqu’au bout, quoi qu’il arrive", avertit le leader du mouvement social.
"J’assume, je ne regrette rien"
Davy Rimane est plutôt satisfait de la façon dont s’est déroulé le mouvement de grève en Guyane. "A mon niveau, j’assume, je ne regrette rien. Je retiens aussi une chose, c’est que pendant cinq semaines, il n’y a pas eu de heurts, il n’y a pas eu de casse. C’est sans précédent aussi. On a su démontrer qu’on sait se mobiliser, on sait revendiquer, tout en restant dignes et pacifiques à la fois", se félicite Davy Rimane. Interrogé sur l’action des "500 Frères", le collectif dont les militants étaient vêtus de noir, portaient des cagoules et dont les actions ont parfois été critiquées, voici sa réponse : "Je pense qu’ils ont mis la cagoule pour dire : 'écoutez, maintenant on s’habille de la même manière que les malfrats, que les délinquants quand ils nous braquent, quand ils nous volent, quand ils nous agressent, quand ils violent nos femmes'. Donc, c’est une posture pour marquer les esprits et ça a eu l’effet escompté. Moi je leur dis bravo puisqu’ils ont osé faire des choses que d’autres n’ont pas pu faire."
Aide financière
Quant à l'aide financière d'urgence apportée par l'Etat, elle a été accueillie positivement, même si "on aurait souhaité beaucoup plus, c’est indéniable… Il y a tellement de choses à faire en Guyane... La Guyane est un territoire qui a plein de richesses. On doit nous permettre aujourd’hui d’en bénéficier pleinement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Je rappelle aujourd’hui que l’Etat possède plus de 90 % du foncier en Guyane, ne paie pas un euro de taxe à aucune collectivité, ce qui n’existe nulle part ailleurs sur un territoire français, sauf chez nous. Je pense donc que là aussi il y a matière à revoir beaucoup de choses. Et si on veut vraiment se développer, il va falloir aussi que l’Etat nous permette justement de faire des choses par nous-mêmes. Et puis aussi parce que nous en avons un peu marre d’entendre que nous ne faisons que pleurer pour la France, qu’on ne sait pas se débrouiller. C’est gênant, parce que nous, nous ne sommes pas en train de quémander ou de supplier. Nous disons juste que l’Etat n’a pas joué son rôle depuis des décennies. Qu’il se mette juste à le faire et puis on verra bien..."
Pas pris au sérieux
Pendant le conflit, Davy Rimane a le désagréable sentiment de n'avoir pas été suffisamment pris au sérieux par la classe politique de métropole. "Au travers de ce conflit, beaucoup, comme monsieur Macron, ont découvert où se situait la Guyane, qu’est-ce qu’était la Guyane. Que ce n’était pas une île. Avec tout ce qu'il se dit aujourd’hui, on s’attend à beaucoup de choses. Il va falloir faire des économies drastiques d’après ce qu’on entend. Tout ce qu’on dit nous : il est hors de question que la Guyane en pâtisse", avertit Davy Rimane. Et il ajoute : "Chaque fois qu’il a fallu faire des efforts au niveau national, la Guyane n’a pas été épargnée. Par rapport aux collectivités, ils ont baissé les budgets, ils ont baissé la dotation globale de fonctionnement dans chaque collectivité aussi également. Nous n’accepterons pas qu’on dise encore qu’il faut fermer les robinets à différents niveaux, ce n’est pas possible. Mais je garde l'espoir que nous nous sommes faits entendre. De plus en plus, ils vont prendre conscience de ce qu’est la Guyane, donc j’ai bon espoir pour cela..." Après le conflit, au mois de juin, Davy Rimane s'est présenté aux élections législatives dans la deuxième circonscription de Guyane. Mais l'emblématique leader du mouvement social a été battu, pour une poignée de voix. Il a depuis repris son poste de technicien à EDF Guyane.
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