Présidentielle américaine 2024 : le droit à l'avortement au cœur de la campagne

Dans 46 jours, les Américains seront appelés à se choisir un nouveau président. Une élection qui pourrait se jouer entre un vote féminin, plutôt favorable à Kamala Harris, et un vote masculin, plus orienté vers Donald Trump.
Article rédigé par Claude Guibal
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
La candidate Kamala Harris en campagne pour la présidentielle américaine, le 20 septembre 2024. (SCOTT OLSON / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / VIA AFP)

Depuis 7 heures du matin, il est là, campé au bord de la route, des peluches à ses pieds. Comme chaque jour de la semaine avec son haut-parleur, Jason interpelle tous ceux qui s’approchent du petit bâtiment sans enseigne de l’autre côté du parking. "On est devant un centre de sacrifice des enfants à Atlanta… une clinique d’avortements", explique-t-il. Selon lui, "l’avortement est la première cause de mortalité aux États-Unis, et les gens l'ignorent !"

Jason veut empêcher les femmes d’avorter, c’est son occupation à plein temps, il est payé pour ça par son église et les mouvements anti-avortement. Dans la salle d’attente de la clinique cinq femmes attendent. Mais les journalistes sont reconduits vers la sortie, on cherche à rester discret. Le sujet est trop sensible en Géorgie où l’avortement est interdit après six semaines seulement de grossesse, à un moment où la plupart des femmes ignorent encore qu’elles sont enceintes. 

À l’autre bout d’Atlanta, dans le bureau de campagne de Kamala Harris, des bénévoles se préparent à aller à la rencontre des électeurs qu'ils cherchent à convaincre. Ils notent avec attention les arguments du médecin qui leur explique les conséquences de la loi restrictive passée en 2019. "Quand le spermatozoïde rencontre l’ovule ici, il rentre dans sa surface et lui injecte son contenu génétique. C’est la fertilisation. Selon la loi en Géorgie, c’est à ce moment précis où l’être humain est créé. Ça devient une personne. Et ça peut arriver dans l’heure qui suit  l’ovulation. Donc, quand ça se produit, selon les lois en Géorgie, cet organisme monocellulaire a les mêmes droits que vous ou moi ou n’importe qui".

"Comment Donald Trump ose-t-il se dire fier ?"

Jen Falk, une bénévole, se souvient de sa sidération lorsque la Cour suprême a invalidé en 2022 l'arrêt Roe vs Wade qui protégeait le droit à l'avortement. "Je ne voulais pas y croire, raconte-t-elle. J’ai pensé qu’à cause de cela, des femmes risquaient de mourir. Et c’est précisément ce qui s’est passé". Jen fait allusion à Amber Thurman, morte ici il y a deux ans, des suites des complications liées à la prise d'une pilule pour avorter. Une commission officielle vient d'estimer que son décès, "évitable", était dû à un délai trop long pour réaliser le curetage qui aurait pu a sauver mais que les médecins ont tardé à faire, par peur de poursuites.

Le droit à l'avortement a été fortement restreint depuis une décision prise par la Cour suprême en 2022, une cour remodelée par Donald Trump et la candidate démocrate, Kamala Harris, en meeting vendredi 20 septembre en Géorgie, s’est engagée à le défendre. Une Kamala Harris particulièrement combative qui a rappelé que depuis cette décision de la Cour suprême, plus d’une vingtaine d’États ont restreint ou interdit le droit à l’avortement.

"Une femme sur trois en Amérique vit dans un État où l'avortement est interdit à cause de Donald Trump, a-t-elle rappelé. Donald Trump, qui se dit fier d'avoir nommé les juges conservateurs qui ont permis le revirement de la plus haute cour américaine. Il s’en vante, il dit qu’il en fier ? Fier ? Que des femmes meurent ? Fier que des médecins et des infirmières aillent en prison pour avoir porté des soins ? Fier que les jeunes femmes d’aujourd’hui aient moins de droits que leurs mères et grands-mères ? Mais comment ose-t-il ?", s'indigne la candidate démocrate sous les applaudissements.

Or, alors que la compétition est extrêmement serrée, notamment ici en Géorgie où la dernière présidentielle s’est jouée à 12 000 voix, le droit à l’avortement est un facteur qui pourrait mobiliser les indécis. On l’a vu lors des élections de mi-mandat, qui ont eu lieu peu après l’invalidation par la Cour suprême de l’arrêt qui protégeait le droit à l’avortement, des votes ont permis aux démocrates de meilleurs résultats que prévus. Et c’est aussi pour cela que Donald Trump est beaucoup moins radical et lisible dans ces propos qu’il ne l’était sur l’avortement. Un exercice malgré tout difficile puisqu’il doit ménager en même temps son électorat ultraconservateur. Et Kamala Harris d'enfoncer le clou : "S'il est réélu président, Donald Trump ira encore plus loin", a assuré la démocrate.

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