Michèle Bernier : "La scène est le dernier temple de la liberté totale"
Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, la comédienne et humoriste, Michèle Bernier. Elle est sur scène actuellement pour son spectacle : "Vive demain !"
Michèle Bernier est comédienne et humoriste. Elle a été découverte par le public dès ses débuts dans Théâtre de Bouvard, aux côtés de Mimie Mathy et Isabelle de Botton. Elle est la fille du professeur Choron, un célèbre écrivain et journaliste satirique, éditeur, patron de presse. Le théâtre, le cinéma, la télé l'accompagnent depuis ses premiers pas, ou presque, finalement. Aujourd'hui, elle est sur scène avec le spectacle Vive demain !, pour lequel elle a déjà été nommée aux Molières de l'humour.
franceinfo : Les planches résument-elles finalement ce qui vous habite le plus ?
Michèle Bernier : C'est un peu ma maison. Quand je suis rentrée la première fois dans un cours d'art dramatique aux cours Viriot, j'ai eu cette sensation, mais très, très forte et très intense que c'était là que ça commençait.
Ça veut dire que dès l'enfance, vous aviez cette envie de faire sortir les mots ?
Je pense que l'enfance est teintée, surtout à mon époque, de beaucoup d'ennui, en fait. On avait très, très peu de choses à faire en dehors d'inventer et l'ennui a créé aussi du rêve, de l'imaginaire, etc.
C'est vrai que vous avez eu aussi un papa qui n'avait pas sa langue dans sa poche et qui vous a donné cette force de dire les choses.
Oui. D'abord, chez moi, c'était la politique du doute, on doute. Donc, "Ne suis pas les gens ou les choses comme un mouton. Tout ce qu'on te dit n'est pas obligatoirement la vérité. Soit toujours dans le doute, garde la distance et une lucidité". C'est vrai que ce n'est pas facile à faire parce que suivre, c'est quand même ce qu'il y a de plus confortable, ne pas suivre est toujours plus délicat.
En même temps, ce sont vraiment les conseils que vous avez suivis dès le départ. Il y a eu effectivement Le Petit Théâtre de Bouvard qui a changé votre vie.
Complètement ! A nous tous, les comédiens. On était tous au café-théâtre à l'époque et Philippe Bouvard cherchait des jeunes comédiens pour venir faire des sketchs d'impro dans une émission qui existait déjà. Et puis, quand on est arrivés, il s'est marré avec nous et il a viré les vieux. Il nous a gardé, nous, et on est devenus une institution.
En parallèle, il y a eu le cinéma, très vite, la radio aussi. Ce phrasé, d'aller vite, vient de là ?
Avec Le Théâtre de Bouvard, c'est sûr qu'on a appris la technique de la rapidité. De toutes façons, Philippe Bouvard, si au bout de 30 secondes, on ne l'avait pas fait rire, il ne prenait pas le sketch. Il fallait qu'on apprenne l'efficacité et la rapidité. Et c'est vrai que ça m'a beaucoup appris et que c'est pour ça, certainement, que j'ai pu faire de la radio. J'ai pu faire plein de choses parce que c'est une fonction du cerveau qu'on a attrapé les uns et les autres. C'est une rapidité, c'est vraiment l'efficacité, ne pas avoir peur. Non, mais c'était vraiment, pas une école, mais quand même une formation incroyable !
Avec une vraie culture générale aussi, de s'intéresser à tout, une curiosité.
La curiosité est un élément essentiel de notre vie d'artiste.
Michèle Bernierà franceinfo
On ne peut pas rester comme ça, enfermé dans une espèce de tour d'ivoire.
N'est-ce pas ce qui vous définit le plus ?
Peut-être. Moi, je ne suis pas du tout tour d'ivoire. Je n'aime pas ça. J'aime être confrontée aux gens et à la vie, donc je déteste les portes fermées. Pour moi, c'est très compliqué d'être dans un lieu totalement clos. Partout où je vais, les portes sont ouvertes. C'est très important que la communication roule, d'écouter les autres, de les regarder et de savoir pourquoi après, on les aime, ou on ne les aime pas, ne serait-ce que ça.
Il faut franchir des caps dans la vie. Et d'un seul coup, vous décidez de monter seule sur scène, d'affronter le public les yeux dans les yeux avec le spectacle : Le Démon de midi, adaptation de la BD de Florence Cestac, qui raconte la crise de la quarantaine, l'histoire d'une femme qui est trompée, qui s'en rend compte et qui doit survivre. Ça a changé votre vie ?
En allant seule sur scène, j'avais besoin de savoir qui j'étais et ce que je valais vraiment.
Michèle Bernierà franceinfo
Ça a changé la perception de mon métier, des autres sur moi, du métier sur moi, du public sur moi. J'ai toujours été une fille de troupe, que ce soit au Théâtre de Bouvard ou après avec Les filles.. Et c'était bizarre parce qu'en plus, cette BD croisait ma propre vie privée. On a donc fait : Le démon de midi, toutes les deux avec Marie-Pascale Osterrieth et on l'a commencé dans une toute petite salle à Paris, puis celle du Palais des Glaces. Et puis en, peut-être, en 10 jours de temps, c'est devenu comme une traînée de poudre. Et je n'avais jamais vécu ça avant, ce sont les directeurs de salle qui venaient me demander si je voulais bien venir jouer chez eux.
La scène, pour vous, c'est être libre, être vivante ?
Oui. Je dis toujours que c'est la scène est le dernier temple de la liberté totale. On y fait ce qu'on veut. On y dit ce qu'on veut. C'est clair que le spectacle vivant est à défendre absolument.
Dans Vive demain ! Vous avez une douceur apparente et qui n'était pas connue autant que ça. Vous ressentez que vous êtes plus apaisée ?
Oui. Je pense qu'on prend les choses avec un peu plus de recul. D'abord parce qu'on a l'expérience et que vieillir, ça sert, ne serait-ce que même un petit peu à ça. Après, on ne devient pas un sage, mais disons que l'expérience fait qu'on est un peu plus indulgent avec soi-même et avec les autres.
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