Bâtiment : "300 000 salariés seront sur le carreau à la mi-2025 si rien n'est fait", alerte le président de la FFB

La Fédération française du bâtiment alerte le Premier ministre, Gabriel Attal, sur la crise du logement neuf et demande le redéploiement du prêt à taux zéro. Olivier Salleron, président de la FFB, est l'invité éco de franceinfo.
Article rédigé par Camille Revel
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8min
Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment. (franceinfo)

Olivier Salleron est le président de la Fédération Française du Bâtiment, La FFB, qui représente plus de 50 000 entreprises du secteur. Le gouvernement a revu sa prévision de croissance à la baisse pour cette année. Il veut contrôler son déficit et pour cela, il va faire 10 milliards d'euros d'économies en plus. Tous les ministères sont concernés, certains plus que d'autres. Parmi les exemples qui concernent le bâtiment directement, l'enveloppe d'aide pour mieux chauffer et mieux isoler les logements.

franceinfo : MaPrimeRénov' est revue en baisse. Dans mes dires, il y avait des crédits supplémentaires qui étaient prévus. Quelle a été votre réaction ?

Olivier Salleron : Ma réaction au départ, ça a été la colère sur la forme en fait. Sur le fond, on sait que MaPrimeRénov' depuis un an est un peu complexe, donc elle n'a pas fonctionné comme elle aurait dû fonctionner en 2023. Donc il y a des crédits disponibles. Il suffisait de parler des opérations et des organisations patronales, dont évidemment moi-même, avec la FFB, qui ont travaillé la semaine dernière sur une simplification de MaPrimeRénov' pour dire : "Eh bien, écoutez, on va dire que 3 milliards d'euros pour l'année prochaine, c'est suffisant et on va travailler là-dessus." On a dépensé 1,6 milliard, vous voyez, c'était quand même doubler MaPrimeRénov'. Je crois que c'est un problème de communication du ministre de L'Économie. C'est dommage. On a raté quelque chose. Je peux vous dire que nos entreprises et nos artisans ont été fortement déçus, d'ailleurs, sur cette annonce-là.

Quand vous dites la forme, c'est parce que vous avez appris les annonces du ministre de l'Économie au JT ?

Écoutez, je crois qu'il y a urgence aujourd'hui au niveau économique, et on comprend tout à fait le gouvernement là-dessus. Mais nous sommes des partenaires, nous sommes des partenaires fidèles, constructifs. Depuis plusieurs années, on peut le dire. On a passé, entre cinq et six crises depuis le Covid, d'une façon responsable et constructive. Je crois qu'on a toute la légitimité pour qu'on travaille avec nous et qu'on n'annonce pas des choses comme ça à la dernière minute, parce qu'on est d'accord, j'allais vous le dire, au niveau de MaPrimeRénov', sur 90 % des choses. Vous le savez, ce sont les entreprises du bâtiment qui travaillent d'une façon extrêmement experte là-dessus. Il faut qu'on continue, mais évidemment main dans la main avec le gouvernement.

Sur la forme donc pour vous, ça ne va pas. Sur le fond, effectivement, il restait plusieurs centaines de millions d'euros dans l'enveloppe fin 2023. Ça signifie qu'il y a quelque chose à revoir. Qu'est-ce qu'il faut faire ? Est-ce que vous avez déjà, justement, dans vos discussions avec ses ministres, y compris le nouveau ministre du Logement, acté plusieurs choses.

On avait réglé ça trois jours avant avec les ministres Béchu et Kasbarian, ensemble avec trois mesures très importantes qui étaient mises en place, que nous avons souhaité. Le communiqué de presse gouvernementale a été promulgué quelques minutes après, d'où notre déception. En revanche, cela montre quelque chose, c'est que MaPrimeRénov', est une bonne solution. Sur 700 000 dossiers, oui, et il y a eu près de 30 000 bugs et c'est trop. Mais en tout cas, ce n'est pas un échec cuisant comme on aurait pu le penser et comme certains le disent.

Donc, là, il va y avoir de la simplification ?

Exactement une simplification. On a un accompagnateur Rénov', c’est-à-dire quelqu'un qui va accompagner les ménages pour faire leurs travaux. Nous l'avons demandé parce que nous sommes contre le travail illégal. Et vous savez, les margoulins, les escrocs qui ont sévi avec toutes ces choses sur la rénovation énergétique, eh bien, nous allons avoir cet accompagnateur Rénov'. Le tout, c'est qu'aujourd'hui, malheureusement, ils ne sont pas assez nombreux depuis le 1er janvier. Donc ils vont s'occuper de certaines catégories de ménages, dont les modestes et très modestes qui en ont le plus besoin. Et les autres, les ménages intermédiaires, vont garder la même structure que l'année dernière et donc vont être contrôlés comme les autres. Et petit à petit, l'accompagnateur Rénov', c’est-à-dire en fin d'année 2024, sera réintroduit pour tous. Et ça, c'est une excellente chose. Je le dis, on ne va pas sauver la planète en une semaine. Il faut mettre des mesures qui sont à la fois acceptables par nos clients, mais aussi par les entreprises.

On a parlé du bâti, mais il y a aussi le neuf. Quand on lit le pôle habitat de la Fédération du bâtiment, ça ne va pas fort du tout. On tombe de Charybde en Scylla, lit-on dans un communiqué, avec une année 2023 cataclysmique, je cite et 2024 qui ne s'annoncera pas mieux.

Exactement. Ce sont mes mots il y a quelques semaines, avec tous ces chiffres-là. Je crois que c'est le disque rayé parce que ça fait deux ans que je parle de cette catastrophe qui arrive. Eh bien, ça y est, le logement neuf est durement touché depuis la fin de l'année dernière. Malheureusement, les promoteurs ont déjà mis un ou deux genoux à terre. Mais le gros du problème, ce sont les entreprises de la construction qui représentent 1 600 000 actifs. Aujourd'hui, nous avons déjà perdu 10 000 emplois fin décembre. Malheureusement, on en prévoit encore 90 000 avant la fin de l'année, parce que c'est mathématique. Quand il n'y a pas de permis de construire, quand il n'y a pas d'investissement des ménages français sur la maison individuelle ou sur le logement collectif, il n'y a pas de travail. Donc, malheureusement, les entreprises vont mettre des genoux à terre, plusieurs dizaines de milliers. Et je vous le dis et je le répète encore, 300 000 salariés seront sur le carreau si rien n'est fait dans les semaines qui viennent, mi 2025. Et ça, c'est dramatique. C'est le social qui est touché.

Qu'est-ce qui peut être fait ? Qu'est-ce qui doit être fait alors selon vous ?

En fait, il y a une conjonction de cinq ou six facteurs qui aujourd'hui demandent une intervention à la fois budgétaire certes, mais surtout très psychologique parce que les Français veulent se loger, les Français veulent de la maison individuelle, les Français veulent investir dans la pierre. Il faut juste un petit déclic pour que tout reparte, le rebond n'est pas loin. Les taux d'intérêt sont en train de stagner. J'espère qu'ils vont baisser. Le président des Banques françaises pense qu'il y a aussi une négociation à faire. Alors je le dis à nos concitoyens, recommencez à pousser les portes des banques et allez négocier des prêts. Maintenant, il faut un petit coup de pouce de l'État, par exemple avec un prêt préférentiel pour les primo accédants, ou aussi remplacer ce fameux Pinel dont plus personne ne veut par un autre statut pour que les Français qui ont un peu plus les moyens puissent investir dans des logements pour les louer à des Français plus modestes. Aujourd'hui, 90% du parc, ce sont des logements privés qui sont loués à nos concitoyens les plus modestes. Là, il faut vraiment faire un effort énorme, dans les prochains mois.

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