Reportage
"Je me suis ouvert au monde" : dans le club de Berck-sur-Mer, la boccia est bien plus qu'un sport pour les licenciés en situation de handicap

Les Jeux paralympiques et le sacre d'Aurélie Aubert ont mis en lumière cette discipline et ses licenciés. Pour beaucoup de pratiquants vivant parfois avec des handicaps lourds, la boccia est bien plus qu'un sport.
Article rédigé par Benjamin Illy
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le club de boccia de Berck-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, s'est ouvert il y a un an et compte 4 licenciés. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

La boccia et "son p'tit truc en plus". La médaille d'or historique d'Aurélie Aubert aux Jeux paralympiques a mis un énorme coup de projecteur sur cette discipline qui s'apparente à la pétanque, avec plus de 3 000 licenciés en France qui vivent avec des handicaps très lourds. Alors que les médaillés de Paris 2024 sont mis à l'honneur, samedi 14 septembre, lors de la Parade des champions, reportage au club de boccia de Berck-sur-Mer dans le Pas-de-Calais.


Il a ramené un souvenir des Jeux paralympiques, une petite Phryge en porte-clés, accrochée à son fauteuil électrique. Il vit avec une IMC, une incapacité motrice cérébrale. Lui, c'est Jean-Christophe Tabary, 36 ans, président du club de boccia de Berck-sur-Mer, créé il y a un an et qui compte quatre licenciés pour l'instant. C'est un début, Jean-Christophe n'est pas inquiet pour l'avenir : "Petit à petit, on fait son nid". Il nous guide jusqu'à la salle prêtée par la ville pour les entraînements de boccia, qu'il faut partager avec le club de tir à l'arc.

Jean-Christophe Tabary, président du club de boccia de Berck-sur-Mer et champion de France en catégorie BC1. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Sur le chemin Jean-Christophe, glisse dans le micro qu'il est champion de France catégorie BC1, la même catégorie que la championne paralympique Aurélie Aubert. Il la connaît bien, il confie avec un peu de fierté dans la voix : "Je l'ai battue en finale des championnats de France !". Il garde le même sourire pour la féliciter pour son titre historique aux jeux de Paris 2024 : "J'espère que grâce à elle, des marques, des sponsors vont s'intéresser à la boccia". La discipline en a bien besoin. L'équipement, les treize balles et le sac pour les transporter coûtent environ 1 000 euros, et il faut aussi financer les déplacements pour les compétitions.

La boccia et "l'envie de se dépasser"

À l’intérieur de la salle d'entraînement, le match est serré avec en point de mire le "jack", une sorte de gros cochonnet blanc. Car la boccia s'apparente à la pétanque, "et aux échecs" ajoute Jean-Christophe. La stratégie est au cœur du jeu, il faut toujours avoir un coup d'avance sur l'adversaire. Parmi les membres du club il y a Isabelle, 34 ans. Elle se déplace en fauteuil électrique elle aussi. Son handicap fait qu'elle a du mal à parler. Alors pour exprimer le fond de sa pensée, elle a un petit cahier, avec des chiffres, des mots, pour énoncer ce qu'elle a en tête. Quand on lui demande ce que la boccia représente pour elle, sa première réponse est un immense sourire. Et puis elle prend son petit carnet et pose son doigt sur un mot, le mot "ami".

La boccia est un sport, mais aussi bien plus que ça pour ces personnes qui vivent avec des handicaps très lourds. "La boccia, c'est du bonheur, renchérit Jean-Christophe, l'envie de se dépasser, rencontrer du monde, ça m'a ouvert au monde." David, 53 ans, accroché à ses deux béquilles qui l'aident à tenir debout, est membre du club lui aussi : "C'est le sport adapté, il s'adapte à nous, on a des problèmes mais là, on peut vivre pleinement le sport, c'est ça la boccia !"

La boccia et "l'estime de soi"

Olivier Gréau est à la fois entraîneur, secrétaire du club et assistant pour les joueurs de boccia. Les assistants sont là pour aider les joueurs à stabiliser leur fauteuil ou leur donner les balles. Olivier Gréau travaille aussi depuis plus de 30 ans à l'établissement régional d'enseignement adapté de Berck-sur-Mer, qui accueille essentiellement des jeunes collégiens et lycéens en situation de handicap moteur. "Même si le côté physique de la boccia est relativement restreint, reconnaît Olivier Gréau, avec le fait de se concentrer, d'étudier l'adversaire, et ensuite d'aller en compétition et de performer, on a une estime de soi qui monte au sommet."

Avant de partir, tout le monde se réunit pour voir, une nouvelle fois, ces images d'Aurélie Aubert aux Jeux paralympiques, sa victoire et son émotion "qui a chamboulé tout le monde", dit Jean-Christophe. "Il y a eu une communion avec le public", ajoute David alors qu'il regarde Aurélie Aubert souffler sur la flamme pour l'éteindre lors de la cérémonie de clôture : "les médailles d'or paralympiques avaient la même saveur" que les médailles olympiques. Jean-Christophe espère que tout cela "va apporter beaucoup de choses à la boccia, grâce à Aurélie et on peut lui dire un très grand merci". La suite ? Los Angeles 2028 pour Jean-Christophe ? Il ne dit pas non : "ça pourrait être un objectif". Pouce en l'air du côté d'Isabelle, qui semble trouver que c'est une très bonne idée.

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