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Covid-19 : le système D des professionnels de l’enfance face à l'épidémie

Ils sont depuis des mois les grands oubliés de la crise du Covid-19 : dans l'ombre, malgré les risques de contamination, les éducateurs sociaux sont là, jour et nuit, pendant les vacances, à s'occuper des enfants placés de l'Aide sociale à l’enfance.

Article rédigé par Gaële Joly
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Entrée d'un foyer à Verdun. (GAELE JOLY / RADIO FRANCE)

De la débrouille, et de la bonne humeur. Ce sont les deux ingrédients essentiels pour être éducateur social, et s'occuper des enfants placés à l'Aide sociale à l'enfance (ASE), en pleine crise sanitaire de Covid-19. La maladie n'épargne pas ce type d'établissement et met à rude épreuve le moral des adolescents. "J'ai déjà eu le Covid-19. C'était un peu casse-pied, parce qu'on est resté dans nos chambres, confinés à ne rien faire", raconte Floris, reclus dans une chambre de 12 mètres carrés, à l'étage des garçons, dans un foyer de Verdun (Meuse), où vivent 30 adolescents. "On a tenté de trouver des occupations, mais c'était dur. J'ai fait du gainage, de la chaise, des entraînements pour les pompiers, car j'ai envie d'être pompier volontaire."

"On n'a pas le droit de se plaindre"

Pour limiter la propagation de l'épidémie, Sorine a dû changer de chambre : "J'ai rejoint une fille qui avait aussi le Covid-19. On mangeait dans nos chambres." Malgré les conditions précaires, il a fallu maintenir le cap et ne pas laisser les enfants sombrer dans la déprime. "Les éducateurs se sont déguisés pour amener de la joie et de la bonne humeur à chaque jeune tous les jours au moment de la livraison des repas, indique Françoise Catanéo, la patronne du foyer. Parce qu'être adolescent et isolé dans sa chambre, ce n'est quand même pas facile." Pas question de perdre la face ni le sourire face à ces ados, des jeunes "qui ont eu dix vies, ils ont vécu des horreurs. Nous, on n'a pas le droit de se plaindre", assure la responsable.

Les activités sont rares, les enfants sont confinés dans leur chambre.  (GAELE JOLY / RADIO FRANCE)

La situation est encore plus grave dans un autre établissement du département, qui accueille des mineurs délinquants : six d'entre eux, sur huit au total, ont attrapé le Covid-19. Quatre éducateurs sur neuf ont aussi été testés positifs. Hocine Belkacem, le directeur de ce centre éducatif renforcé (CER), craint une situation explosive. Cela fait bientôt trois semaines que les adolescents sont confinés dans leur chambre. "Ils subissent, comme nous les adultes, raconte Hocine Belkacem. Pour préserver une partie de l'équipe, je ne sollicite que quatre personnes. Un mois comme ça, c'est compliqué, surtout dans un milieu qui est très confiné. La configuration du centre éducatif renforcé, c'est une petite maison en centre-ville d'un petit village."

La situation sanitaire de ce CER meusien est si critique que son directeur a prévenu : si un autre éducateur tombe malade, la maison fermera ses portes et les adolescents retourneront derrière les barreaux.

Le terrain de foot est vide, depuis que le Covid-19 s'est invité dans le foyer. (GAELE JOLY / RADIO FRANCE)

Depuis des mois, les directeurs de ces foyers destinés à des adolescents en difficulté sociale répètent la même demande : être prioritaire pour se faire vacciner contre le Covid-19. Certains finissent par contourner les règles. "On a pu faire se vacciner sur le centre de vaccination de Verdun, en disant uniquement qu'on était du médico-social, alors qu'on est du social", glisse Bruno Larcher, à la tête de l’Association meusienne pour la sauvegarde de l’enfance, de l’adolescence et de l’adulte. L'AMSEAA prend en charge plus de 1 000 enfants et adolescents dans le département de la Meuse.

Notre métier, c'est déjà penser aux jeunes qu'on a en charge

Bruno Larcher

directeur général de l’AMSEAA

"On prend la place de personnes qui sont peut-être plus prioritaires que nous, mais moi j'ai besoin de garantir quand même que mes salariés puissent travailler en hébergement, explique Bruno Larcher. Aujourd'hui si on est obligé de fermer l'établissement, le parcours de tous ces jeunes tombe. Où est-ce qu'ils vont ? Tout ce qu'on a engagé avec eux par rapport à leur remobilisation sur un projet, tout ça tombe. C'est eux qui vont en pâtir en premier. On est aussi des personnels de première ligne."

Depuis quelques jours, les éducateurs sociaux de plus de 55 ans sont prioritaires pour le vaccin. L'entourage du secrétaire d'État à l'Enfance, Adrien Taquet, souligne que cela permettra aussi de protéger une très grande partie des assistants familiaux, ceux qui hébergent des mineurs chez eux, et dont la moyenne d'âge dépasse les 55 ans.

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