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Le décryptage éco. Quand Ford cède aux menaces de Trump et annule un investissement au Mexique

Le constructeur automobile Ford a annoncé mardi soir l’annulation d’un projet de construction d‘une usine au Mexique.

Article rédigé par franceinfo, Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Chaîne de montage Ford à Dearborn, dansle Michigan, en 2014. (BILL PUGLIANO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA)

Le constructeur automobile Ford a annoncé mardi 3 janvier l’annulation d’un projet de construction d‘une usine au Mexique. Et si la mêthode Trump pour rapatrier les emplois aux Etats-Unis fonctionnait ?

C’est un coup de théâtre qui a surpris tous les observateurs aux Etats-Unis : la journée de Donald Trump avait commencé un peu comme les précédentes, par une série de tweet vengeurs, dont l’un ciblait, méchamment, non pas Ford, mais son premier concurrent General Motors : "Fabriquez aux Etats-Unis, ou payez des taxes !", avait enjoint le président élu.

Donald Trump dénonçait le fait que le constructeur assemble en effet des milliers de véhicules dans ses usines mexicaines avant de les renvoyer aux Etats-Unis, sans payer la moindre taxe, en vertu d’un accord de libre-échange que Trump, justement ne cesse de dénoncer.

Et quelques heures plus tard, c’est Ford qui annonçait un virage à 180 degrés : l’entreprise, qui avait programmé l’ouverture d’une nouvelle usine au Mexique, annonçait à la fois son annulation et un nouvel investissement de 700 millions de dollars aux Etats-Unis. Et le PDG n’avait aucune honte à expliquer son revirement : "C’est un vote de confiance en faveur du président élu et des politiques annoncées". Entendez : les baisses d’impôts promises par le candidat Trump.

Un coup que Trump peut revendiquer

Trump tient son premier succès, d’autant que jusqu’ici, soit le président élu s’était trompé de cible, soit il s’était attribué des sauvetages d’emplois qui ne lui devaient rien, car décidés bien avant l’élection présidentielle. Avec Ford, et surtout la déclaration de son PDG, le doute n’est pas permis, sans qu’on sache, bien sûr, quelles sont les contreparties réelles que Ford pourrait avoir négociées et obtenues avec l’équipe Trump.

Tout est possible dans cette affaire, car elle est ultra sensible. D’abord parce qu’il s’agit de l’automobile, la reine des industries américaines, et plus encore parce que la destruction massive des emplois industriels ces vingt dernières années est l’une des causes majeures du grand malaise américain, et surtout de la classe moyenne.

L’industrie automobile emploie près d’un million de salariés américains, mais c’est moitié moins qu’en l’an 2000. Et plusieurs Etats américains, notamment dans le sud, ne s’en sont jamais remis vraiment. Et quand Trump cible le Mexique, cela parle très concrètement à ses électeurs : le Mexique est en train de devenir un des grands constructeurs automobiles dans le monde, sa production de véhicules a doublé ces cinq dernières années, notamment en raison d’un coût du travail extrêmement attractif.

Remonter la "chaîne de valeur" sera compliqué

D’autres entreprises américaines pourraient rapatrier leur production aux Etats-Unis. Surtout si Trump tient sa promesse de diminuer très fortement l’impôt sur les sociétés. Mais je ne crois pas à un mouvement d’ensemble. D’abord, parce que les entreprises ont localisé le plus souvent leur production au plus près de leur marché et donc de leurs clients.

Et ensuite, pour une raison beaucoup plus profonde, qui tient, à ce que les économistes appellent l’étirement de la chaîne de valeur. Prenez l’iPhone, par exemple, produit phare d’Apple, qui est aussi l’une des cibles privilégiées de Donald Trump : les iPhone sont assemblés en Chine, mais les composants d’un iPhone sont produits par plus de 600 sous-traitants dans près de 30 pays.

C’est donc tout un écosystème industriel très sophistiqué, qu’il n’est tout simplement pas possible de déconstruire sans ruiner le modèle économique d’Apple. Et ce qui vaut pour l’iPhone vaut désormais pour beaucoup d’autres produits. Voilà pourquoi la politique du coup de menton, ou du tweet vengeur de Donald Trump ne pourra pas produire de miracles tous les matins.

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