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"On ne sait jamais si l'enfant aura un accompagnement" : à l'heure de la rentrée scolaire, les difficultés de l'école inclusive

La prise en charge adaptée des élèves en situation de handicap, souffrant de troubles de l'apprentissage ou du comportement, par l'Éducation nationale reste un parcours du combattant pour les familles et les enseignants.
Article rédigé par franceinfo, Stéphane Pair
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Plus de 436 000 élèves sont en situation de handicap ou souffrent de troubles de l'apprentissage ou du comportement, selon les chiffres de l’Éducation nationale, le 2 septembre 2022. (Photo d'illustration). (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

Parmi les quelque 12 millions d’élèves revenus en cours, lundi 4 septembre, plus de 436 000 sont en situation de handicap ou souffrent de troubles de l'apprentissage ou du comportement, selon les chiffres de l’Éducation nationale. Pour eux, leurs familles et leurs enseignants, la rentrée s'avère souvent beaucoup plus compliquée

Simone vit dans le Val-d'Oise avec Frédéric, son fils de 15 ans. Malgré un gros handicap à l'écrit, il n'a jamais décroché et entre désormais en lycée professionnel. Il a été diagnostiqué “multi-dys” dès l’école primaire : dysphonie, dyslexie, dysorthographie et de gros problèmes de concentration.

"À l'écrit, je suis presque sûr que je ferais des fautes même si je faisais tous les efforts du monde."

Frédéric, 15 ans, diagnostiqué "multi-dys"

à franceinfo

"L'apprentissage et la parole, ce n'est pas un problème, je peux y arriver, souligne Frédéric. Mais l'écriture, je suis presque sûr que je ferais des fautes même si je faisais tous les efforts du monde. Le dire à d'autres personnes, ça me stresse un peu. C'est un peu honteux. Je ne voulais vraiment ne plus aller au collège à cause de ça." 

Se battre pour mettre en place un accompagnement

Dans son nouveau lycée, Frédéric va bénéficier d’un plan d’accompagnement personnalisé (un "PAP"), validé par un médecin scolaire et le chef d’établissement. Ce plan est devenu une obsession pour Simone. Pour l'imposer, cette mère a dû insister auprès des enseignants pour s’assurer qu’ils allaient bien mettre en place l’accompagnement obligatoire pour son fils.

"Tout de suite, dès le premier jour, j'y vais. Je fais la visite du matin. Je rentre dans la classe et la première chose que je fais, c'est lever la main pour dire que mon fils est dyslexique et demander quand on peut prendre un rendez-vous pour un "PAP". Parce qu'on n'a plus de temps à perdre. Ni lui, ni eux, ni moi. Si on ne peut pas avoir le rendez-vous rapidement, on va le laisser galérer, ramer et on ne prendra jamais en compte ses difficultés. Si nous, parents, on ne bataille pas pour que nos enfants s'en sortent, ce n'est pas l'Éducation nationale qui va nous aider." 

Le manque de confiance en l'Éducation nationale

À chaque rentrée, beaucoup de familles de "dys", d’handicapés moteurs ou encore d’autistes parlent de leurs difficultés. Ils se découragent, fatigués de s’énerver contre l’institution, le manque objectif d'accompagnateurs spécialisés, les AESH, qui aident leurs enfants en classe mais restent sous-payés, autour de 800 euros net par mois.

Les parents doivent aussi négocier avec certains - une minorité - de profs qui contestent le modèle inclusif et ne veulent pas s'adapter. En mai dernier, Goergio Loiseau, un élu local, a même fait une grève de la faim pour son fils autiste de 11 ans menacé d’être déscolarisé lors de cette rentrée. Il a gagné son bras de fer, son fils fait sa rentrée en institut médico-éducatif. Goergio Loiseau a reçu énormément de retours de parents dans la même galère.

"La rentrée scolaire est toujours synonyme d'inquiétude pour les parents, les aidants que nous sommes, puisqu'à chaque fois, on ne sait jamais si l'enfant aura un accompagnement, explique cet élu. Je pense qu'on a créé un vrai problème en décrétant que l'école sera à 100% inclusive. Moi, je pense que c'est une sinistre blague. C'est quand même méconnaître toutes les difficultés que cela peut engendrer notamment pour les plus lourdement handicapés. Je pense que le corps enseignant commence à être grandement inquiet et il a raison de l'être."

Des enseignants trop peu formés

Les chiffres le montrent : il y a de plus en plus d’élèves à inclure. Il y aurait désormais près de 8% d’élèves souffrant de troubles sévères de l’apprentissage par classe. Face à cette situation, les enseignants ne sont pas armés. Les formations, initiale et continue, sont clairement insuffisantes. L’an dernier, par exemple, seulement 2 000 enseignants ont bénéficié des formations handicap sur mesure du Centre de formation spécialisé de l’Éducation nationale.

Marie, une professeure référente handicap dans le Val d’Oise, témoigne du désarroi de ses collègues. "Est-ce que je vais avoir les informations nécessaires, qui me permettent de savoir dans quel sens je vais adapter mon enseignement ? Est-ce que les parents vont être plutôt partenaires ou dans une forme de demande agressive ? Est-ce qu'ils auront, ou pas, une AESH, comme c'est leur droit ? Voilà beaucoup de questionnements que l'on découvre à la rentrée", liste cette enseignante.

"Les enseignants sont empêchés de pouvoir emmener un élève en situation de handicap à la réussite."

Laetitia Aresu, du syndicat SGEN-CFDT

à franceinfo

Le lycée professionnel de Marie est classé ULIS, donc prioritaire pour l’inclusion. Pourtant, il y manque quatre postes d’accompagnants sur les cinq nécessaires. Ce manque de moyens enrage bon nombre de professeurs volontaires et bienveillants à l’égard des enfants handicapés, comme Laetitia Aresu, du syndicat SGEN-CFDT. "L'école inclusive, ou du moins certaines situations, génèrent de la souffrance au travail. Donc les enseignants ont un sentiment d'échec professionnel et n'arrivent pas à travailler sereinement. Ils sont empêchés de pouvoir emmener un élève en situation de handicap à la réussite."

L’objectif d’une école "toujours plus inclusive", c’est l’un des grands totems du gouvernement actuel. En avril, Emmanuel Macron a parlé du lancement officiel de l’acte II de l’école inclusive. Sur le terrain, enseignants et parents n’ont pas du tout le même ressenti. Ils bricolent comme ils peuvent des solutions au quotidien.

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