Présidentielle 2022 : Éric Zemmour, de polémiste à homme politique au temps de parole décompté
Des plateaux de télévision à l’Élysée, Éric Zemmour s’apprête à franchir le pas et veut faire de son livre qui paraîtra la semaine prochaine sa rampe de lancement vers l'élection présidentielle. Mais comment devient-on un homme politique quand on a passé 30 ans à la chroniquer ?
Encore éditorialiste, Éric Zemmour, est également dorénavant considéré comme une personnalité politique. Le CSA l’a annoncé mercredi 8 septembre dans la soirée : son temps de parole sera désormais décompté. Éric Zemmour peut garder son émission d’une heure chaque soir sur CNews, mais la chaîne devra équilibrer son temps de parole, avec d’autres responsables politiques.
Le député écologiste Matthieu Orphelin fait partie de ceux qui avaient saisi le CSA. Il pointe ce qui est, selon lui, un autre problème : "Là on reste dans une situation de zone grise, par exemple, sur les comptes de campagne. Faut-il compter la production de ses émissions ou le salaire de M. Zemmour comme des apports d’une personne morale à une campagne présidentielle ce qui est, évidemment, formellement interdit ?" En clair, cela veut dire que, pour le député, les salaires d'Éric Zemmour peuvent s'apparenter à un financement de campagne par une entreprise. Matthieu Orphelin a saisi mercredi la commission des comptes de campagne.
"On instrumentalise les médias et tout le monde tombe dans le panneau"
La décision du CSA est un premier obstacle dans la stratégie d’Éric Zemmour. "Une campagne qui ne dit pas son nom", siffle l'un de ses proches. Parce que jusqu’ici, le polémiste jouait sur l’ambiguïté, mi-campagne de promotion de son livre, mi-campagne électorale. Au programme, dès ce week-end, les bonnes feuilles de son livre au Figaro Magazine, une émission de télévision, la semaine prochaine au moins deux matinales radio, puis une émission dominicale… Une tournée, aussi : le palais des congrès de Toulon, puis celui de Nice la semaine prochaine. Une presque candidature qui intrigue avec des pleines pages à peu près partout dans la presse jusqu’au quotidien L’Humanité mercredi encore. Un des amis du polémiste se frotte les mains : "On instrumentalise les médias et tout le monde tombe dans le panneau !"
Une drôle de campagne peut-être mais la candidature semble bel et bien actée. "La question n’est plus de savoir s’il va y aller, mais quand", admet un interlocuteur régulier d’Éric Zemmour qui évoque une déclaration de candidature pour le mois d’octobre. À voir si la décision du CSA accélère les choses. On nous assure qu’une équipe de campagne se met en place mais le cœur du réacteur est encore caché, déclare Jean Messiha, ancien proche de Marine Le Pen et ami d’Éric Zemmour : "Il a autour de lui une base militante de plus en plus efficace, des cadres locaux. Il attire à lui beaucoup de gens mais c’est un iceberg qui reste immergé, on ne le voit pas."
"Je puis vous assurer que le moment venu, vous verrez qu’Éric Zemmour est loin, très loin, d’être seul."
Jean Messiha, ami d’Éric Zemmourà franceinfo
Pour l’instant, on retrouve seulement quelques piliers comme Sarah Knafo, Sciences Po, ENA, "une jeune femme brillante", décrit un interlocuteur qui la connaît bien. "Elle pense pouvoir sauver la France et surtout qu’on ne peut pas attendre", ajoute-t-il. C’est elle aujourd’hui qui coordonne un embryon d’équipe, quelques porte-paroles… Et puis surtout, Éric Zemmour possède un très important réseau : cela fait 30 ans que l'homme fréquente l’élite politique et économique française. Son entourage nous assure qu’il échange régulièrement avec des grands patrons. Mais il faudra des opérationnels, un directeur de campagne par exemple. Un habitué des élections à droite l’assure : "Il y a 10 personnes sur la place de Paris capables de mener une campagne présidentielle, et aucune des dix n’ira avec lui".
Opération séduction auprès des Républicains
Pour l’heure, Éric Zemmour ne peut pas s’appuyer sur un réseau politique mais ce dernier semble se construire. Ses soutiens démarchent à tout va, notamment chez Les Républicain, au Sénat par exemple, où au moins une dizaine d’élus a été contactée par ses équipes. Des contacts programmatiques dans un premier temps, tels ce sénateur spécialiste de la simplification, un élu qui travaille sur la francophonie ou cet autre, qui connaît sur le bout des doigts les affaires agricoles. "On nous a sondés, demandé des éclairages sur nos sujets", témoigne l’un d’eux. Une façon de tâter le terrain en vue d’éventuels ralliements. On évoque aussi une présentation du livre d’Éric Zemmour aux élus de droite. Une opération séduction qui inquiète et agace chez Les Républicains : "La réalité, assure un sénateur, c’est que la moitié d’entre nous est en accord avec lui".
Pour être candidat à l’Élysée, il faut avoir 500 parrainages d’élus et c’est le sujet d’inquiétude numéro un chez les soutiens d’Éric Zemmour. Une équipe s’est mise en place cet été pour aller sonner chez les maires de France. Le nombre de promesses de signature varie du simple au triple, selon l’interlocuteur : entre 50 et 150. D’autres épluchent les listes de parrainages des précédentes présidentielles, jusqu’à celle de la trotskyste Nathalie Arthaud. Enfin, plusieurs de ses proches l’affirment : Éric Zemmour pourrait faire appel à des prestataires extérieurs pour trouver les signatures manquantes, comme le font certains candidats. Une ultime preuve, s’il en fallait, de la détermination d’Éric Zemmour à concourir à l'élection présidentielle.
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