Benoît Potier (Air Liquide) : "La voiture électrique à l’hydrogène change d’échelle"
Benoît Potier, PDG du groupe Air Liquide, était l'invité de l'interview éco mercredi, pour défendre la voiture électrique à l'hydrogène.
Benoît Potier, PDG du groupe Air Liquide, le géant mondial des gaz industriels était l’invité de l’interview éco de franceinfo mercredi 20 septembre. Benoît Potier a réuni à New York les membres du Conseil de l’hydrogène qu’il préside : 24 multinationales, dont Toyota, Total et Alstom, essaient de développer ce nouvel usage, en plein débat mondial sur les énergies polluantes et le changement climatique. "La voiture électrique à l’hydrogène change d’échelle", selon Benoît Potier.
francienfo : le marché de l’hydrogène est-il en train de démarrer ?
Benoît Potier : On y est dans un certain nombre de segments puisqu’il y a déjà des applications rentables. Certains marchés dont celui de l’automobile sont encore en développement. Mais on peut dire que c’est en train de démarrer. C’est rentable dans la mobilité, avec l’utilisation de l’hydrogène pour les chariots élévateurs dans les centres de logistique. Nous avons de grands clients comme Amazon, Carrefour, Walmart, Ikea. Ce sont des marchés déjà développés et puis des essais sont faits en Allemagne par notre partenaire Alstom pour les trains : là où les lignes ne sont pas encore électrifiées. Là où il est plus intéressant d’utiliser de l’hydrogène que d’électrifier les lignes de chemin de fer.
Le salon de l’automobile de Francfort en Allemagne a lieu du 14 au 24 septembre. Les constructeurs présentent beaucoup de modèles électriques, mais la plupart du temps avec modèles à batterie et pas des modèles fondés sur l’hydrogène, pourquoi ?
Un certain nombre de constructeurs y croient. Mercedes a dévoilé à Francfort en première mondiale une voiture électrique à l’hydrogène qui permet de faire 120 kilomètres en autonomie classique batterie, puis 450 kilomètres grâce à l’hydrogène. On change d’échelle. Et puis les grands de l’automobile comme Toyota, Hyundai et puis d’autres comme BMW et Audi sont en train de travailler et rejoignent le grand conseil de l’hydrogène que nous avons créé en partenariat avec Toyota. Conseil dont nous partageons la présidence, et qui est destiné à favoriser le développement du marché.
Combien de voitures à hydrogène y a-t-il aujourd’hui dans le monde ?
Il y en a quelques dizaines de milliers, mais on en est encore qu’au début. Pour pouvoir avoir un effet d’échelle suffisant, il ne faudrait même pas parler de centaines de milliers mais de millions. C’est exactement ce que nous faisons au sein du conseil de l’hydrogène. Nous sommes en train d’imaginer le monde de demain, la transition énergétique dans laquelle l’hydrogène pourra prendre une place importante. Nous avons à 2030 et 2050 des objectifs qui sont en millions.
L’hydrogène est aussi un rêve d’ingénieur, avec des réalisations, mais pour l’instant sur le marché on n’y est pas...
On n’y est pas, mais il faut savoir que l’hydrogène a été utilisé depuis 50 ans pour faire de l’énergie électrique dans le domaine spatial. C’est une technologie qui a été inventée il y a plus d’un demi-siècle qui n’a pas été mise sur le marché traditionnel. C’est l’électricité dans les voitures qui a poussé à faire en sorte que l'hydrogène se développe pour les voitures. Mais l’hydrogène n’est pas que pour les voitures. C’est un moyen absolument extraordinaire de stocker les énergies renouvelables qui sont en excédent. Et pour imaginer une transition énergétique qui puisse tenir la route à long terme, il faut non seulement les technologies comme les panneaux solaires ou les éoliennes, mais il faut aussi pouvoir stocker l’énergie lorsqu’elle est disponible et la restituer quand on en a besoin.
"L'hydrogène, ce n'est pas que les voitures, c'est un moyen extraordinaire de stocker les énergies renouvelables en excédent" Benoît Potier pic.twitter.com/rU9LS2n8hY
— franceinfo (@franceinfo) 20 septembre 2017
Ce que ne peut pas faire une batterie au-delà de quelques jours, l’hydrogène peut le faire d’une saison comme l’été à une saison comme l’hiver. Puisqu’on est capable de la stocker en très grande quantité. Ça c’est un avantage énorme. L’hydrogène permet à la fois d’optimiser les systèmes énergétiques et de fournir de l’électricité aux voitures.
Combien y a-t-il de stations à hydrogène aujourd’hui ?
Il y en a quelques centaines dans le monde, notamment au Japon qui a été le premier pays à investir. Nous avons un partenariat avec cinq autres industriels et avec le ministère des Transports en Allemagne pour investir 400 stations-services en Allemagne. Ça reste lent, mais c’est réel. La France est un peu en retard. La France n’a pas d’industrie automobile qui a adopté cette technologie. Aux États-Unis, General Motors a rejoint il y a deux jours le conseil de l’hydrogène. Nous aurons ainsi bientôt tous les grands pays industriels qui seront avec nous au sein du conseil de l’hydrogène. Nous aurons bientôt 27 sociétés mondiales, 1 300 milliards d’euros de chiffre d’affaire. L’investissement d’aujourd’hui, c’est plus d’un milliard d’euros par an pour l’ensemble de ces entreprises. Ce n'est rien mais c’est un début. On a une idée aujourd’hui plus précise jusqu’en 2050 du potentiel que pourrait représenter l’hydrogène.
Le modèle économique existe-t-il ?
Le modèle est rentable, il y a déjà des segments de marché qui ont décollé. C’est rentable pour les clients, dans l’état actuel des technologies. C’est-à-dire des technologies récentes avec de l’hydrogène qui a le prix normal auquel on peut produire et distribuer l’hydrogène. Notre étude de marché a consisté à regarder tous les marchés, à regarder à quel moment dans les 20 ans qui viennent les marchés s’ouvriront à l’hydrogène. Et nous sommes extrêmement confiants puisque nous sommes rentables sur ces premiers marchés.
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