"On vient retrouver le héros de son enfance" : Achdé partage une nouvelle aventure de "Lucky Luke"
Son pseudonyme est né à partir de ses initiales, de son nom de naissance, Achdé, mais aussi surtout d'un clin d'œil qu'il souhaitait faire à Hergé, Jigé ou Jidéhem. Illustrateur, scénariste et dessinateur de BD, il ne lui a manqué à la naissance que ce qui n'était pas dans le placenta, c'est-à-dire le stylo. Entre cette attirance pour le dessin et la publication de ses histoires, il y a eu un bref détour dans le paramédical qui lui a servi à prendre conscience qu'un feutre pouvait aussi soigner, amuser. Depuis 2004, il a remplacé Morris. Il faut préciser qu'il l'avait adoubé avec sa reprise de Rantanplan en Strips.
Aujourd'hui, il est de retou,r avec Jul au scénario, avec Les aventures de Lucky Luke d'après Morris : Un cow-boy sous pression aux éditions Dargaud. C'est la première fois que notre cow-boy solitaire issu de l'Ouest américain est confronté à la modernité industrielle de l'Amérique, avec au menu des syndicats, des patrons, des ouvriers. Cette aventure raconte les barons de la bière allemande, ceux qui font briller les yeux des amateurs de saloon, des déserts de l'Arizona aux montagnes de l'Oregon.
franceinfo : L'histoire est bel et bien vraie même si elle est très loin de ce qu'on peut imaginer du Far West. En 1830, plus de trois millions d'Allemands ont quitté leur pays pour s'installer en Amérique. Dans le village de Saint-Louis, un quart des habitants parlaient allemand et donc il fallait leur donner la boisson qu'ils aimaient, la bière.
Achdé : Oui, à Milwaukee, c'était typique. Mais vous savez, c'est pour ça que l'actualité aujourd'hui est complètement dingue, tout se percute. Par exemple, dans notre album, on parle de l'arrière-grand-père de Donald Trump qui est bel et bien un immigrant. Tous les Américains sont des émigrants et des émigrés. Et son arrière-grand-père a fait de l'argent, en faisant quoi ? En faisant des bordels. Ces émigrations successives, notamment avec les Allemands qui sont arrivés en grand nombre, faisaient suite à l'émigration des Français. Quand vous descendiez dans le Sud, on ne parlait que le français. Il a fallu que ce soit Roosevelt qui interdise qu'on parle le français et débaptise énormément de villes et de villages, en anglais.
"C'est bien d'avoir toujours des touches d'authenticité et ça, c'est ce qui fait la réussite de Lucky Luke."
Achdéà franceinfo
Vous avez dû chausser les pantoufles de Morris et ça a fonctionné comme s'il vous avait déjà transmis cette âme-là.
Quand, en 2002, on m'a annoncé que j'allais reprendre... C'est vrai qu'au départ, on n'y croit pas. Je suis d'une génération qui a été bercée par les grandes séries et par les grands auteurs, j'ai toujours été très admiratif, mais aussi très respectueux. Peut-être parce que quand vous avez quatre ou cinq ans et que vous découvrez Lucky Luke, le jour où vous rencontrez le monsieur qui dessine Lucky Luke, il se passe quelque chose. C'est un peu comme si un jeune guitariste qui joue de la guitare dans son appartement, un jour, on tape à la porte et il y a Mick Jagger qui lui dit : "Ce soir, tu fais un concert avec les Rolling Stones". C'est un peu ce qu'il m'est arrivé.
Au départ, il y a cette envie de garder "l'âme de". Et puis, au fil du temps, vous avez commencé à vous dire qu'il fallait que Lucky Luke évolue. En même temps, ce garçon ne vieillit jamais ! C'est assez incroyable.
Le miracle de la BD.
Il a toujours son physique d'Apollon, d'athlète. Je ne vais pas tout dévoiler, mais il se met torse nu, même en dessin, c'est assez impressionnant. Là, il a mal au dos.
Cette fois-ci, je le déshabille ! Alors le mal de dos, c'est une excellente idée de Jul. Ce qui est tout à fait vrai, quand vous passez 12 h sur un cheval. C'étaient des gens qui faisaient un travail excessivement physique et ingrat, ils étaient toujours dans la poussière, c'était très dur.
Est-ce que c'est difficile de faire évoluer un personnage avec le temps qui passe sans qu’il ne prenne une ride ?
"Ce n'est pas encore maintenant que Lucky Luke aura les tempes grisonnantes."
Achdéà franceinfo
On va jouer sur des effets et non sur le physique pur. Sur l'histoire de l'évolution, je dirais que le petit détachement que je peux avoir avec Morris correspond essentiellement aujourd'hui au découpage. Morris et notamment Goscinny, étaient de la génération du pastiche de cinéma. Maintenant, on n'est plus dans le pastiche de la série télé, c'est-à-dire avec un découpage plus rapide. Les gens ont l'habitude des séries, les ellipses sont plus rapides et c'est peut-être cette différence.
Lucky Luke est célèbre. C'est une légende. Il est sur notre photo de famille sur plusieurs générations. C'est important d'être aujourd'hui ce digne représentant ?
Ah oui, c'est sûr ! Je ne suis pas son papa puisque son papa c'était Morris. Moi, je suis son parrain. Ce qui m'a véritablement épaté - j'ai quand même voyagé dans le monde entier avec Lucky Luke - c'est que les gens le connaissent et ça, c'est la magie. Morris avait un très beau mot, il disait : "Je ne suis rien. Je suis derrière Lucky Luke. Qui on connaît ? On ne connaît pas Morris, on connaît Lucky Luke" et lui, ça lui plaisait. On n'est pas grand-chose, c'est Lucky Luke qu'on vient trouver lors d'une dédicace, même si c'est une dédicace d'Achdé. On vient retrouver le héros de son enfance. Il y a une transmission.
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