Concentration dans les médias : le bal des patrons de presse devant le Sénat
Vincent Bolloré est le premier des grands industriels français à être auditionné mercredi 19 janvier devant la commission d’enquête sur la concentration des médias. Alexis Lévrier, spécialiste de l’histoire des médias, est l'invité de Célyne Bayt-Darcourt.
Huit milliardaires se partagent aujourd’hui l’essentiel de la presse française. Vincent Bolloré possède Canal+, des magazines comme Télé-Loisirs, Gala, Femme Actuelle ou Capital. Il est en train de racheter les médias de Lagardère (Europe 1, Le Journal du Dimanche, Paris-Match). Le leader du luxe Bernard Arnault détient Les Echos, Le Parisien Aujourd’hui en France, Radio Classique. François Pinault est le propriétaire de l'hebdomadaire Le Point, la famille Dassault du Figaro. Patrick Drahi dirige Altice donc BFMTV et RMC, Xavier Niel est au capital du groupe Le Monde, de l’hebdomadaire L’Obs, peut-être sera-t-il le futur patron de La Provence. Le Tchèque Daniel Kretinsky a notamment pris possession de Marianne et Elle. Enfin Bouygues a huit chaînes de télé, dont TF1 et LCI.
Cette mainmise des grandes fortunes inquiète, surtout en période de campagne présidentielle. Est-ce qu’elles influencent l’opinion, est-ce qu’elles ordonnent une ligne éditoriale aux rédactions, empêchent-elles de sortir des affaires gênantes ? Bref, les médias sont-ils toujours indépendants ? C’est ce que cherchent à savoir les sénateurs, qui ont installé une commission d’enquête sur la concentration des médias. Tous les grands patrons vont être auditionnés, à commencer mercredi 19 janvier par Vincent Bolloré, le PDG de Vivendi.
"Ces auditions vont être, je l’espère, l’occasion de poser des questions essentielles pour le pluralisme de l’information, surtout en période électorale, et pour l’avenir de la démocratie elle-même".
Alexis Lévriersur franceinfo
"Ça pose des questions évidentes de pluralisme interne à ces rédactions, surtout lorsque l’un de ces actionnaires, Vincent Bolloré, rompt avec ce qui se passait d’habitude, à savoir une autonomie relative des rédactions. On sait que CNews et Europe 1 sont soumises à une ligne politique de plus en plus marquée à l’extrême droite, de manière assumée. Et par ailleurs c’est la première fois dans une campagne électorale qu’un candidat émerge directement d’un groupe de presse. On a un actionnaire qui a rendu possible la candidature d’Eric Zemmour, cette candidature est le produit de l’exposition dont il a bénéficié sur Cnews entre 2019 et 2021, et C8 avec TPMP qui a consacré une importance incroyable à Zemmour entre septembre et décembre 2021. Nous sommes dans une campagne électorale qui se joue en grande partie à partir des conditions fixées par cet actionnaire", explique Alexis Lévrier, maître de conférences à l’Université de Reims, spécialiste de l’histoire des médias et auteur du livre Macron et Jupiter, le pouvoir présidentiel face à la presse paru aux éditions Les petits matins.
L’autre sujet d’actualité qui focalise l’attention est la fusion prévue entre TF1 et M6. Et là deux points de vue s’opposent : "Il y a le discours d’Emmanuel Macron, qui dit qu’il faut des champions nationaux pour faire face à l’emprise des Gafa et Netflix, et le discours qui prétend que même si on fait des supers groupes français, ils ne feront pas le poids de toute façon. Peut-être que l’instrument de régulation que l’on devrait fixer est au niveau politique : limiter l’emprise de ces géants, leur capacité à préempter l’essentiel des recettes publicitaires de la presse. C’est peut-être un débat à mener au niveau européen : comment se battre contre l’emprise de ces géants ? Est-ce que c’est en fusionnant TF1 et M6 que l’on va résister à Google ou à Netflix, j’en doute…" déclare Alexis Lévrier.
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