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Déjà en 1971, "baïonnette à la main", Sheila dénonçait le racisme

Toute cette semaine, Sheila est l’invitée exceptionnelle du monde d’Elodie. Un tête-à-tête en chansons. Aujourd’hui, les titres : "Petite fille de Français", "Les gondoles à Venise" et "Blancs, Jaunes, Rouges, Noirs".

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La pochette de l'album "Juste comme ça", sorti en 2006, compilation de chansons de Sheila parmi lesquelles "Blancs, Jaunes, Rouges, Noirs" (WARNER)

Durant une semaine, l'icône des yéyés, Sheila, nous éclaire sur certains de ses immenses succès. 60 ans de carrière, 70 millions de disques vendus et de nombreux titres faisant partie, désormais, du répertoire de la chanson française. Son 27e album, Venue d'ailleurs, est sorti il y a quelques temps, l'occasion de revenir sur les chansons incontournables de ce parcours extraordinaire. Aujourd’hui, trois titres : Petite fille de Français moyen, Les gondoles à Venise et Blancs, Jaunes, Rouges, Noirs.

franceinfo : Le phénomène Sheila démarre en 1962. Et puis, le cinéma va vous ouvrir les bras. Vous rappelez-vous du moment où Serge Piollet vous propose de jouer dans son film Bang-Bang ?

Sheila : Sur ce film, sincèrement, je ne regrette qu'une chose, c'est que Claude Carrère a pris beaucoup trop de place, c'est tout juste si ce n'était pas lui derrière la caméra. Après moi, je n'ai que de bons souvenirs parce qu'on a tourné quand même l'histoire d'une gamine, je devais avoir 20 ans, qui rentre dans une école militaire pour apprendre à se défendre. J'ai tiré à la mitraillette, j'ai sauté dans les mares, fait du gymkhana en voiture. Moi qui adore le sport, pour le coup, j'étais parfaite et j'ai adoré ce tournage. Vraiment. J'avais un très beau partenaire qui s'appelle Brett Halsey. J'ai plutôt des souvenirs extraordinaires. Après, Claude Carrère a toujours pris trop de place partout. À part lui, tout était bien.

Entre nous, ça a été difficile d'ouvrir les yeux sur Claude Carrère ?

Ça m'a pris surtout beaucoup de temps parce que j'ai un gros défaut, c'est que je suis restée très enfant. Je ne pense pas au mal. Quand j'aime, j'aime et je n'arrive pas à me mettre dans l'idée qu'on peut trahir. Pour moi, la trahison est quelque chose de terrible. Je ne parle même pas d'argent, je parle de trahison humaine. Je m'en suis rendu compte vraiment très tard. Après, c'est mon chemin. Je ne veux pas passer ma vie à me plaindre. Mais humainement, il m'en a fait baver.

En 1967, vous allez être élue 'Star préférée des Français' par les magazines Salut les copains !, Elle et Mademoiselle Âge tendre. Qu'est-ce que cela représente ?

Pour être honnête, je ne sais pas si j'ai vraiment réalisé à l'époque. Je suis contente évidemment, c'était la course aux hit-parades. J'avais la chance d'être dans les premières avec Sylvie Vartan et Françoise Hardy. On a eu la chance d'être toujours présentes. Je ne dirai pas qu'on s'y habitue, mais c'est assez confortable, il faut le dire.

En 1968, il y a un titre qui va être jugé réactionnaire, c'est Petite fille de Français moyens. Numéro un des ventes, le public vous suit toujours. Comment avez-vous vécu cet épisode ?

Je n'ai pas compris car la chanson a été enregistrée bien avant le début de Mai 68. Ce que je retiens de tout ça, même si à l'époque, c'était terrible de chanter ça, c'est que j'habitais dans le 13ème à Paris. J'étais du côté du boulevard Arago, un des endroits où ça chauffait. J'avais une Ford Mustang et tout le monde me disait : "Il ne faut pas sortir avec ça, tu vas prendre des pavés". Et moi, je sortais, j'allais à mes rendez-vous avec ma voiture avec des manifs pas loin. Quand ils me voyaient arriver, ils me disaient : "Non, pas par-là, tu vas prendre des pavés, va de l'autre côté". Ce qui fait qu'au bout du compte, on n'était pas dans le même camp, mais on était quand même du même bord et c'est ça que j'ai trouvé extraordinaire, c'est ce qui a fait la force de cette jeunesse.

Je voudrais qu'on aborde un titre particulièrement symbolique, lié à votre rencontre avec Ringo Star : Les gondoles à Venise. C'est l'un de vos plus grands succès et il marque votre mariage, mais aussi la naissance de Ludovic, votre fils. Que représente cette chanson pour vous ? Il y a un pincement au cœur ?

Un peu d'amertume plutôt. C'était une jolie histoire à la base et c'est devenu un truc un peu sordide, de par le mariage. Ça me laisse un peu d'aigreur parce qu'au lieu que ça soit quelque chose de joli, c'est devenu quelque chose de triste.

Au bout du compte, ce mariage avec Ringo Star a été réussi pour la presse, mais raté pour la jeune femme que j'étais et qui rêvait d'amour.

Sheila

à franceinfo

Je l'ai aidé à démarrer parce que c'est ce qui l'a amené aussi à devenir un chanteur populaire et ça s'est terminé en eau de boudin. Cela n'a pas été la période la plus joyeuse de ma vie, c'est tout bête. La chanson reste la chanson et les gens la chantent et la connaissent par cœur, il faut donc assumer.

Vous étiez vraiment avant-gardiste. Vous avez su aussi dénoncer des choses, vous, la fille libre qui insufflait quelque chose de très positif. En 1971, vous recevez le prix de la chanson antiraciste pour Blancs, Jaunes, Rouges, Noirs. Vous avez toujours ce titre en mémoire ?

Pour moi, un être est un être. Tu l'aimes ou tu ne l'aimes pas. Tu t'entends bien avec lui ou pas.

Sheila

à franceinfo

Oui. Quand on voit ce qui se passe aujourd'hui, j'étais vraiment très avant-gardiste ! J'ai la chance d'avoir été élevée par des parents qui ne m'ont jamais fait remarquer quoi que ce soit. Pour moi, c'est tellement lourd, tellement horrible que quand cette chanson m'est arrivée, je ne dis pas que je l'ai défendue bec et ongles, mais c'était carrément la baïonnette à la main.

Je n'ai jamais entendu dire chez moi : "Tiens, lui, il est noir ou lui, il est jaune, ou vert". Ça n'a jamais eu d'importance et le fait de pouvoir défendre Blancs, Jaunes, Rouges, Noirs, cette chanson encore d'actualité, je le revendique très bien. Je l'assume et en suis fière. 

Demain, on vous retrouve avec les chansons : Love me baby et Spacer.

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