Cet article date de plus de trois ans.

"On essaye d'être là pour les autres" : comment les prêtres ont vécu une année de Covid-19 ?

Alors que les fêtes de Pâques débutent vendredi, franceinfo est allé recueillir la parole des prêtres sur la pandémie. Reportage en Alsace, une région particulièrement touchée par le coronavirus.

Article rédigé par franceinfo, Valentin Dunate
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le père Marc Schmitt avant une messe à Roderen dans le Haut-Rhin. (VALENTIN DUNATE / RADIO FRANCE)

Pour recueillir la parole des prêtres sur l'épidémie de Covid-19, nous avons commencé par une messe à Hochfelden, un petit village entre Strasbourg et Saverne. L’église est l’un des derniers lieux en France où l’on peut encore se retrouver, partager des émotions légalement. Évidemment, les paroissiens portent le masque, ils sont tous séparés de plusieurs mètres. Une scène qui tranche avec 2020 où toutes les églises étaient fermées ; les mariages ou les baptêmes annulés.

En Alsace comme ailleurs, il ne restait plus que les funérailles, célébrées dans les cimetières avec un nombre très limité de personnes et cela a beaucoup marqué les prêtres comme le père Olivier Miesh, curé de cette communauté de paroisses qui avait face à lui des familles très affectées. "Ce virus leur a volé les derniers instants d'un très proche, raconte Olivier Miesh. Je leur proposais souvent, quand les règles s’assoupliront, de pouvoir de nouveau se retrouver pour célébrer ensemble mais ce n’est plus pareil. Pour l'avoir vécu dans le deuxième temps, ce qui a été perdu a été perdu. Un mariage ou un baptême reporté, tout ça, tu peux le refixer et refaire la fête. Sauf que ce que les familles en deuil ont perdu, tu ne peux pas leur rendre. Certains vivent ça encore douloureusement aujourd'hui, des semaines ou des mois après."

Le père Olivier Miesch à Roderen (Bas-Rhin), curé de la communauté de paroisses "au coeur de la Zorn". (VALENTIN DUNATE / RADIO FRANCE)

Masquer ses émotions 

La question qui se pose est de savoir comment les prêtres, eux, ont géré cette situation. Et la réponse n’est pas si facile à obtenir. Le père Damien Moglo est prêtre dans la communauté de Paroisses d’Ensisheim, pas très loin de Mulhouse où l’épidémie flambait en 2020. Il a dû célébrer deux fois plus de funérailles. Je lui ai donc demandé comment il gérait ça ? Il répond tout d’abord par un rire, qui masque de réelles émotions : "La pastorale est une école où on apprend à cueillir et à recevoir, explique le prêtre Damien Moglo. Ce n'était pas facile mais ça nous a fortifiés. Cela nous a aussi aidés à mûrir et de voir que malgré les mots sécularisation, déchristianisation, les familles avaient recours aux prêtres. C'est rassurant."

Le père Damien Moglo à Ensisheim (Haut-Rhin). Il est curé de la communauté de Paroisses de Saint Fidèle sur Ill et Thur. 
 (VALENTIN DUNATE / RADIO FRANCE)

Quand on lui demande pourquoi un prêtre ne se plaint pas ? Le père Moglo rigole encore et répond : "Vous n'avez peut être pas eu la chance de tomber au moment où l'on se plaint. Nous donnons l'espérance. Si nous n'avons plus l'espérance à partager, ce serait dommage." Un prêtre comme un psychologue ou un médecin, confronté à des drames, est comme formé à ne pas montrer ses émotions.

Cacher sa souffrance

Mais certains prêtres ont bel et bien craqué. Nous avons dû insister pour le savoir. "Ça ne se dit pas", nous explique le chanoine Marc Shmitt, prêtre dans la communauté de Paroisses de Thann. Nous l’avons retrouvé avant la messe à Roderen, petit village à une demi-heure de Mulhouse. Il est également vicaire épiscopale, c’est le relais de l’évêque dans sa région diocésaine qui compte 80 prêtres. "On a eu, c’est vrai, des confrères qui se sont effondrés, reconnaît Marc Shmitt, qui disaient : 'Je quitte ma paroisse, je n'en peux plus, je ne sais plus comment faire.'"

Nous sommes plutôt des gens qui ne sont pas trop habitués à crier sous les toits qu'on ne va pas bien.

Marc Shmitt

à franceinfo

"C'est vrai, on essaye d'être là pour les autres, poursuit Marc Shmitt. On prend des nouvelles. Éventuellement, s'il faut faire appel à un psychologue, pourquoi pas. Ça ne se dit pas trop parce qu'on n'est pas là pour en faire la publicité. Mais je crois qu'aujourd'hui, il n'y a pas d'opposition entre les sciences humaines et la spiritualité." Pas facile en effet de porter l’espérance sur ses épaules en ce moment mais comme le dit le père Damien Moglo (et à vrai dire, ça vaut pour nous tous) : "La victoire est au bout de la persévérance !"

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.