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Inflation : ces conseillers en budget qui aident les familles modestes à éviter "la catastrophe"

Loyers, factures énergie, assurance, aides sociales... Depuis deux ans 500 "Points conseil budget" accompagnent les foyers confrontés au surendettement. franceinfo s'est rendue dans l'antenne du Mans, très sollicitée.

Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Illustration d'une facture d'énergie. (JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP)

Préoccupation majeure des électeurs, le pouvoir d'achat sera le premier thème abordé lors du débat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, mercredi 20 avril, quatre jours avant le second tour de la présidentielle. Ces derniers mois, la hausse des prix à la consommation a amputé le revenu de nombreux ménages, et tout particulièrement celui des plus modestes. Depuis deux ans, ces familles en difficulté peuvent se faire accompagner dans un des 500 Points conseil budget (PCB). Ce nouveau type de structure, créé par l'Etat et dédié à lutte contre le surendettement, est encore méconnu.

"Ce serait dommage de passer à côté d'un droit"

Au Point conseil du Mans (Sarthe), Céline Mazier, la conseillère, reçoit de plus en plus d'appels : "Nos agendas se remplissent quand même très, très vite pour des difficultés budgétaires."

"Le Covid avait déjà fragilisé certains budgets. Mais à cela s'ajoute un contexte de vie où l'inflation a son impact." 

Céline Mazier, conseillère au PCB du Mans

à franceinfo

Ce matin-là, Céline Mazier reçoit une mère de famille angoissée, en instance de divorce. Cette femme, qui préfère rester anonyme, explique qu'elle gagne 1 400 euros par mois, qu'elle a 1 500 euros de loyers en retard, 300 euros d'impayés d’électricité et 500 euros de dettes familiales. À cela s'ajoute deux crédits pour le four et la machine à laver. Et pour noircir encore le tableau : une pension alimentaire versée irrégulièrement.

La conseillère tente d'abord de comprendre le budget de cette mère de famille. "Au niveau des prestations de la CAF, vous êtes à 600 euros. La pension alimentaire, c'est 360. L'électricité actuellement, ils vous prélèvent combien ? 159 euros...", liste-t-elle. Dépenses, recettes, dettes... Tout est passé au crible, sans jugement. Céline Mazier découvre que des aides sociales n'ont pas été réclamées : "Vous reviendrez avec vos derniers salaires avec vous pour étudier votre droit à la prime d'activité parce que vous êtes seule avec des enfants à charge. Ce serait dommage de passer à côté d'un droit. On va régulariser ça."

Côté dépenses, il faudra mensualiser la redevance audiovisuelle et la facture d'eau pour éviter le coup de massue, revoir aussi les dates de prélèvement pour éviter les incidents de paiements. Céline Mazier, la conseillère, est rassurante : "Ce n'est pas la catastrophe, il faut qu'on stoppe l'hémorragie, mais c'est bien parce que là, vous réagissez maintenant avant d'envisager la fameuse déclaration de surendettement. Donc on va stratégiquement bien mettre en place les remboursements de créances. Et puis après, c'est aussi vous guider, apprendre à faire de l'épargne de précaution, justement, si le frigo tombe en panne, s'il y a un pépin avec la voiture. Je vais vous accompagner, vous suivre, on régularise tout ça, ça prend du temps. Ne doutez pas de vous." L'accompagnement va durer aussi longtemps que nécessaire. Il est confidentiel et totalement gratuit.

Traquer les abonnements oubliés

L'inflation n'est pas la cause première des difficultés financières de ces ménages, mais elle les fragilise un peu plus. Au départ, il y a souvent une perte d'emploi, un divorce, une maladie, un passage à la retraite. Seule certitude : les dépenses contraintes - loyer, électricité, gaz, carburants - prennent de plus en plus de place dans le budget. Alors la conseillère traque les "faux frais" : "Il y a les moyens de gratter sur des forfaits mobiles qui peuvent être de 80 euros, en avoir un qui peut être dans les 15 euros par mois avec un accès illimité à Internet, SMS, etc. Des assurances aussi. Alors je prends un mobile, je prends une assurance anti-casse. Le mobile, ça fait déjà trois ans que je ne l'ai plus, mais ça fait trois ans que je paye 6,10 euros par mois d'assurance pour un mobile qui n'existe plus."

Si ces abonnements sont parfois oubliés, le tout-numérique porte une part de responsabilité estime Céline Mazier : "Les relevés bancaires, on les recevait avant en version papier, ça permettait de pointer. C'est vrai que les applications via les téléphones, c'est sympa, mais je trouve qu'il y a moins de vigilance. Je vais dans ma dépense sans forcément prendre le temps de me dire, 'mince, j'ai tel prélèvement qui va arriver dans deux, trois jours et là, ça va coincer'."

"On est un peu à l'ancienne, parfois, dans les Points conseil budget. On reprend le budget version tableau, on repointe les ressources, les dépenses pour pouvoir analyser une dépense."

Céline Mazier

à franceinfo

L'an dernier le Point conseil budget du Mans a accompagné 180 familles. Certaines arrivent par le bouche à oreille mais la plupart sont orientées par des partenaires, comme le principal bailleur social de l'agglomération. Julie Salmon, responsable du service contentieux du Mans Métropole Habitat, salue son action : "On a pu constater qu'ils font vraiment un travail de fond. Je pense au cas d'un monsieur avec des ressources satisfaisantes qui lui permettraient de payer son loyer, mais qui avait pris pour habitude de demander régulièrement des acomptes sur salaire à son employeur et quand le salaire résiduel tombait à la fin du mois, il n'était plus en mesure de payer le loyer. Et donc là, poursuit Julie Salmon. le Point conseil budget l'a aidé à réduire progressivement le montant des acomptes. Et dernièrement, ce locataire nous a appelés. Il était très fier : 'Je suis en mesure de payer mon loyer et même je souhaite mettre en place un plan d'apurement pour apurer ma dette'". Au final, le bailleur a récupéré les loyers. Le locataire a évité une procédure à son encontre et retrouvé la maîtrise de son budget.

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