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Les salariés de la fonderie SAM en lutte pour trouver un repreneur : "Renault a droit de vie ou de mort sur des territoires"

La Société aveyronnaise de métallurgie (SAM), sous-traitant de Renault pour des pièces en aluminium, a vu sa production délocalisée en Roumanie. Une manifestation de salariés est prévue devant le ministère de l'Économie mercredi. Reportage à Decazeville, dans l'usine occupée depuis fin novembre.

Article rédigé par Raphaël Ebenstein
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Plusieurs salariés de la Société aveyronnaise de métallurgie dans l'usine qu'ils occupent depuis 48 jours pour protester contre la délocalisation de l'activité décidée par Renault. (RAPHAEL EBENSTEIN / RADIO FRANCE)

Environ 200 salariés, sur les 350 de la Société aveyronnaise de la métallurgie (SAM), sous-traitant de Renault pour des pièces en aluminium, à Decazeville dans l'Aveyron, se relaient au quotidien sur leurs horaires habituels de travail pour occuper l'usine depuis la liquidation judiciaire prononcée le 26 novembre dernier.

Il y a donc des équipes de jour et de nuit, et des repas pris en commun grâce aux dons de nourriture de commerçants ou de simples habitants. "Il y a le café qui est donné, les galettes des rois, on a eu des bûches aussi pour Noël, liste Joris, l'un des représentants du personnel, il s'occupe de l'organisation. On a eu du pain d'un monsieur qui fait du pain dans un four artisanal, il y a aussi des salariés qui se proposent de faire à manger. Demain, c'est une salariée qui se propose de faire de la blanquette de poisson. Zine a fait du couscous vendredi dernier."

Zine, c'est l'un de ces salariés de la fonderie Sam. Il a 56 ans, une longue vie professionnelle derrière lui, y compris, jadis, à l'usine Renault de Flins en région parisienne. Mais il n'avait jamais vécu une telle solidarité : "Maintenant on n'est plus des collègues, on est des amis. Et en 48 jours d'occupation, on est devenu une famille. Le jour où ça va s'arrêter, et où on devra se dire adieu, je pense qu'il y aura des larmes et ça fera mal."

200 salariés mobilisés seront à Paris mercredi 12 janvier à la mi-journée, devant le siège du ministère de l'Économie à Bercy. Ils promettent de faire du bruit pour attirer des candidats à la présidentielle. Certains devraient d'ailleurs être présents à la manifestation. Les salariés pourraient devenir un symbole de la campagne présidentielle, comme les salariés de Whirlpool à Amiens en 2017. 

L'un des panneaux installés par les salariés de la Société aveyronnaise de métallurgie sur la façade de l'usine qu'ils occupent. On y lit l'histoire de Lilian, employé depuis 32 ans : "32 ans d'une vie jetés comme un vulgaire mouchoir". (RAPHAEL EBENSTEIN / RADIO FRANCE)


En attendant, ce sont ces repas collectifs, ces parties de cartes l'après-midi, toutes les discussions autour d'un café qui rythment les journées. Une sorte de thérapie de groupe, admet Didier, qui travaillait au bureau d'études de la Sam depuis 22 ans : "L'atelier mécanique s'est reconstruit en atelier psychologique où tout le monde va trouver du réconfort, explique-t-il. Ça nous aide à avancer et surtout à tenir le coup".

Alerter sur la question de la réindustrialisation

Mais il y a aussi des coups de mou, parfois quelques larmes surtout depuis que les salariés ont officiellement reçu leur lettre de licenciement. Depuis, les revendications ont changé. Ils veulent au moins des indemnités supplémentaires que Renault, leur seul client, refuse pour l'instant de verser. Mais, au-delà, ils veulent aussi alerter la classe politique alors qu'il est beaucoup question de réindustrialisation de la France dans la campagne présidentielle. 

"Renault a droit de vie ou de mort sur des territoires, fustige David Gistau, l'un des délégués CGT de la SAM. La production des pièces en alluminium a été délocalisée en Roumanie. C'est totalement inacceptable que ça puisse se passer ainsi sans que le gouvernement ou le chef de État ne puissent dire 'attendez, nous, on est actionnaires à 15% donc on peut imposer que les choix soient différents'."

Des pancartes de mobilisation des salariés de la Société aveyronnaise de métallurgie dans l'usine occupée. (RAPHAEL EBENSTEIN / RADIO FRANCE)


Le maire et président de la communauté de communes de Decazeville, François Marty, fait aussi les comptes : "Un emploi industriel, c'est 3 ou 4 emplois indirects, donc sur les années à venir ce sont à peu près 1 000 emplois qui vont disparaître". D'autant que le territoire a déjà perdu la moitié de ses habitants en quelques décennies après la fermeture des mines et de la sidérurgie. "On était en train de rebâtir quelque chose, on avait beaucoup travaillé sur l'attractivité du territoire, ajoute l'élu. Ça, c'est un coup de massue terrible."

Imaginer des reprises "par des locaux"

Conscient de cet impact, le gouvernement a nommé il y a un mois un chargé de mission dédié au dossier de la SAM. De quoi espérer un avenir pour le site et pour les 350 salariés licenciés ? François Marty l'espère : "La mission du ministre de l'Industrie, c'est une bonne chose si elle permet d'accélérer les projets qui existent ici et qui sont menés par des locaux." Et parmi les pistes, il y a par exemple un projet de fabrication de batteries à base de matériaux recyclés, porté par une entreprise aveyronnaise.

"Les reconversions passées ont été un échec parce qu'on allait chercher des chercheurs de subventions. Là ce sont des gens du coin qui ont envie de réussir devant leurs pairs."

François Marty, maire de Decazeville

à franceinfo

Quant aux possibilités de diversification de la SAM, elles sont presque illimitées, estime David Gistau, l'élu CGT : "On est en capacité, demain, de fabriquer des pièces pour l'aéronautique, le bâtiment, le médical... On a de multiples compétences". "D'ailleurs, fut un temps on travaillait pour plusieurs centaines de clients différents", rappelle-t-il.

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