Consommation : "Certaines de nos boîtes de conserve ont augmenté de 20%. Néanmoins, on reste très accessibles", assure le directeur général de Bonduelle

Xavier Unkovic, directeur général du groupe Bonduelle, spécialiste des légumes en conserves et surgelés est l'invité éco de franceinfo vendredi 18 octobre.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 11min
Xavier Unkovic, directeur général de Bonduelle, le 18 octobre 2024. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Quels sont les goûts d'aujourd'hui et de demain dans nos assiettes et dans les rayons des supermarchés ? C'est l'enjeu du Salon international de l'alimentation (SIAL) qui se tient du 19 au 23 octobre à Villepinte, au nord de Paris. À la veille de ce salon, Xavier Unkovic, directeur général du groupe Bonduelle, spécialiste des légumes en conserve et surgelés, est l'invité éco de franceinfo.

franceinfo : Les chiffres définitifs de l'inflation pour le mois de septembre sont tombés cette semaine. Les prix des légumes frais restent plus élevés que le reste de l'alimentation, quasiment +3% sur un an. Est ce que vos conserves de petit pois, vos carottes râpées vos haricots verts surgelés pâtissent de cette hausse des prix ?

Xavier Unkovic : Bien sûr. Néanmoins, notre objectif chez Bonduelle et depuis toujours, c'est de rendre nos produits très accessibles à l'ensemble des consommateurs. Donc, demain, si vous voulez une boîte de petits-pois carottes qui apporte tous ses bienfaits santé aux personnes, autour de 250 grammes, vous payerez entre 1,59 euro et 2,29 euros en fonction de qui la distribue.

Donc ça veut dire que c'est vous qui avez réussi à absorber la hausse des prix des légumes.

C'est-à-dire qu'effectivement, on a dû payer nos légumes plus chers, c'est clair. Néanmoins, nos légumes restent accessibles et c'est ce qui nous importe de faire en sorte que l'accessibilité aux consommateurs soit préservée et que le consommateur, bien qu'il voit ces prix augmenter, ceux-là restent très accessibles néanmoins. Donc c'est notre objectif premier.

Vos prix, de combien ont-ils augmenté ?

Nos prix d'achat des légumes ont augmenté entre 20 et 30% en fonction des années, donc c'était significatif.

Et vos boîtes de conserve ?

Nos boîtes ont fait des augmentations qui sont très similaires puisqu'on a suivi ce qu'on appelle la loi EGALIM, bien sûr, qui est une loi à laquelle Bonduelle est très attachée eu égard à la protection du pouvoir d'achat de nos agriculteurs. Comme vous le savez, nous, on est là, on a des liens très forts de génération en génération avec nos agriculteurs, on souhaite les protéger. C'est très important.

Ça veut dire que le prix de vos boîtes de conserve a augmenté de 20% ?

Nos boîtes de conserve ont augmenté, au cours des trois dernières années, de 20% pour certains. Et donc, oui, c'est un fait. Néanmoins, on reste toujours très accessibles : 1,59 euro, un repas complet à travers nos nouveaux produits lunch ball à moins de 3 euros. Donc, à midi, vous voulez vous rassasier, vous achetez un produit Bonduelle à 3,50 euros. Je vous mets au défi, à Paris ou ailleurs, dans un café ou un restaurant, de trouver un repas complet, sain, bien équilibré en termes de protéines et de légumes, à 3 euros. Donc nous sommes là pour préserver le pouvoir d'achat de nos agriculteurs. Nous sommes là pour faire en sorte que nos produits soient accessibles. Et c'est toute la logique d'une marque qui se veut être pérenne dans le temps.

Il y a quelques jours, je recevais à votre place le patron de Coopérative U, Dominique Schelcher, qui propose la mise en place d'un chèque alimentaire de 30 euros par mois pour les 4 millions de Français les plus modestes, mais seulement pour acheter des fruits et des légumes frais. Est-ce une bonne idée ou est-ce que ça créerait une forme de concurrence déloyale vis à vis de vos produits ?

Pas du tout. S'il parle de chèque alimentaire pour que le consommateur soit décideur d'un type de produit dans lequel il achète, y compris des produits de marque, c'est toujours une très bonne idée.

Ce que j'ai compris, c'est que c'était seulement sur des fruits et des légumes frais, donc pas pour des conserves.

Je vais vous dire quelque chose, parce que c'est assez formidable. Personnellement, je ne suis pas un fan de ce qu'on appelle la conserve. Je suis un fan de ce qu'on appelle la "préserve". C'est un peu audacieux ce que je vous dis. Mais en fait, nos conserves portent un très mauvais nom. Il n'y a pas de conservateur dans nos conserves. Nos conserves sont un emballage pour préserver un aliment. Et cette préservation de l'aliment fait que cet aliment que le consommateur achète est constamment disponible à tout moment de la journée.

Donc ça veut dire que vous pourriez bénéficier de ce chèque alimentaire.

J'espère qu'il nous en fera bénéficier, parce qu'on est très bon partenaire avec eux.

Pour l'instant, il n'existe pas.

Mais je ne vois pas pourquoi il ne le ferait que sur des produits frais parce que nos produits sont très accessibles et disponibles à tout moment.

Vous avez d'autant plus raison que, dans ce groupe de travail, il y avait aussi un de vos concurrents. Donc on imagine que ce chèque alimentaire pourrait bénéficier également aux fruits et aux légumes en conserves.

On ne récolte des petits-pois et des carottes qu'à un certain moment de l'année et donc il va bien falloir les conserver. On les préserve dans ce réceptacle qui est la conserve.

Parlons recettes. Pour attirer le consommateur, faut-il des produits plus simples ou des produits de plus en plus sophistiqués ? Qu'est-ce qui marche le mieux en ce moment dans votre gamme de produits Bonduelle ?

C'est une très bonne question. Ça dépend. Ça dépend des consommateurs.

"Il y a un Français sur cinq aujourd'hui qui cuisine moins d'une heure par semaine."

Xavier Unkovic

sur franceinfo

Donc on a ce type de consommateur qui, lui, souhaite se voir offrir des types de solutions de repas, le fameux lunch ball ou le fameux produit surgelé...

Votre produit phare, aujourd'hui, celui qui se vend le mieux en France ?

La marque qui se vend le mieux, ce sont nos produits Cassegrain qui sont des légumes et des légumineuses, qui sont préparés, qui sont cuisinés et qui ont un goût extraordinaire. Donc ça, ce sont nos produits phare.

Voyez-vous des changements dans la consommation des Français depuis le Covid ?

Depuis le Covid, on a eu un fait très marquant en termes d'instabilité, c'est le pouvoir d'achat des consommateurs qui s'est considérablement dégradé.

Vous l'avez constaté ?

Tout à fait, ça a mis beaucoup de pression sur les marques. Et quelque part, c'est une pression qu'on prend avec beaucoup d'humilité. C'est-à-dire qu'il faut savoir répondre à cette pression. Et donc quelque part, ça nous force à être meilleurs à ce qu'on fait.

C'est pour ça que vous êtes en poste chez Bonduelle. Vous avez été recruté il n'y a pas si longtemps que ça. Vous venez quand même de grandes entreprises, dont Mars notamment.

Je ne sais pas si c'est pour ça. Moi, je suis végétarien et fan des légumes et des légumineuses. Je crois énormément à l'impact sur la santé des personnes, et la santé sur le monde. Donc, quelque part, je me sens bien chez Bonduelle.

Bonduelle ne va pas si bien dernièrement, avec des ventes qui ont diminué de 3,5% en volume sur un an. Le marché, s'essouffle-t-il ? Que devez-vous faire ? Est-ce la stratégie qui n'est pas bonne ou est-ce le marché qui est arrivé à saturation ?

Je ne crois pas à des marchés qui saturent. Je pense que, quelque part, les entreprises doivent apprendre de ce qui se passe sur le marché, de ses perturbations, et doivent développer des réponses aux besoins et aux attentes des consommateurs.

Donc, vous avez changé la stratégie de Bonduelle, un groupe familial, fondé à Villeneuve d'Ascq, fin du XIXe, coté en bourse depuis 1998 ?

Ces fondations que vous citez, elles sont très solides et on ne les change pas. Ce qu'on va changer, c'est la façon dont on va développer nos stratégies, c'est-à-dire qu'est ce qu'on va faire ?

Qu'allez-vous faire justement ?

Un des points majeurs, c'est de rapprocher. C'est pour ça que SIAL est un événement extraordinaire pour nous. Se rapprocher de plus en plus du besoin du consommateur et de ses attentes, de ses modes de consommation. Et Bonduelle se doit d'être beaucoup plus proche de son consommateur et que ses marques soient de plus en plus proches de ses consommateurs.

Mais tout le monde connaît Bonduelle et ses produits.

On commence un tout petit peu à avoir besoin de nous moderniser, d'être beaucoup plus présents sur des moments de consommation des consommateurs sur lesquels nous ne sommes pas. Par exemple, le snacking, les encas. Ce sont des moments de consommation sur lesquels nous ne sommes pas. Nous y allons à travers nos produits frais et nous allons accélérer cette tendance qui est très forte au niveau du consommateur. Les repas complets, préparés, frais ou de longue conservation, ce sont des moments essentiels pour les consommateurs.

Vous allez vous séparer de votre activité de salades en sachets en France, avec à la clé la fermeture du site de Saint-Mihiel, dans la Meuse, qui emploie 159 personnes et 80% de femmes. Il n'y a donc pas d'alternative ?

Non, malheureusement, on est très tristes. C'est une grosse tristesse pour l'entreprise. D'abord, c'est un projet de cession. La cession n'a pas été approuvée, en attendant l'accord des autorités de la concurrence sur la cession de notre entreprise, sachets de salades et fermeture d'un site. Parce qu'aujourd'hui l'entreprise est extrêmement déficitaire. On a publié le déficit qu'on avait. Donc si on veut qu'une entreprise survive sur le long terme, il faut absolument que l'entreprise soit rentable pour investir et se développer. On a un peu plus de 11 000 employés chez Bonduelle dans le monde, et ces 11 000 personnes ont besoin de continuer à travailler au quotidien. Et les activités dans lesquelles nous avons une certaine capacité à nous développer, ce ne sont plus malheureusement les salades en sachet telles qu'elles sont aujourd'hui. Le consommateur est de plus en plus en demande d'un produit de marque distributeur. L'engouement pour la salade sachet n'est plus là. C'est malheureux, c'est très triste. Je suis très triste pour les personnes à Saint-Mihiel.

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