Cet article date de plus de deux ans.

Crise de l'énergie : l'Allemagne prolonge la durée de vie de deux centrales nucléaires

Face aux difficultés d'approvisionnement énergétique, Berlin prolonge la durée de vie de deux centrales nucléaires. Une décision difficile à assumer pour les écologistes de la coalition au pouvoir, même si l'objectif est toujours de sortir du nucléaire.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
De la vapeur s'élève de la tour de refroidissement de la centrale nucléaire (NPP) Isar 2, en Bavière (Allemagne), le 21 juillet 2022. (ARMIN WEIGEL / DPA)

C'est une décision qui va contre le sens de l'histoire : après la catastrophe de Fukushima en 2011, l'ex-chancelière Angela Merkel s'était engagée à fermer de manière définitive le parc nucléaire allemand. Progressivement les centrales avaient fermé, les trois dernières devant l'être pour la fin de cette année 2022. La crise énergétique a eu raison du calendrier et des engagements de l'actuel gouvernement, qui assure toujours vouloir sortir du nucléaire... mais pas tout de suite.

>> Crise de l'énergie : six questions pour comprendre pourquoi l'électricité et le gaz sont devenus si chers


Sur les trois dernières centrales nucléaires, qui assurent encore 6% de l'électricité produite dans le pays, une seule sera fermée et les deux autres simplement mises en sommeil jusqu'en avril. Isar 2 (près de Munich) et Neckarwestheim 2 (dans le Bade-Wurtemberg) pourront être réactivées si l'hiver est trop rude et que les pénuries menacent.

Le nucléaire, pomme de discorde de la coalition

C'est un échec pour les écologistes du gouvernement, surtout pour le ministre de l'Économie et vice-chancelier Robert Habeck, qui – il y a deux semaines encore – assurait que prolonger la durée de vie des centrales nucléaires était totalement exclu.

Le coup de frein mis par Moscou aux livraisons de gaz ne lui laisse plus le choix. "C'est un débat qui fait traditionnellement des vagues en Allemagne, qui suscite beaucoup d'émotions", a-t-il reconnu devant la presse. Le voilà en train de manger son chapeau... tout comme son partenaire, le parti social démocrate (SPD), qui doit lui aussi faire volte-face.

La décision n'est pourtant pas surprenante, les pressions montant de toutes parts : "Chers écologistes, revenez sur vos pas. Pas de restrictions de pensée ! Faites-le pour l’Allemagne", écrivait le chef de l’opposition, le conservateur Friedrich Merz, dans une tribune pour le quotidien allemand Bild. Le chancelier Olaf Sholz avait d'ailleurs commencé à préparer le terrain. Même l'opinion publique allemande a évolué. Dans un sondage réalisé fin juin par l'ARD, 61% des personnes interrogées se disaient favorables à cette mesure.

C'est aussi une question de solidarité européenne : de la même manière que la France s'engage à livrer plus de gaz à l'Allemagne, Berlin pourrait en retour fournir de l'électricité à la France.

La relance provisoire du charbon

Malgré tout, la coalition au pouvoir est fragilisée par cette décision. Les libéraux du FDP estiment que les mesures ne vont pas assez loin. Eux souhaitaient garder en réserve non pas deux mais trois centrales ; et non pas jusqu'en 2023 mais 2024 pour limiter le recours au gaz – à la fois trop rare et trop cher – et surtout au charbon – trop polluant.

Le charbon, lui aussi, est reparti de plus belle : les centrales devaient fermer en 2022 et en 2023 mais 27 sites ont été autorisés à reprendre leur production - pour une période limitée, jusqu’en mars 2024.

Berlin a même adopté un décret qui, depuis la fin août, donne la priorité aux convois ferroviaires livrant du charbon. En cas de tension, les trains de passagers doivent donc attendre et laisser passer les wagons destinés aux centrales. Le retour du charbon est une décision amère, mais "inévitable" : même les associations de protection de l'environnement comme Greenpeace reconnaissent que c'est la seule façon de se libérer de la dépendance au gaz de Poutine.

Le Japon réévalue aussi sa position

Sur le nucléaire en revanche, elles promettent des actions en justice contre le gouvernement. Le 19 juillet, l’association Environmental Action Germany (DUH) déclarait dans un communiqué : "Si la prolongation de l’exploitation des centrales nucléaires devait se faire au-delà du 31 décembre 2022, nous y mettrons fin par voie judiciaire si nécessaire."

L'Allemagne n'est pas le seul pays à réévaluer sa position sur l'énergie nucléaire après l'invasion russe de l'Ukraine : fin août, le Premier ministre japonais Fumio Kishida a annoncé "une réflexion" sur la construction éventuelle de "réacteurs nucléaires de nouvelle génération, dotés de nouveaux mécanismes de sécurité".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.