Témoignages
"Je ne lui fais sûrement pas confiance" : aux États-Unis, ces électeurs qui ont toujours voté républicain ne veulent plus de Donald Trump

L'élection présidentielle s'annonce si serrée que les deux candidats tentent d’aller chercher les indécis jusque dans le camp opposé.
Article rédigé par Sébastien Paour
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Des électeurs républicains opposés à Donald Trump devant le Hall of Independence à Philadelphie, là où a été signée la déclaration d’Indépendance et adoptée la Constitution américaine. (SEBASTIEN PAOUR / FRANCEINFO)

Aux États-Unis, certains électeurs voteront démocrate pour la première fois le 5 novembre prochain. L'issue de l'élection présidentielle est très incertaine. Le scrutin va notamment se jouer dans les États pivots, ces États qui peuvent basculer côté démocrate ou côté républicain, les "swing States" que sont l'Arizona, le Nevada, la Géorgie, le Michigan, le Wisconsin, la Caroline du Nord et la Pennsylvanie. Et pour convaincre le plus d’électeurs possible, les soutiens de Kamala Harris se tournent vers d’anciens électeurs de Donald Trump qui appellent désormais à voter démocrate.

C’est une initiative de la stratège conservatrice Sarah Longwell. Elle a monté "Republican Voters Against Trump", "les électeurs républicains contre Trump", financé par un comité d’action politique qui a dépensé plus de 10 millions de dollars pour faire une tournée en car en Pennsylvanie et dans le Michigan, deux des États-clés avec une vingtaine de ces républicains qui ne veulent pas voir le 45e président devenir le 47e.

"Il nous a pratiquement laissés tomber"

C’est le cas de Kyle Sweetser, 35 ans, il vit à Mobile, en Alabama, tout au sud du pays et a son entreprise de construction. Il a voté Trump en 2016 puis à nouveau en 2020, mais "en se bouchant le nez", comme il dit. Il va voter Harris la semaine prochaine et pourtant il est un pur républicain : "Je viens d'une famille, d'un milieu, d'une région, d'un mode de vie républicain. Je vis au bord d'un chemin de terre que le gouvernement n'entretient pas et dont je dois m’occuper avec mon propre matériel, dit-il. J’ai des armes. J'en ai des tas, plus d'armes que de membres de ma famille ! Mes enfants sont scolarisés à la maison, en plus de ça. Donc, je vis vraiment comme un conservateur. Et si vous regardez le bilan de Trump sur ce qui serait considéré comme républicain, il nous a pratiquement laissés tomber." Et à force de dire tout haut ses convictions, Kyle Sweetser reçoit des menaces de mort, notamment sur le téléphone portable de sa femme.

"En matière de politique étrangère, économique et commerciale. Ce n'est pas un conservateur, ce n'est pas un républicain."

Kyle Sweetser, républicain de conviction qui va voter démocrate

à franceinfo

Autre profil, très loin du mode de vie de Kyle, celui de Jennifer Weinstein, avocate new-yorkaise de 60 ans, comme Kamala Harris. Elle aussi a voté Trump en 2016, mais Biden en 2020, à cause de la xénophobie de l'ancien président. "J'ai fait du porte-à-porte en Pennsylvanie, et je pense que ses partisans sont racistes, affirme-t-elle. On revient toujours à une histoire de collusion, il n'y a rien de tangible. Je vais voter pour Kamala Harris. Je dois être honnête : je ne sais pas si je lui fais confiance à 100 %. Mais je ne fais sûrement pas confiance à Donald Trump."

Le choc de l'assaut du Capitole

Beaucoup de ces républicains qui ne voteront plus Donald Trump assurent que c’est l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021 qui a été un tournant. Cet évènement a été littéralement insupportable pour Dave McHenry, 64 ans, qui vit lui à St Louis, dans le Missouri. Il a passé 23 ans dans l’armée avant de mettre son expertise en sécurité au service d’une entreprise de l’aérospatiale. Il a voté républicain depuis Reagan, Trump en 2016 et 2020. "J'ai prêté serment de soutenir la Constitution des États-Unis, en tant que sous-officier, contre tous les ennemis, qu'ils soient étrangers ou nationaux. Trump, le 6 janvier, a montré qu'il était une menace pour ma Constitution", assure le vétéran.

"Il est une menace existentielle pour ce pays"

Dave McHenry, ancien soldat américain

à franceinfo

Beaucoup de ces républicains qui veulent faire barrage à l'ancien président disent leur désarroi face à l’emprise du camp "Maga" ("Make America great again", "rendre sa grandeur à l’Amérique") de Trump sur le parti. Ils évoquent également les conséquences sur leur famille, où on ne se parle plus, ou alors plus de politique.

C’est le cas de Rebecca Foster et de sa mère. Rebecca travaille pour le bureau du procureur dans le comté de Nassau, dans le nord de la Floride. Ses trois enfants sont adultes et elle attend maintenant deux choses : de pouvoir quitter son comté très républicain et que le parti se reconstruise. "Le parti républicain a beaucoup plus de problèmes que juste Donald Trump. Il faudrait qu’une grosse partie de leur système de valeurs évolue pour que je vote de nouveau à leur côté. Pour moi, on ne doit pas se marcher dessus pour réussir, explique-t-elle. Tant que ce type d'idéologie n'aura pas disparu de leur parti, je serai probablement une démocrate. Ou une progressiste qui vote avec les démocrates." Rebecca votera donc Harris mardi prochain, pour que Trump perde et pour que le parti républicain, traditionnel modéré, puisse entamer sa reconstruction.

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