Finances publiques : la Fédération nationale des transporteurs routiers "inquiète de possibles tours de vis en matière fiscale"

Michel Barnier a déjà reçu plusieurs lettres ouvertes de la part de plusieurs secteurs. Florence Berthelot, déléguée générale de la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), est l'invitée éco de franceinfo.
Article rédigé par Isabelle Raymond
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Florence Berthelot, déléguée générale de la Fédération nationale des transporteurs routiers. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

À peine nommé, le nouveau Premier ministre Michel Barnier est le destinataire de lettres ouvertes de la part de plusieurs secteurs, à commencer par celui des transporteurs routiers. Florence Berthelot, déléguée générale de la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), est l'invité éco de franceinfo.

franceinfo : Vous représentez les patrons du secteur et ce qui vous inquiète, c'est une possible augmentation de la fiscalité du carburant pour le transport routier l'an prochain ?

Florence Berthelot : En réalité, la vacance politique que nous connaissons déjà depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, a retardé un certain nombre de sujets, mais au premier rang desquels, la loi de finances. C'est vraiment ce qui va architecturer le monde économique, notre secteur et tous les autres. Quand on a des signaux d'alerte sur les finances publiques, comme ils ont été donnés, notamment au Sénat, on s'inquiète un peu de possibles tours de vis en matière fiscale. Et on sait que, notamment sur le carburant qui est un taux minoré de TICPE, il peut y avoir un rabot.

Donc ça vous inquiète et vous préférez prendre les devants et écrire au nouveau Premier ministre ?

Absolument et d'une certaine façon, par rapport à ce qu'on fait d'habitude, on est même en retard puisque les lois de finances sont déjà en élaboration au mois de juillet. Or là, on sait que tout a pris un peu de retard. Donc on a voulu se positionner très vite vis-à-vis bien entendu d'un gouvernement qui reste à constituer, mais aussi des parlementaires qui auront à discuter de la loi de finances.

Ce rabot dont vous parlez, vous y avez échappé l'an dernier. Ce ne sera pas possible une deuxième fois, ni une troisième fois ? Vous bénéficiez d'un remboursement partiel de la TICPE, sauf qu'à terme, il faut que le prix du carburant soit aligné pour tout le monde d'ici 2030.

Exactement, la loi climat dit qu'il faut aligner le tarif du gazole progressivement sauf qu'en réalité, à chaque fois qu'on a commencé à aborder le sujet, on s'est rendu compte que le coût pour les transports routiers était très important. 

"Un centime de TICPE en plus, c'est 100 millions d'euros. Donc c'est très lourd pour ce secteur."

Florence Berthelot

à franceinfo

Et puis il va y avoir, à partir de 2027, l'entrée en vigueur finalement du marché européen du carbone qu'on appelle ETS et qui va se traduire par une hausse du prix du carburant et cette fois-ci, pour tout le monde, mais aussi pour nous.

Ce que vous préconisez, c'est qu'on attende 2027 ?

En réalité, ce qu'on demande, c'est l'articulation entre ETS et TICPE pour qu'il y ait une cohérence puisqu'en réalité, l'objectif est le même, celui de la lutte contre le changement climatique et qu'on ne finance plus les énergies fossiles. Mais l'idée, c'est aussi de permettre de financer la transition énergétique. Or, ce n'est pas en surfiscalisant qu'on va favoriser les investissements.

Ce n'est pas surfiscaliser, en l'occurrence, c'est ramener à une fiscalité équitable. Vous le savez, les équipes de Bercy ont laissé un projet de budget à leurs successeurs, Michel Barnier, évidemment, peut l'amender. Lundi 9 septembre, les ministres démissionnaires de Bercy, et Bruno Le Maire, notamment, iront défendre ce budget 2025 devant la commission des finances de l'Assemblée. Rien ne laisse présager qu'il y aura des hausses d'impôts, ça a été dit par les équipes d'Emmanuel Macron.

Encore faut-il qu'on le vérifie sur pièces parce qu'on est quand même, comme on l'a dit, très inquiet des alertes sur les finances publiques et on sera très attentif à ça sachant que le gouvernement, reste à constituer. Est-ce qu'on aura un ministre des Transports à quelle échéance ? C'est aussi avec cet interlocuteur-là qu'on peut porter un certain nombre de dossiers. Les équipes administratives le savent, on continue à travailler avec elles. 

"Ce mécanisme européen et la TICPE doivent être articulés pour éviter une inflation massive qui est absolument insupportable pour le secteur."

Florence Berthelot

à franceinfo

C'est pour vous inciter à commencer cette transformation énergétique qu'il y a cette fiscalité. Or, il y a moins d'1% de camions électriques en circulation alors qu'il y a des aides de 150 millions pour 2024.

Mais c'est très peu en réalité. Aujourd'hui, un camion diesel, c'est 100 000 €. Un camion électrique a minima, c'est 350 000 €, donc c'est trois fois et demie de plus, en plus du coût de l'énergie et des bandes de recharges.

Donc ce que vous dites, c'est si on n'a pas cette fiscalité alignée, si on repousse à 2027, quand on aura également une réglementation européenne, nous, patrons du transport routier, on est prêts à faire les investissements nécessaires à condition que l'État nous aide aussi.

On a déjà commencé et il y a eu heureusement cette année la possibilité d'un appel à projets à hauteur de 130 millions pour aider à financer ces véhicules. Mais en réalité, maintenant, il va falloir jouer sur les toutes petites entreprises pour lequel changer un camion suppose des aides massives et aussi une augmentation du prix du transport. Ce sera inévitable.

Donc ce que vous voulez, c'est que ces enveloppes d'aides soient maintenues, ou qu'elles soient augmentées dans le prochain budget. Ça fait partie également du message que vous voulez apporter au prochain ministre des Transports, s'il y en a un ?

C'est en fonction de l'état des finances publiques. Nous, déjà, si on pouvait éviter de nous augmenter la fiscalité, ça serait très bien. Si les aides pouvaient être maintenues, ça serait parfait. Mais en même temps, on voit l'équation budgétaire telle qu'elle est. Donc on sera là tout à fait prêts à discuter avec notre ministre en charge le moment venu, pour pouvoir justement voir comment faire cette transition énergétique qui est l'enjeu de demain.

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