Le débrief politique. L'élection made in France fascine la presse étrangère
Decryptage de la campagne avec un journaliste américain, la chasse aux "06" chez Macron, la triple consigne de François Hollande... Tout ce qu'il ne fallait pas rater dans l'actualité politique de jeudi 20 avril avec Yael Goosz.
L'élection vue de Washington
La France est-elle le nombril du monde ? Un petit pays sur la carte mais une grande élection qui fascine de plus en plus la presse étrangère. Après Trump, après le Brexit, peut-il y avoir un effet domino ? Ou un coup d'arrêt et un sursaut européen ? C'est pour ça que nos collègues, notamment américains, se passionnent pour cette élection imprévisible. "Cette campagne est bien plus intéressante que notre élection présidentielle il y a plusieurs mois et pourtant, elle était forte intéressante, assure John Gizzi, correspondant à la Maison Blanche pour le groupe de presse NewsMax. On n'avait que deux candidats principaux : Donald Trump pour ce qu'on pourrait appeler la droite et Hillary Clinton pour la gauche. En France, c'est plus compliqué. Il y a quatre candidats majeurs."
John Gizzi indique que Marine Len Pen est "celle que les Américains connaissent le plus à cause de son père" et que "beaucoup d'observateurs ici la comparent à Donald Trump". Il y a aussi Emmanuel Macron : "C'est en quelque sorte le retour de la politique de la troisième voie de Bill Clinton et Tony Blair", précise le journaliste alors que François Fillon, lui, est associé "à la politique économie de Margaret Thatcher" et "semble avoir réussi à se sortir du Pénélopegate". Enfin, selon John Gizzi, il y a "la vieille gauche dépoussiérée par Jean-Luc Mélenchon. Avec lui, être soutenu par le parti communiste n'est plus démodé".
Dernier grand oral
Encore 24 heures pour convaincre. Et d'abord 11 fois 15 minutes pour convaincre ce jeudi soir sur France 2 et franceinfo. Dernier grand oral des candidats : 11 entretiens d'embauche individuels, à défaut de débat, et un droit de réponse ou de conclusion de deux minutes à la fin, au pupitre. Soirée ouverte par Mélenchon et conclue par Fillon, ainsi en a décidé le tirage au sort. C'est la dernière fenêtre de tir à grande échelle pour tenter de convaincre les indécis car vendredi, minuit sonnera le glas de la campagne officielle pour le premier tour.
La chasse aux "06"
Et qui dit chasse aux indécis, dit chasse au "06". Un grand classique, le démarchage téléphonique. "Bonjour, c'est Emmanuel Macron", voici le genre de message, monologue d'une minute et 45 secondes, sur lequel vous pourriez tomber en décrochant votre téléphone. Les équipes de En Marche doivent passer six millions de coup de fil de ce genre d'ici vendredi soir ! Précisons au passage que, contrairement aux rumeurs, les équipes d'Emmanuel Macron ne puisent pas uniquement dans les fichiers des abonnés SFR, mais dans ceux de tous les opérateurs. C'est l'Insee qui fournit ces données, et non pas les entreprises concernées. Ce n'est pas la première fois que la méthode est utilisée en France, Les Républicains s'en étaient déjà servis en 2010 à l'occasion des élections régionales. Plus traditionnels, les supporters de Jean-Luc Mélenchon passent eux-mêmes près de 5 000 appels par jour.
Ces soutiens de dernière minute
"Mr Mélenchon" engrange les soutiens de l'autre côté de l'Atlantique. Après le philosophe Noam Chomsky, Dany Glover et Mark Ruffalo, une autre comédienne surfe sur la vague de La France insoumise : Pamela Anderson. Le candidat de La France insoumise l'a remerciée sur twitter. Dans un autre registre, le président socialiste bolivien Evo Morales salue la "percée" du "frère" Mélenchon. "Hermano", en version originale.
«Mr Mélenchon for president, s'il vous plaît». Merci / Thanks @pamfoundation. https://t.co/KuLNvDN2pc
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 20 avril 2017
Car le temps des ralliements, c'est maintenant ou jamais pour celles et ceux qui espèrent peser sur le premier tour. L'acteur Alain Delon choisit François Fillon, Valérie Giscard d'Estaing fait le CV du candidat idéal : "conviction, détermination et expérience"... c'est François Fillon mais du bout des lèvres. Pour Nicolas Sarkozy, c'est beaucoup plus clair : le message a été passé et mis en scène à domicile, Villa Montmorency, dans le 16e arrondissement de Paris, autour d'un petit déjeuner avec le candidat de la droite. "Je considère que pas une voix ne doit manquer, pour la France compte tenu de l'importance des enjeux, à François Fillon", dit-il au micro de nos confrères de RTL.
J'ai tenu à remercier personnellement @NicolasSarkozy de son soutien clair et important dans cette dernière ligne droite avant le 1er tour. pic.twitter.com/bzsxbslvbu
— François Fillon (@FrancoisFillon) 20 avril 2017
Du renfort aussi pour Emmanuel Macron. De gauche, et "en même temps" de droite. Emmanuel Macron rééquilibre sa barque avec le soutien de Dominique de Villepin. L'ancien Premier ministre l'a annoncé au Parisien ce jeudi soir.
Et de six ! Six membres du gouvernement voteront pour lui dimanche et ils le disent. Les radicaux de gauche sont en pleine schizophrénie entre Benoît Hamon et Emmanuel Macron : le parti vote Benoît Hamon mais ses représentants au gouvernement, Jean-Michel Baylet, Thierry Braillard et désormais Annick Girardin, font le choix d'Emmanuel Macron.
La triple consigne de François Hollande
Bientôt ce ne sera plus nécessaire, mais ce jeudi encore, on prend le pouls politique du président. C'est François Hollande et la tournée anti-extrême, sa drôle de dernière campagne, l'auto-bilan. Étape dans le Lot, ce jeudi, avant Belle-Île et les Côtes-d'Armor vendredi. "Je laisse à mon successeur un pays en bien meilleur état", dit François Hollande. Et, pour dimanche, il appelle au vote : "Je ne suis pas indécis et je sais où je vais voter, à Tulle. J'invite tous les Français à aller voter." Voter pour qui ? Selon nos informations, le président a répété la triple consigne mercredi lors du dernier conseil des ministres avant le premier tour : d'ici dimanche on dit ce qu'on ne veut pas, après dimanche on dit ce qu'on veut et aux législatives on fait comme on peut ! Du François Hollande dans le texte qui a bien fait rire les ministres autour de la table.
Donc, surtout, ne pas dire qu'il préfère Emmanuel Macron, au risque de le plomber, mais pilonner les autres. Et après le premier tour : barrage au Front national. En cas de qualification de Marine Le Pen, il faudra appeler à voter pour son adversaire, même si c'est François Fillon. Et encore après, au lendemain du 7 mai ? Il faudra compter sur le PS, estime François Hollande, l'éternel optimiste. "Il croit au clivage droite gauche et aux organisations politiques, pas au grand soir qui balayerait tout", affirme un proche. S'il l'emporte, Emmanuel Macron devra composer pour se trouver une majorité et c'est cette carte-là que le PS devra jouer aux législatives.
L'info du débrief : Manuel Valls va devoir faire un choix.
Il y en a un, à l'inverse, qui n'hésite pas dès maintenant à marteler son choix pro-Macron, c'est Manuel Valls. Sera-t-il récompensé en retour aux législatives ? Non. S'il reste au PS, il aura un marcheur face à lui. C'est l'info du débrief, confirmée ce jeudi soir par le porte-parole d'En Marche : "En Marche investira des candidats dans les 577 circonscriptions législatives de ce pays. Libre à Manuel Valls, s'il le souhaite, de poser sa candidature auprès de la commission nationale d'investiture du mouvement pour être candidat En Marche", a indiqué Benjamin Griveaux sur franceinfo.
Agenda vierge pour Le Pen
Marine Le Pen n'a rien prévu pour son dernier jour de campagne, vendredi. Pas de meeting, pas d'apparition publique. Nous serons le 21 avril, 15 ans jour pour jour après la qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour. Au QG de sa fille, on refuse de faire le moindre parallèle entre ces deux dates. Le risque serait donc trop grand de re-diaboliser la candidate.
La note du débrief : 17/20 pour Philippe Poutou
Un 17/20 pour Philippe Poutou, qui invente le non cumul par anticipation, sans même avoir pu cumuler. Déjà candidat en 2012, le candidat du NPA de 2017 jette l'éponge pour 2022. Raison invoquée : il sera à la retraite !
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