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Israël-Palestine : le conflit va-t-il s'étendre au reste du Proche-Orient ?

Le bilan ne cesse de s'alourdir en Israël et à Gaza, avec des milliers de morts de chaque côté. Israël vient de frapper à nouveau le sud du Liban mercredi, en riposte à des tirs de roquettes revendiqués par le Hezbollah. La crainte d'un embrasement de la région augmente avec la mobilisation de l'opinion publique dans les pays arabes voisins.
Article rédigé par franceinfo, Noé Pignède - Mohamed Errami, Édouard Dropsy
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8min
Des étudiants à Beyrouth brûlent des drapeaux israéliens lors d'un rassemblement de soutien aux Palestiniens devant l'université, le 9 octobre 2023. (ANWAR AMRO / AFP)

Au sud du Liban, la tension monte. Depuis mercredi matin, des échanges de tirs de missiles ont lieu entre Israël et le Hezbollah, qui revendique un grand nombre de morts et de blessés israéliens. Une réponse aux trois combattants de la milice chiite tués lundi 9 octobre dans des frappes israéliennes. Leurs tirs de roquettes restent pour l'instant sporadiques, ciblés, mais la situation est extrêmement inflammable.

Le Hezbollaha avait attaqué trois positions israéliennes avec des obus dès dimanche 8 octobre, le lendemain de l'attaque du Hamas sur le sol israélien, précisant avoir effectué ces tirs "en solidarité avec la résistance et le peuple palestiniens".

Invité sur franceinfo dimanche matin, David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’IRIS et spécialiste du Moyen-Orient a donné son analyse sur les risques de propagation : "C'est le vrai point d'interrogation qui suscite beaucoup d'inquiétudes côté israélien. [...] La question est déjà posée d'un deuxième front avec le Hezbollah, voire un troisième, au-delà du plateau du Golan, avec les milices, les mandataires pro-iraniens, qui sont du côté syrien".

Le Liban et ses camps palestiniens maintenus dans la misère

Au Liban, une nouvelle manifestation de soutien au Hamas a eu lieu mercredi 11 octobre à Beyrouth. Elle n'a rassemblé que quelques dizaines de personnes, mais les organisateurs promettent une manifestation plus massive vendredi en soutien au Hamas. L'organisation terroriste a appelé les opinions publiques de tous les pays arabes à se mobiliser. L'un des organisateurs est directeur de l'Association palestinienne pour les droits de l'homme : "Nous condamnons les attaques sur les civils des deux côtés, mais la communauté internationale ne s'intéresse qu'aux morts israéliens. Il y a aussi des victimes de l'autre côté. La plupart des morts civils dans la bande de Gaza sont des enfants. Nous leur demandons d'être objectifs et de nous traiter de façon égale. Et nous voulons les prévenir : si la communauté internationale ne met pas fin aux crimes d'Israël, la situation va devenir hors de contrôle. Le Hezbollah et les factions palestiniennes interviendront."

Au Liban, le soutien au Hamas contre Israël est particulièrement fort chez les 500 000 réfugiés palestiniens du Liban, exilés ici depuis la création de l’État d’Israël en 1948. Depuis tout ce temps, ils n’ont pratiquement aucun droit et vivent dans des camps insalubres. La plupart sont extrêmement pauvres, ils n’ont aucune perspective d’avenir. Tous sont donc maintenus dans l’espoir de rentrer un jour sur leurs terres en Palestine et, évidemment, soutiennent l’opération du Hamas. Les jeunes Palestiniens rencontrés dans les camps disent tous qu’ils veulent se joindre au combat.

Le pays en pleine crise économique redoute néanmoins une nouvelle guerre

Au sein de la population libanaise également, le soutien au Hamas est important. Israël est un ennemi historique du Liban, les deux pays sont d’ailleurs officiellement toujours en guerre. Ça se ressent notamment du côté des militants du Hezbollah, la puissante milice chiite soutenue par l’Iran, qui contrôle tout le sud du pays, où se trouve justement la frontière avec l’État hébreu.

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Pourtant, une grande partie des Libanais redoute l’ouverture d’un front entre Israël et le Liban. La plupart des gens ici détestent Israël et soutiennent la cause palestinienne, mais pas au point d’engager le Liban dans une nouvelle guerre contre l’État hébreu. Le sud du pays a été occupé par l’armée israélienne jusqu’en 2000. Puis la guerre de 2006 qui a fait 1 200 victimes civiles et a laissé de gros traumatismes dans la population. Donc beaucoup de Libanais redoutent un nouvel embrasement. Ils souffrent déjà énormément de la crise économique et politique qui ravage le pays depuis 2019 et savent qu’une nouvelle guerre serait dévastatrice pour le Liban.

En Jordanie, la question palestinienne fait l’unanimité 

En Jordanie, une grande partie de la population est favorable à la Palestine et de plus en plus de familles jordaniennes sortent dans les rues. Deux rassemblements ont eu lieu mardi 10 octobre au soir. Le premier au pied de la mosquée Al Hussein, en plein cœur du centre-ville d’Amman. Cette manifestation, qui a rassemblé des milliers de personnes, avait la particularité de dépasser les clivages politiques.

En plus du parti des Frères musulmans, allié du Hamas et majoritaire ici, on a pu croiser des Jordaniens se revendiquant du Parti nationaliste, et des membres du Parti de gauche sont venu grossir les rangs des manifestants. Des chants, des slogans en faveur de la Palestine se sont fait entendre durant près de deux heures, entonnés par des étudiants, mais surtout des femmes et des mères de familles. Le second rassemblement s’est tenu plus à l’ouest de la ville, à deux pas de l’ambassade israélienne de Jordanie. Les manifestants, cette fois, étaient moins nombreux car le périmètre était très quadrillé par les forces de l’ordre protégeant l’ambassade israélienne.

Lié par des contrats avec Israël, le gouvernement tempère en appelant à la désescalade

Le message des manifestants adressé au gouvernement était clair, ils veulent la fermeture de l’ambassade israélienne de Jordanie et la fin de toute relation avec le pays voisin. Mais il faut savoir que la Jordanie achète l’eau, l’electricité et le gaz à son voisin Israël. Certains manifestants ont ajouté vouloir une politique d’accueil plus favorable aux Palestiniens vivant de l’autre côté de la frontière.

Au gouvernement, le royaume hachémite a simplement appelé à la désescalade du conflit mais n’a pas encore pris de mesures plus importantes. Une nouvelle manifestation doit se tenir vendredi, jour de prière en centre ville d’Amman.

L'Égypte plus sensible à la question terroriste

Traditionnellement, l’Égypte est le médiateur en cas de conflit israélo-palestinien. Dès le début du conflit, Sameh Choukri, le ministre égyptien des Affaires étrangères, était à la manœuvre. Il ne cesse de s’entretenir avec ses homologues, qu’ils soient américains, européens, russes et évidemment avec le Hamas et Israël. L’intensité de la riposte sur Gaza ainsi que la prise en otages de plus d’une centaine d’Israéliens par le Hamas rendent la tâche particulièrement compliquée. On voit bien que les appels à la désescalade restent lettre morte.

Pour l’Égypte, premier pays arabe à avoir normalisé ses relations avec l’Etat hébreu lors les accords de Camp David en 1978, la situation est délicate, d’autant que la rue égyptienne, elle, est profondément pro-palestinienne, voire anti-israélienne.

Le gouvernement redoute le passage d'alliés des Frères musulmans sur son territoire

Le poste frontière de Rafah entre Gaza et l’Égypte est le seul point de fuite pour les Gazaouis. Depuis le double blocus, israélien et égyptien, de 2007, seules quelques centaines de personnes sont autorisées à le franchir. Le Caire craint que des membres du Hamas, émanation des Frères musulmans, sa bête noire, ne viennent s’installer dans le pays.

Avec les événements de ces derniers jours, l’Égypte avait décidé d’ouvrir ce poste-frontière. Mais avec les frappes actuelles de l’armée israélienne sur Rafah, l'accès a été refermé. Situé en zone militarisée, ni les ONG internationales, ni l’ONU, ni les journalistes ne peuvent se rendre sur place et témoigner de la situation des Gazaouis qui tentent de fuir ce conflit.

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