Élection présidentielle en Argentine : un duel surréaliste pour le second tour
Après le premier tour du scrutin présidentiel de dimanche 22 octobre, le duel improbable qui se profile, entre un ministre sortant au bilan impossible et un polémiste anti-système, ancien chanteur de rock, ne peut se comprendre qu'à l'aune du désespoir profond des Argentins.
En toile de fond des présidentielles, il y a le désespoir et la colère de tout un pays, dont l'économie est souvent comparée à "un malade en soins intensifs". L'inflation y est l'une des plus élevées au monde. Sur un an, elle flirte avec les 140%. Pour s'en sortir, les habitants multiplient les crédits, le surendettement explose, désormais 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le pays, qui peine à rembourser une dette colossale de 45 milliards de dollars au Fonds monétaire international (FMI), est au bord de l'explosion sociale.
Sergio Massa le centriste
C'est pourtant le ministre de l'Économie, Sergio Massa, qui sort en tête avec plus de 36% des voix. Il a réussi de façon stupéfiante à persuader les Argentins qu'il n'était responsable de rien. L'avocat de formation est devenu homme politique à temps plein depuis 25 ans. "Sergio Massa le centriste" est souvent passé d'un parti à un autre et, pendant la campagne, du haut de son élégance toute en décontraction, il a pris grand soin de se distancier de l'impopulaire président Alberto Fernandez.
Il a mis en avant les dépenses publiques de l'État pour la sécurité sociale et, quelques mois avant le scrutin, il s'est mis à proposer des exemptions de TVA et des subventions en tout genre. Sa prouesse a été de faire croire qu'il maîtrise la situation, d'assurer que le pire est passé. Ce qui est loin d'être une certitude.
El loco (le fou)
Face à lui, l'excentrique populiste Javier Milei a obtenu 30% des voix. Pour le favori, c'est bien moins que ce qu'il espérait. Il fait malgré tout 30% alors qu'il y a deux ans, il était un simple polémiste des plateaux télé. C'est déjà un exploit. Javier Milei avec ses favoris et ses airs de rocker un peu vintage, se qualifie d'anarcho-capitaliste. Il est imprévisible, radical et provocateur. Dans ses meetings, il brandit souvent une tronçonneuse en hurlant d'une voix rauque "Vive la liberté, bordel !", car il veut découper l'État en morceaux, réduire les dépenses publiques.
Il s'inscrit dans la tendance mondiale d'une droite populiste, ultra libérale sur le plan économique, ultra-conservarice sur les questions de société. Il dénonce la "caste parasite" qui se partage le pouvoir depuis 20 ans et veut "dollariser" l'économie - laisser le billet vert remplacer le peso. Anti-avortement, pro-arme et climato-sceptique, c'est un grand admirateur de Donald Trump. Au nom de la liberté de disposer de son corps, il a proposé la création d'un grand marché de vente d'organes. Depuis qu'il est petit, Javier Milei se fait appeler "el loco" ("le fou"). Prenant ce postulat au sérieux, son adversaire Sergio Massa a demandé une évaluation psychiatrique des candidats avant le second tour.
Il reste un mois de campagne. Comment vont se répartir les reports de voix pour le second tour ? Tous les scénarions sont possibles. Mais quel que soit le vainqueur, ce scrutin marque la fin d’un cycle politique et économique de 20 ans. Sergio Massa comme Javier Milei souhaitent réduire les dépenses de l'État et c'est la population qui en paiera les frais.
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