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Investiture de Joe Biden : qu'attendent le Mexique, Cuba et le Canada du nouveau président des États-Unis ?

Dans le Club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Cette semaine, direction Mexico, La Havane et Ottawa pour voir comment ces pays liés historiquement et géographiquement aux États-Unis appréhende le mandat du nouveau président démocrate.

Article rédigé par franceinfo - Emmanuelle Steels, Domitille Piron, Hélène Jouan. Edité par Valentine Joubin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8min
Des Mexicains manifestent pour demander au nouveau président américain Joe Biden de régulariser les travailleurs agricoles méxicains, en décembre 2020, à Tijuana (Mexique). (GUILLERMO ARIAS / AFP)

Il y a quatre ans, lors de son discours d'investiture Donald Trump avait affirmé les tendances isolationnistes de sa politique étrangère qu'il n'a eu de cesse de confirmer tout au long de son mandat. Joe Biden, qui devient, mercredi 20 janvier, le 46e président des États-Unis va-t-il changer radicalement de diplomatie ? Son arrivée à la maison blanche suscite espoirs et inquiétudes chez les voisins mexicains, cubains et canadiens.

Le président mexicain ne veut surtout pas d'ingérence américaine

Le Mexique a été le voisin maltraité par Donald Trump au cours de ces quatre années. La liste des affronts est longue, à commencer par le mur sur la frontière que le président américain avait promis de faire payer au voisin du sud et les menaces de taxes commerciales si le Mexique ne refoulait pas les caravanes de migrants. En général, les responsables politiques mexicains ont beaucoup plus d’affinités et sont plus enclins à coopérer avec des présidents démocrates. Et pourtant, le président mexicain Andrés Manuel López Obrador a envoyé beaucoup de signaux montrant qu’il redoutait l’arrivée à la présidence de Joe Biden.

AMLO, comme le surnomment les Mexicains, avait forgé une très bonne relation avec Trump au cours de sa dernière année à la Maison Blanche. Il semble même entretenir une étrange loyauté envers le président américain sortant. Il lui a rendu visite à la Maison Blanche en pleine campagne présidentielle, sans même daigner rencontrer Joe Biden. Il a tardé près d’un mois et demi à reconnaître la victoire de celui-ci sous prétexte qu’il ne voulait pas s’immiscer dans le processus électoral. Et lorsque le président mexicain a finalement appelé le démocrate pour le féliciter, il a commencé par faire l’éloge de Trump, de l’excellente relation qu’ils entretenaient et du respect de la souveraineté du Mexique. Car telle est la clé de leur entente : López Obrador est un président nationaliste et obsédé par l’idée de souveraineté et il a beaucoup apprécié le fait que Trump ne s’immisce pas dans les affaires du Mexique.

Pour les mêmes raisons qui expliquent son estime pour Trump, AMLO manifeste une certaine appréhension envers Joe Biden. Sur les questions migratoires, le président mexicain et son nouvel homologue devraient s’entendre. Mais traditionnellement, les démocrates ont une attitude plus interventionniste, ils dénoncent les violations des droits de l’homme et s’immiscent dans les politiques énergétiques, environnementales et veulent davantage de coopération dans le domaine sécuritaire, dans la lutte contre le crime organisé. Ce n’est pas du goût de López Obrador, qui vient d’ailleurs de faire passer une loi express pour limiter la marge de manœuvre des agents américains en territoire mexicain. C’est un message envoyé à l’administration démocrate de Joe Biden : au Mexique, ce sont les Mexicains qui font la loi.

À Cuba, l'espoir d'une fin des sanctions

Un autre voisin observe avec beaucoup d’intérêt l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche : l’île de Cuba. Les Cubains s’attendent évidemment à un changement de ton dans les relations bilatérales et rappellent que la politique adoptée par Donald Trump a été un échec. Plus de 200 sanctions sont tombées contre Cuba en quatre ans de mandat Trump, a rappelé le gouvernement cubain ces derniers jours, une politique "méprisable et inhumaine" selon le président Miguel Diaz-Canel, qui parle d’un "héritage honteux". À demi-mot, le gouvernement cubain fait comprendre qu’il espère un retour de la politique de rapprochement initiée par Barack Obama et que Donald Trump a cherché, durant tout son mandat, à défaire, portant un coup dur à l’économie de l’île.

L’économie cubaine est en grande difficulté, en partie à cause des sanctions imposées par Donald Trump. Les Cubains espèrent donc bien évidemment que Joe Biden revienne rapidement dessus. L’économie cubaine a été littéralement asphyxiée par ces sanctions, avec l’interdiction des voyages sur l’île pour de nombreux américains, la suspension des vols charters et commerciaux directs sauf vers la capitale, l’interdiction d’escale à Cuba pour les croisières américaines et les nombreuses barrières visant à empêcher l’envoie de fonds des familles à l’étranger. Un retour en arrière sur ces mesures envers la Havane fait partie des premières décisions que Joe Biden pourraient adopter. Le nouveau président en avait fait une promesse de campagne et c’est bien ce qu’espèrent les Cubains. Tout comme ils espèrent être rapidement retirés de la liste américaine des États qui parrainent le terrorisme et à laquelle Donald Trump les a ajoutés la semaine dernière, juste avant son départ.

À Cuba, l’arrivée de Joe Biden est tout de même prise avec une certaine distance et sans grand enthousiasme. La Havane se dit prête à dialoguer et les récentes réformes économiques prouvent une disposition au changement. Le président Diaz-Canel a tout de même rappelé que "Cuba ne cédera ni ne négociera sur la Révolution ou le socialisme". Et ce sera sans aucun doute à Joe Biden de faire le premier pas pour rétablir des relations pacifiées.

Le Canada attend un allié plus sûr et prévisible

Le grand voisin canadien regarde également avec une attention toute particulière l’arrivée du nouveau président américain. En ce jour d’investiture, nul besoin de trop tendre l’oreille pour entendre le "ouf" de soulagement poussé par Ottawa. Il faut dire que pendant quatre ans, l’atmosphère a été tumultueuse entre Donald Trump et le premier ministre canadien, à coups de tweets "trumpiens" dégainés contre Justin Trudeau. La relation historiquement symbiotique entre les alliés en a été abîmée, même si c’est sous l’administration Trump qu’un nouveau traité de libre-échange a été conclu, et même si les économies des deux pays restent étroitement imbriquées.

La philosophie politique de Joe Biden, qui a promis entre autre de réintégrer l’Accord de Paris sur le climat, est plus en accord avec le multilatéralisme défendu par Justin Trudeau. La vice-présidente Kamala Harris a passé quelques années de sa jeunesse ici à Montréal, ça compte. Le Canada espère retrouver un allié plus sûr et prévisible. Mais ce n’est pas non plus un ciel sans nuages, car tout juste investi, Joe Biden pourrait annuler l’expansion de l’oléoduc Keystone XL, un pipe-line prévu pour transporter le pétrole bitumineux albertain vers les raffineries américaines du Golfe du Mexique. "Un désastre pour notre économie" a tonné le premier ministre de l’Alberta. Justin Trudeau a hier réitéré son soutien au projet, espérant encore faire changer d’avis Joe Biden. Mais ce pipe-line pourrait bien être le premier "irritant " de la nouvelle relation Ottawa-Washington.

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