Énergie : "Le renouvelable devient une source de compétitivité significative, il ne faut pas louper ce train-là", affirme la directrice générale d'Engie

Toute la semaine, "L'invité éco" de franceinfo s'installe à Davos pour le Forum économique mondial. Alors que le projet de loi sur la souveraineté énergétique sera prochainement dévoilé par Bruno le Maire, Catherine MacGregor, directrice générale d'Engie, nous fait part de ses prévisions sur l'énergie renouvelable.
Article rédigé par franceinfo
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Catherine MacGregor, directrice générale d'ENGIE, le 21 avril 2022. (MYLENE DEROCHE / MAXPPP)

Depuis la nomination d'un nouveau Premier ministre Gabriel Attal, la semaine dernière, il n'y a plus de ministre de l'Énergie. Le portefeuille ne fait plus partie de la Transition écologique, mais désormais de l'Économie, sous le ministère de Bruno le Maire. Le projet de loi sur la souveraineté énergétique, qui sera présenté dans les toutes prochaines semaines, sera allégé, Bercy a déjà prévenu.

franceinfo : Catherine MacGregor, vous êtes directrice générale d'Engie, l'énergie désormais c'est le nucléaire avant tout ? Les renouvelables passent au second plan ?

Catherine MacGregor : Non, pas du tout. D'abord, la France ne peut pas faire sans renouvelables. Je pense que ce qui est vraiment important, c'est que l'énergie soit reconnue comme un enjeu majeur. C'est un enjeu stratégique qui a plein de dimensions. Il faut qu'on décarbone nos moyens de production d'énergie, pour se battre contre le réchauffement climatique. Il y a l'impact fondamental sur le pouvoir d'achat des Français. Et puis, il y a un aspect de souveraineté qui est très important. Donc l'énergie est un enjeu stratégique qui me semble être bien reconnu comme tel par le gouvernement, par Monsieur Bruno Le Maire et puis évidemment par le président de la République.

Mais ça ne veut pas dire que c'est désormais la toute-puissance du nucléaire ?

La France ne peut pas faire que du nucléaire. J'évoquerais peut-être le discours de Belfort, en février 2022, par le président de la République qui a été, à mon avis, très fondateur. Il a clairement mis sur la trajectoire de la France le nucléaire "et" les renouvelables. Et d'ailleurs hier, je l'ai encore entendu dire que la France allait bien sûr fournir une énergie décarbonée, qui sera composée de renouvelables et de nucléaire.

Mais il y a une polémique, parce que le projet de loi sur la souveraineté énergétique sera allégé et ne contiendra pas de volet programmatique, déterminant les parts de renouvelables et de nucléaire à horizon 2030-2035. Ce ne sera pas dans le projet de loi.

Alors, ce que je comprends, c'est que ce travail programmatique a déjà été fait dans une certaine mesure, avec la loi de planification pluriannuelle de l'énergie. Donc là, il y a effectivement un travail législatif en cours, qui va peut-être arriver en plusieurs étapes. Je pense que la partie programmatique, avec des objectifs chiffrés, arrivera peut être plus tard. En tout cas, je fais confiance au gouvernement, car, encore une fois, on ne peut pas faire cette transition énergétique sans les renouvelables aux côtés du nucléaire. D'ailleurs, l'Allemagne, en 2023, avait son électricité issue à 52 % des renouvelables, donc aujourd'hui ces renouvelables sont absolument significatifs dans le mix de certains de nos pays voisins.

En France, c'est moins de 15%.

Oui, ça reste encore peu. La France a un parc nucléaire, qui est bien sûr très important et qui nous fait bénéficier d'énergie décarbonée. Mais on voit bien que les renouvelables, c'est sérieux, c'est très compétitif.

C'est rentable ?

Oui, c'est rentable. Vraiment, le train des renouvelables est en marche et la France ne doit pas le louper.

Est-ce qu'il est compliqué d'avoir un débat apaisé sur les renouvelables, que ce soit en France ou ailleurs ? On voit qu'il y a énormément d'élections qui sont prévues cette année, les élections européennes, aux États-Unis également. Est-ce que vous craignez un retour en arrière, une montée en puissance des climatosceptiques ?

Vous avez raison de rappeler qu'on a toujours besoin du soutien politique. Mais moi, j'ai quand même tendance à penser qu'aujourd'hui, encore une fois, ce train, il est parti. Là, je suis à Davos et je voudrais partager avec vous et vos auditeurs une réalité que je n'avais pas forcément complètement intégrée. L'année dernière le monde a rajouté 510 gigawatts de renouvelables. 60 % de ces additions ont été faites en Chine. La Chine a un objectif aujourd'hui d'être à 1200 gigawatts à l'horizon 2030. Elle va atteindre cet objectif six ans plus tôt. Pourquoi je vous dis ça ? Pourquoi la Chine est-elle si allante sur les énergies renouvelables ? C'est parce qu'elle veut combattre le réchauffement climatique, mais aussi parce que ça va être une source de compétitivité significative pour la Chine. Et je pense qu'on devrait intégrer ça. Quand on réfléchit à ces débats renouvelables, on n'aime pas, on trouve que l'éolien, c'est moche... En fait, ces énergies renouvelables, ça va être une source de compétitivité pour l'Europe. Et si on continue à se poser des questions, on risque de louper ce train-là. Et ça m'inquiéterait beaucoup que ce soit le cas.

Donc vous dites aujourd'hui que les énergies renouvelables sont compétitives et rentables. Le modèle économique d'Engie a changé, notamment grâce à cette donnée ?

Nous, on a fait ce pivot il y a quelques années déjà. On a des objectifs de 50 gigawatts à 2025, 80 gigawatts à 2030. Il faut une discipline forte, il faut absolument que ce modèle soit rentable, donc on choisit bien nos projets. Mais oui, il y a un modèle de rentabilité associé aux renouvelables, évidemment, c'est très important. Pour être complète, on parle beaucoup aujourd'hui de renouvelables électriques, mais ce qui est également très important, c'est de développer le gaz renouvelable. Ainsi que les solutions de flexibilité via les solutions de stockage par batteries, pour compléter ces énergies renouvelables, qui restent intermittentes.

Votre métier historique, Catherine MacGregor, c'est le gaz. Le prix du gaz s'est envolé après l'invasion russe en Ukraine. Depuis, les fournisseurs, dont Engie, ont diversifié leur approvisionnement, notamment avec le GNL américain. Est-ce que vous pouvez nous assurer que cet hiver, alors qu'on connaît la première vague de froid, on ne va pas manquer de gaz et qu'il sera à un prix raisonnable ?

Effectivement, je pense qu'on peut être assez fier, en Europe, de ce qui s'est passé en très peu de temps. On a réussi à substituer quasiment l'ensemble du gaz qui nous venait de Russie en trouvant d'autres solutions, d'autres fournisseurs. Aujourd'hui encore, on a encore des stocks très très haut, donc ça nous laisse anticiper la fin de l'hiver de manière relativement sereine. Je voudrais aussi souligner les efforts de sobriété et d'efficacité énergétique qui ont été fournis.

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