Obésité : les raisons de la hausse vertigineuse qui touche les populations du Pacifique ainsi que les Argentins

Le 4 mars est la journée mondiale de lutte contre l’obésité, qui affecte aujourd’hui plus d’un milliard de personnes dans le monde. Les populations du Pacifique et les Argentins ne sont pas du tout épargnées, nos correspondants sur place racontent.
Article rédigé par franceinfo, Caroline Vicq - Grégory Plesse
Radio France
Publié
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À Buenos Aires, les étalages près des caisses débordent souvent de bonbons et de barres chocolatées. Photo d'illustration (JEFF GREENBERG / UNIVERSAL IMAGES GROUP EDITORIAL via Getty Images)

D’après une étude très attendue publiée il y a quelques jours, la prévalence de l’obésité a doublé chez les adultes au cours des 30 dernières années et quadruplé chez les enfants. Cette augmentation vertigineuse est particulièrement marquée dans la zone Pacifique, mais en Argentine aussi, où les chiffres sont alarmants. Dans ce pays, grand producteur de fruits et légumes, près de deux personnes sur trois sont en surpoids ou obèses. C’est aussi l’un des pays avec le plus haut niveau de surpoids chez les enfants de moins de 5 ans, avec un taux de 12,6% selon une enquête de l’Unicef.

Dans le Pacifique, le poisson frais délaissé pour les conserves peu chères

Dans les petits pays de la région Pacifique, comme Nauru, les Samoa ou encore les îles Tonga, plus de 60% de la population est obèse. C’est un phénomène massif dans toute la zone, qui s’explique essentiellement par un changement des habitudes alimentaires au cours des trente dernières années. On est en gros passé d’un régime qui consistait essentiellement en du poisson frais, des fruits et des légumes, à des produits importés et transformés, souvent très caloriques, très riches en sel, mais très peu chers, comme par exemple le corned-beef ou le spam (jambon épicé en conserve).

Il faut bien comprendre que dans ces pays très isolés, à l’écart des grandes routes commerciales et où les surfaces agricoles sont très limitées, on a très peu de choix dans les rayonnages, les produits de qualité sont rarissimes et leurs prix très élevés. L’une des principales conséquences est qu’en plus de l’obésité, ces pays sont aussi les plus touchés au monde par le diabète.

Pas d'exception française

Pour enrayer le phénomène, 14 des 22 pays de la région ont relevé ces dernières années leurs taxes sur les produits transformés, et certains dans le même temps ont baissé celles sur les fruits et les légumes. Mais il faudra du temps pour que ces mesures commencent à faire effet.

À noter qu'il n'y a pas d’exception française en la matière. En Polynésie française, à Wallis et Futuna ou en Nouvelle-Calédonie, plus de 50% des adultes sont obèses. La pose d’anneaux gastriques est bien plus répandue qu’en France métropolitaine, où la prévalence de l’obésité est non seulement bien plus réduite mais où elle a baissé ces dernières années. Dans ces territoires aussi, on essaie d’agir avec des actions de prévention et d’information sur une alimentation saine. À Tahiti, les autorités comptent aussi sur les Jeux Olympiques et l’organisation des épreuves de surf pour développer les activités sportives. La Nouvelle-Calédonie a définitivement adopté en fin d’année dernière une taxe sur les produits sucrés bien plus lourde que celle appliquée en France sur les sodas.

En Argentine, "des enfants de 8 ans qui pèsent 60, 70, 80 kilos"

En Argentine, 61,6% exactement de la population est en surpoids, dont 25% souffrent d’obésité, selon la dernière étude effectuée par le ministère de la Santé en 2019. Cette maladie, aux conséquences graves et qui fait des ravages, se répand davantage en province que dans la capitale, ont constaté les professionnels de la santé dans les hôpitaux, les thérapies intensives et les centres médicaux.

Et en plus des adultes, elle touche aussi et surtout des enfants. "Beaucoup d’enfants viennent me voir avec la maladie du foie gras et avec une forte résistance à l’insuline", raconte Morena Fratesi, nutritionniste. La plupart de ses patients sont des enfants de moins de 10 ans. "Ce sont des enfants de 8 ans qui pèsent 60, 70, 80 kilos, décrit-elle. Je crois que la cause principale est en relation avec l’industrie alimentaire, qui vend des produits aux effets addictifs. Et l’autre cause est la relation que l’on a avec la nourriture. Si un enfant n’est pas sage, il est privé de dessert. Si on l’emmène se faire vacciner, on lui promet une glace à la sortie pour le consoler. Donc on droit réapprendre à surpasser nos émotions sans devoir les enfouir avec de la nourriture."

Dans un contexte de crise, la santé publique n'est pas une priorité


L’Argentine est pourtant connue pour sa cuisine et est l’un des principaux producteurs de fruits et légumes du monde. Les Argentins sont fascinés par la gastronomie mais ils cuisinent très peu. Ils produisent 10 millions de tonnes de fruits et légumes mais ils ne sont que 6% à manger cinq fruits et légumes par jour. En parallèle, l’offre de produits sucrés inonde les rayons des supermarchés et même des pharmacies qui les vendent à la caisse. À Buenos Aires, on compte aussi 110 000 bureaux de tabac - un pour 400 habitants - dont les étalages débordent de bonbons, de barres chocolatées et de ces fameux "alfajores". Ce sont des sortes de gros macarons au chocolat et au "dulce de leche" (confiture de lait) que certains mangent dès le petit-déjeuner.

Depuis 2021, les pouvoirs publics ont instauré une loi qui oblige les industriels à afficher en gros sur leurs produits les excès en sucre et en graisse. Cela aide à conscientiser la population, mais il existe très peu de campagnes de sensibilisation. Il n’y a aucune éducation alimentaire à l’école et l’inflation touche de plein fouet les produits les plus sains. Pour Morena Fratesi, il faut changer les habitudes : "Il faut d’abord chercher le meilleur prix et acheter de vrais aliments, qui ne sont pas vendus dans des paquets qui coûtent plus cher, conseille-t-elle. Un "alfajor" coûte environ 1 euro. Pour le même prix, on achète un kilo de fruits. Donc moins de paquets, plus d’aliments réels et plus de basket, car l’activité physique est fondamentale. Tout cela, c’est la meilleure prévention."

Aujourd’hui, en Argentine, la sensibilisation à l’obésité est presque exclusivement réalisée sur les réseaux sociaux par des médecins ou des nutritionnistes comme Morena Fratesi. Dans un contexte de crise économique et de tensions politiques pour le gouvernement argentin, l’obésité, ses risques et ses conséquences pour l’avenir ne sont pas tout considérés comme une priorité.

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