Guerre au Proche-Orient : "Le gouvernement n'a pas de stratégie et nous ne voyons pas le but", tacle un vétéran israélien

Alors qu'Israël et le Hezbollah s'affrontent dans une guerre qui pourrait embraser la région, des réservistes de l'armée israélienne et vétérans des précédentes guerres au Liban espèrent que l'histoire ne se répétera pas inlassablement.
Article rédigé par Jérôme Jadot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
De la fumée après une attaque israélienne à Nabatieh, au Sud-Liban, le 13 octobre 2024. (RAMIZ DALLAH / ANADOLU)

Benyamin Nétanyahou promet de continuer "à frapper sans pitié le Hezbollah". Promesse faite au lendemain de la mort de quatre soldats israéliens dans leur base lors d’une frappe du mouvement chiite libanais. Lundi 14 octobre, un bombardement israélien a fait 22 morts, dont 12 femmes et deux enfants, dans le village d'Aïto, au nord du Liban.

Après deux semaines d’offensive terrestre au Liban, franceinfo a rencontré deux vétérans israéliens qui ont participé aux précédentes guerres libanaises et voudraient éviter que l’histoire se répète encore.

1978, 1982, 2006 et maintenant 2024 : à chaque fois, l’armée israélienne pénètre au Liban pour repousser des ennemis avec, d’abord, les Palestiniens de l’OLP, et désormais les combattants du Hezbollah. Giora Inbar est un vétéran de 1982.

"Avant, tous les habitants de ce village étaient pour nous"

Sur son portable, l'homme de 68 ans, toujours athlétique, regarde une vidéo de bombardement au Sud-Liban. Il vient d’y faire une incursion en tant que général de réserve et est retourné dans le même village qu’il y a 42 ans. "Pendant la période où j’étais au Liban, tous les habitants de ce village étaient pour nous parce que nous les avions libérés des terroristes de l’OLP. Maintenant, tout le village est aux mains du Hezbollah et les habitants ont fui les combats."

Ces images de centaines de milliers de déplacés, de Beyrouth bombardé, de civils morts et blessés, touchent ce vétéran. Mais "c'est la guerre", abonde Stéphane, qui avait lui 19 ans lorsqu’il est entré au Liban en 1982. 

"Il y a des souvenirs de combats, d'explosions, de blessures. Mais il y a surtout le souvenir de camarades. On continue à se battre en leur nom."

Stéphane, réserviste

à franceinfo

Stéphane, qui a dirigé une unité d’élite, est désormais réserviste. Il a vu le Hezbollah se structurer. "Il y a eu un saut technologique au niveau de leurs armes, de leurs drones, de leur entraînement. Et à partir de 2006, ils ont compris qu'il fallait décentraliser leur pouvoir. Donc vous avez des chefs un peu partout qui peuvent prendre l'initiative de tirer", analyse-t-il.

Ne plus faire bégayer l'histoire

Depuis plusieurs semaines, les tirs de roquettes et attaques de drones sont toujours aussi nombreux sur Israël. Il faudra plus de temps pour ressentir les effets de l’opération terrestre, selon Stéphane, qui parle cru : "J'aurai préféré quelque chose de plutôt blitzkrieg, 'one shot', ça explose de tous les côtés. Un blitzkrieg, c’est quand vous allez raser complètement un territoire", assume le réserviste, qui dit vouloir faire rentrer au plus vite les 60 000 Israéliens, qui ont fui le nord du pays.

Pour ces vétérans, une priorité : ne plus faire bégayer l’histoire et éviter que cette nouvelle guerre au Liban soit un prélude à la prochaine. Pour le général de réserve Giora Inbar, l’opération Paix en Galilée de 1982 porte d’ailleurs bien mal son nom.

"Il n’a pas eu de paix en Galilée. Les décisions des politiques ont fait que nous sommes restés longtemps au Liban. Pendant ces 18 années-là, le Hezbollah s’est créé, les attentats ont commencé, il y a eu beaucoup de pertes".

Giora Inbar, réserviste

à franceinfo

Giora Inbar en sait quelque chose : il a dirigé toutes les opérations au Sud-Liban au milieu des années 1990 pendant l’occupation israélienne. Pour lui, comme pour Stéphane, rester au pays du Cèdre n'est plus une option. Mais il manque aujourd'hui un cap : "Le gouvernement ne transforme pas le succès militaire en quelque réussite politique que ce soit. Il n’a pas de stratégie et donc nous ne voyons pas la fin et nous ne voyons pas le but".

Giora Inbar, 68 ans, vétéran israélien de la guerre de 1982 au Liban. (PHOTO PERSONNELLE DE GIORA INBAR)

L'espoir d'un accord avec l'Iran

Stéphane juge, pour sa part, qu'après les opérations militaires, il sera nécessaire de faire de la politique au Liban. Il avance "la mise en place d'une nouvelle armée, forte, avec de nouveaux dirigeants, forts, indépendants. Pour cela, il va falloir qu'encore une fois les grandes capitales européennes ou mondiales qui se disent amies du Liban, arrêtent d'être dans le dire, il va falloir être dans le faire !" Le vétéran ne veut d'ailleurs plus entendre parler de force Onusienne au Liban. "Un conflit se règle entre deux ennemis. Pas à trois", tacle-t-il.

Giora Inbar, lui, n’est pas contre une force internationale, mais veut aller plus loin. "Nous avons signé un accord avec l’Egypte : il n’y a pas de problème avec Le Caire. Nous avons passé un accord avec la Jordanie : pas de problème avec Amman. Là où nous n’avons pas conclu d’accord il y a tout le temps des problèmes : avec les Palestiniens et le Liban. Et il y a des pertes dans les deux camps". Giora Inbar se dit certain qu’il y aura un accord y compris avec l’Iran, parrain du Hezbollah. Pour cela, entre deux périodes sur le front nord, le général de réserve mène un autre combat en manifestant contre Benyamin Nétanyahou.

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