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Après les avoir détruits, les talibans veulent transformer le site des bouddhas de Bamiyan en attraction touristique

Il y a 20 ans, les talibans faisaient sauter ces sculptures géantes taillées dans la roche à la dynamite. Après avoir qualifié ces statues de "blasphème" pour l'islam, ils veulent aujourd'hui faire de leurs ruines un site touristique.
Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le site des Bouddhas de Bamiyan en Afghanistan, détruits par les talibans en 2001. (©ORIANE ZERAH/WOSTOK PRESS / MAXPPP)

C'était l'un des plus grands trésors d'Afghanistan : deux statues géantes de 38 et 55 mètres sculptées dans la falaise de grès, veilleurs immobiles et bienveillants sur la splendide vallée de Bamiyan depuis le VIe siècle. En 2001, le chef des talibans, le mollah Omar, les qualifie pourtant "d'horreur impie synonyme d'une religion pour dégénérés". Les bouddhas, nichés à 2 500 mètres d'altitude et témoins du point le plus occidental atteint par le bouddhisme avant l'arrivée de l'islam, sont pulvérisés à coup d'explosifs et de tirs d'obus. L'un des pires crimes archéologiques de l'Histoire. Les images font le tour du monde.

Vingt ans plus tard, les talibans de retour au pouvoir portent un regard beaucoup plus pragmatique sur ces immenses niches désormais vides, classées site en péril par l'Unesco, et qui continuent malgré tout d'attirer les visiteurs. 20 ans plus tard, le vice-ministre de la Culture taliban est même capable de dire au Washington Post que "les bouddhas sont d'une grande importance pour [son] gouvernement, comme ils le sont pour le monde entier". 

Un centre touristique avec marché aux souvenirs

Les talibans veulent en faire un centre touristique avec restaurants, parkings et marché aux souvenirs. Sur un lac près de Bamiyan, on peut déjà louer des pédalos en forme de cygne. Il y a aussi sur le site un hôtel international, des vendeurs de glace... et une billetterie ouverte depuis peu. 58 centimes pour les Afghans et 3,15 euros pour les étrangers, pour voir les ruines des Bouddhas et des grottes menacées par l'érosion et le réchauffement climatique.

Les talibans espèrent faire des lieux une source de revenus pour la province, l'une des plus pauvres d'un pays étranglé par les sanctions internationales, mais que 200 000 personnes, majoritairement des Afghans, visitent malgré tout chaque année. Et s'ils peuvent déployer des gardes armés et des barrières, les talibans n'ont ni les moyens ni l'expertise pour financer les travaux de mise en valeur et de restauration. Alors ils demandent aux investisseurs étrangers et aux archéologues de revenir et de reprendre leurs projets, suspendus depuis 2021. 

Mais pour l'instant, ça ne se bouscule pas au portillon. L'Unesco a bien repris un projet avec une centaine de travailleurs locaux pour sécuriser les chemins et faire un peu de conservation, mais c'est tout. Bamiyan possède un immense centre culturel et un musée, mais les talibans ne veulent pas le rouvrir. 

Des lois liberticides

Ils ont beau présenter leur initiative de centre touristique comme une preuve d'ouverture du régime, qu'ils affichent plus tolérant que celui de la période 1996-2001, ils multiplient depuis 2021 les lois liberticides. Même sous la burqa ou le hijab, devenus obligatoires, les femmes ne peuvent plus se montrer dans les parcs et jardins de Kaboul et les filles n'ont plus le droit à l'éducation.

Se servir de la préservation du patrimoine archéologique pour redorer leur blason, la ficelle est donc un peu grosse. D'autant que tous les responsables talibans ne sont pas pour la réouverture du site : le gouverneur de la province estime par exemple que la destruction des bouddhas était "une bonne décision" et que les touristes doivent être dirigés en priorité vers d'autres sites. Tant que le régime ne donnera pas de garanties sur le respect des libertés fondamentales et les droits de femmes, les ONG et des donateurs assurent qu'ils ne reviendront pas en Afghanistan.

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