Agriculture : la science sur la piste de "nouveaux OGM", plus résistants et adaptés au changement climatique

L'objectif de ces nouvelles techniques de manipulations génétiques, plus "naturelles" que pour les OGM traditionnels, est d'adapter les cultures au changement climatique et aux maladies.
Article rédigé par Boris Hallier
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des morceaux de plantes en culture à l'Inrae d'Avignon (Vaucluse) (BORIS HALLIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Alors que les agriculteurs manifestent en ce moment, notamment contre les taxes et les normes environnementales, un autre débat se joue en ce moment au niveau européen. Ce débat concerne ce que certains appellent "les nouveaux OGM" et implique agriculteurs, industriels de l'agroalimentaire et associations environnementales.

Ces "nouveaux OGM", ce sont en fait de nouvelles techniques d'édition du génome qui émergent depuis quelques années. Pour comprendre comment elles fonctionnent, direction Avignon : dans les laboratoires de l'Institut de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), et plus précisément dans une chambre de culture. "On a des plants de tomates et on est dans une phase de test pour vérifier la résistance effective de ces plantes aux virus, mais également la durabilité, explique Jean-Luc Gallois, directeur de recherche, spécialiste de l'édition du génome. Ces plantes restent-elles résistantes ou est-ce que, petit à petit, il y a une érosion ?"

Comme pour les OGM, l'un des objectifs de ces nouvelles techniques, c'est de rendre les plantes plus résistantes, mais aussi de les rendre compatibles au climat du XXIᵉ siècle. "On va travailler beaucoup sur la résistance aux pathogènes qui devrait permettre de limiter l'utilisation de pesticides, explique Jean-Luc Gallois. On va travailler sur la résistance à la chaleur et à la sécheresse. Ce sont ces caractères qui sont visés, davantage que des caractères de productivité." Mais ces techniques en sont au stade de preuve de concept. Les chercheurs ont donc encore du travail pour prouver leur efficacité. 

La Commission européenne veut assouplir la réglementation

Les OGM sont basés sur ce que l'on appelle la transgénèse, c'est-à-dire que l'on introduit dans un organisme un morceau d'ADN issu d'une autre espèce. Les nouvelles techniques, en revanche, permettent de modifier le génome d'un fruit ou d'un légume sans apport extérieur, grâce notamment aux "ciseaux moléculaires" Crispr-cas 9, une innovation qui a valu le prix Nobel 2020 à la Française Emmanuelle Charpentier et à l'Américaine Jennifer Doudna. "Là où on a eu beaucoup d'évolution au cours des dernières années, c'est qu'à l'origine, on pouvait couper un morceau d'ADN qui se réparait, développe Jean-Luc Gallois. Mais maintenant, on va pouvoir cibler de manière très précise une base de cet ADN et le changer de manière spécifique. On va pouvoir encore plus copier des mécanismes d'évolution qui peuvent arriver en plein champ, par exemple." Plus souple, plus sûr, plus rapide : voici en résumé les arguments des partisans de ces nouvelles techniques. 

Jean-Luc Gallois, directeur de recherche à l'Inrae d'Avignon et Kyoka Kuroiwa, en thèse, dans les laboratoires de l'institut. (BORIS HALLIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Aujourd'hui, légalement, ces plantes sont considérées comme des OGM. Mais la Commission européenne veut alléger les contraintes en créant deux catégories de plantes. La première rassemblerait celles qui auraient subi le moins de mutations, qui seraient considérées alors comme des plantes conventionnelles.

Cela va dans la bonne direction, selon Laurent Guerreiro, membre du conseil d'administration de l'Union française des semenciers (UFS) : "Pour nous, c'est un outil indispensable parce qu'on est devant une équation qui devient quasi insolvable aujourd'hui : on doit continuer à produire avec un niveau de contraintes, qu'elles soient réglementaires, environnementales ou climatiques, qui est toujours grandissant."

"Si vous ne pouvez plus utiliser un fongicide pour éviter qu'un champignon attaque le blé et le rende impropre à la consommation, eh bien vous devez améliorer le niveau de résistance naturelle de cette plante pour qu'elle sache lutter contre la maladie."

Laurent Guerreiro, de l'Union française des semenciers

à franceinfo

Cette nouvelle réglementation a été validée mercredi 24 janvier par la Commission environnement du Parlement européen. Elle sera débattue en séance plénière à Strasbourg début février. 

Des "OGM cachés" ?


Mais selon certaines ONG, la menace pour la biodiversité est réelle. Greenpeace, la Confédération paysanne ou Les Amis de la Terre dénoncent un principe de précaution bafoué, un manque de recul scientifique. Ils parlent d'OGM cachés. Et pour Françoise Cazals, de France Nature Environnement, leur efficacité reste à prouver. "En fait, on se croirait revenu 30 ans en arrière quand les multinationales des biotechnologies promettaient que les OGM permettraient de résoudre le problème de la faim dans le monde, ou encore que seraient mis sur le marché une banane-vaccin ou du riz enrichi en carotène, rappelle-t-elle. Or, la culture de ces OGM a subi quelques déconvenues, bien documentées par de nombreuses études scientifiques qui constatent des rendements finalement décevants et d'autre part, des phénomènes de résistance aux herbicides ou insecticides. D'où une utilisation accrue et diversifiée de pesticides qui sont vendus, soit dit en passant, par les producteurs d'OGM." 

D'autres organismes, comme l'Agence française de sécurité sanitaire (Anses), évoquent un manque de clarté dans le texte de la Commission. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese), lui, rappelle qu'il n'existe pas d'études évaluant ce type de modifications génétiques sur le long terme. 

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.